Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, Film, L'art
Le Secret derrière la porte
Secret Beyond the Door |
Réalisé par Fritz Lang |
Thriller, Suspens - États-Unis - 1947 |
Aucune diffusion prévue à ce jour. |
Celia (Joan Bennett) est la seule héritière d'une riche famille new-yorkaise. Au Mexique, elle rencontre Mark (Michael Redgrave), un jeune architecte dont elle tombe amoureuse et qu'elle épouse dans la foulée. C'est lorsqu'ils sont de retour au Mexique pour leur voyage de noces qu'elle commence à s'inquiéter du fait qu'elle ne sait rien de lui. Mark a qui plus est des comportements étranges : il a pour habitude de disparaître pendant plusieurs jours sans explications, fait la collection de scènes de crimes (qu'il reconstitue à l'exact dans sa grande propriété de Lavender Falls) et multiplie les phobies (les clés, les lilas...). Celia apprend en outre qu'il a été marié, sa femme s'étant suicidée dans des conditions assez mystérieuses. Ils ont eu ensemble un fils, David, qui a échappé de peu à la mort dans un incendie qui a défiguré Miss Robey (Barbara O'Neil), la gouvernante de Mark. Prise dans les filets de Mark, Celia est dès lors partagée entre la peur qu'il lui inspire et l'amour qu'elle continue à éprouver pour lui... Fritz Lang et Walter Wanger viennent de monter, avec Joan Bennett (l'épouse de Wanger) et Dudley Nichols, la société Diana Films. Plein d'espoir, ils produisent « La Rue rouge » puis ce « Secret derrière la porte » dont l'échec scellera le sort de la toute jeune société. Visuellement, « Le Secret derrière la porte » est le film le plus baroque et extravagant de la période américaine de Lang. Visions, déformations, rêves... le cinéaste et son chef opérateur Stanley Cortez s'en donnent à cœur joie dans les expériences esthétiques, travaillant les cadres, les lumières, déformant les décors pour rendre compte des traumatismes intérieurs de son héros torturé. Lang poursuit avec ce film ses questionnements sur la culpabilité, Mark étant non pas hanté par un crime qu'il a commis, mais simplement par l'idée de crime. Ce que le cinéaste aime à montrer à travers ses personnages, c'est que nous sommes tous des criminels en puissance ; et même s'il n'est pas l'auteur du scénario original et qu'il a souvent répété avoir tourné ce film contre son gré, il est évident que le script de Silvia Richard (qui écrira « L'Ange des maudits » tourné par Lang en 1952) est entré en résonance avec ses questionnements sur l'humain, sur la moralité, voir avec ses propres démons. Il faut rappeler à cette occasion le mystère qui a entouré la mort de l'épouse de Fritz Lang en Allemagne, un suicide qui lui a néanmoins valu d'être soupçonné de meurtre... soit une histoire étrangement proche de celle qu'il met ici en scène. Lang aime fouiller les fantômes du passé et il brille ici à faire sentir l'omniprésence d'un être disparu, comme l'a fait Hitchcock quelques années auparavant dans « Rebecca ». Si Mark est le personnage central de l'intrigue, ce qui intéresse Lang, plus que de plonger dans sa folie, c'est de nous faire partager la façon dont Celia appréhende cet homme tour à tour craint et aimé. Est-ce par fascination ou par amour ? Toujours est-il qu'elle entreprend un voyage dans la psyché de Mark, un voyage dont le cinéaste retranscrit par la voix off de son héroïne et par une mise en scène qui rend compte des différents stades par lesquels elle passe, et pas seulement lorsque le cinéaste utilise le procédé de la caméra subjective. On le voit, « Le Secret derrière la porte » avait tout pour être un grand film langien, mais malheureusement le cinéaste, comme d'autres artistes de son époque (on pense notamment à Hitchcock), fait reposer son film sur des explications psychanalytiques par trop réductrices, ne retenant des recherches de Freud et consorts qu'une lecture très superficielle et caricaturale. Malgré cet aspect gênant qui fait qu'il traverse assez mal les affres du temps, « Le Secret derrière la porte » reste une œuvre belle et fascinante. | ||
Olivier Bitoun |