Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
« La Mule du coach », de Dominique Sylvain, illustrée par Jean-Philippe Peyraud
LE MONDE | 30.04.2014 à 11h39 | Par Yann Plougastel
La couverture de "La Mule du coach" | LE MONDE
(Mauvaise) danse avec les narcos colombiens
Il est 22 heures Vous avez passé votre journée à coacher des jeunes qui désirent redéployer leur force de travail dans l'entreprise qui les emploie. Mais, là, vous êtes seul, chez vous. Coup de sonnette. De l'autre côté de la porte, surgie du passé, Héloïse, une ex qui n'a rien à voir avec la chanson romantique de Barry Ryan, alternant slow langoureux et jerk furibard, occasion rêvée pour les timides, au début des années 1970, d'amorcer des tentatives d'approche…
Non, cette Héloïse-là, c'est la soupe à la grimace garantie, une enquiquineuse, une médaillée olympique de la complication. C'est en tout cas ce qu'Alexis, notre ami coach, se dit en la découvrant sur le pas de sa porte. Il sait qu'il va entamer une mauvaise danse avec de très vilains canards. Il n'a pas tort. Héloïse n'a rien trouvé de mieux que de servir de mule, entre Bogota et Paris, à des narcos colombiens… que la perspective d'être tintins, côté coke en stock, rend méchants.
Illustration de Jean-Philippe Peyraud pour "La Mule du coach". | LE MONDE
Dominique Sylvain, auteur de La Mule du coach, la troisième nouvelle de la troisième série des « Petits polars » du Monde, aime les personnages épicuriens et intrépides. Louise Morvan, sa première héroïne, une détective privée débutante, a ainsi vécu, depuis Baka !, en 1995, sept aventures tout aussi noires que sensuelles. La romancière inventa ensuite, avec Ingrid Diesel et Lola Jost, un duo de pétroleuses de choc. L'une, masseuse le jour, est stripteaseuse le reste du temps. L'autre, ancienne flic, occupe ses journées en buvant du porto et en assemblant des pièces de puzzle géant. Depuis Passage du désir, en 2004, Dominique Sylvain nous donne régulièrement de leurs nouvelles à travers des polars pleins de bruit et de fureur (La Fille du samouraï, 2005, Manta Corridor, 2006, L'Absence de l'ogre, 2007).
Dans Guerre sale, en 2011, Ingrid et Lola étaient propulsées au coeur des méandres de la Françafrique. Dans Ombres et soleil (Editions Viviane Hamy, 296 p., 18 €), elles croisent des anciens spécialistes du terrorisme islamiste, des mercenaires psychopathes, des ministres ripoux et des paras allumés… Bref, Dominique Sylvain a le chic pour se pencher sur d'étranges affaires étrangères. La Mule du coach ne déroge pas à cette règle. Rassurez-vous, Alexis, lui, à la fin de cette histoire de vengeance, prendra vraiment la mouche.
Retrouvez Macha Séry et la saison 2 des « Petits Polars du “Monde” avec SNCF » dans « Plein le dos » de Jean-Bernard Pouy, samedi 3 mai à 21 heures, sur France Culture. A réécouter et à podcaster sur Franceculture.fr.
Dominique Sylvain et Jean-Philippe Peyraud vus par Jean-Philippe Peyraud. | LE MONDE
L'auteure : Dominique Sylvain
Née à Thionville, en Lorraine, Dominique Sylvain a travaillé plus de dix ans comme journaliste à Paris, puis comme responsable de la communication et du mécénat chez Usinor. Mais c'est en quittant la France pour le Japon avec sa famille qu'elle ressent le besoin d'écrire. En 1994, elle imagine la jeune détective privée Louise Morvan pour son premier roman policier Baka, qui se déroule en grande partie à Tokyo. Louise, belle héroïne opiniâtre, inspirée par Raymond Chandler, reviendra dans d'autres fictions comme Sœurs de sang ou La Nuit de Geronimo.
Instinctivement, Dominique Sylvain envoie son premier texte à Viviane Hamy, qui vient de créer la collection « Chemins nocturnes ». Vingt ans plus tard, elle est toujours fidèle à cette éditrice. Le choix du polar est une évidence pour cette lectrice d'Ed McBain, Montalban, Elmore Leonard ou Dennis Lehane. Elle aime les récits choraux, les intrigues serrées, les héros récurrents. Après Louise Morvan, la romancière envisage, en 2004, une autre série avec deux héroïnes hautes en couleur : Ingrid Diesel, masseuse le jour et strip-teaseuse la nuit, et Lola Jost, ex-professeure de français, ex-flic au caractère rugueux. Avec ces deux filles opposées physiquement et culturellement, Dominique Sylvain s'autorise un comique de répétition tempéré par des situations dramatiques.
Après Passage du Désir (prix des lectrices de Elle en 2005), La Fille du samouraï, Manta Corridor et L'Absence de l'ogre, elle écrit Guerre sale en 2011. Le livre a pour cadre les méandres politico-financiers de la « Françafrique ». Dominique Sylvain allie une documentation rigoureuse et un sens du rythme et des dialogues qui sonnent juste. Son tout nouveau roman, Ombres et soleil, retrouve certains des personnages de Guerre sale et continue de flirter avec l'actualité, menant le lecteur en Afrique et en Asie en compagnie de quelques spécialistes du terrorisme, mercenaires et hauts fonctionnaires véreux. Depuis 2012, deux adaptations ont été réalisées pour la télévision (Passage du Désir et Manta Corridor). Muriel Robin y tient le rôle de Lola Jost.
Christine Ferniot
L'illustrateur : Jean-Philippe Peyraud
Né en 1969 à Poitiers, Jean-Philippe Peyraud suit des études d’arts appliqués avant de s’installer à Paris et de s’orienter vers l’audiovisuel. Graphiste, il réalise des bandes-annonces, des génériques pour Arte et France Télévisions et des films institutionnels. Puis il se consacre à la bande dessinée et fonde, avec un collectif d’auteurs, La Comédie illustrée, inspiré par les nouvellistes américains et la ligne claire. Au début des années 2000, il imagine ainsi des ouvrages comme Il pleut, Grain de beauté puis La Bouche sèche, histoires intimistes sur le couple et les chagrins amoureux (aux éditions Treize Etrange).
Parallèlement, dans un registre plus humoristique, Jean-Philippe Peyraud lance entre 2001 et 2003 la série Premières chaleurs (Casterman). Puis il réalise, entre 2004-2006, Ces années-là (dans le magazine Phosphore et chez Treize Etrange), un ensemble d’histoires sur la jeunesse urbaine contemporaine. Entre 2006 et 2011, il travaille également avec le dessinateur Alfred en scénarisant la trilogie du Désespoir du singe (aux éditions Delcourt).
C’est en 2008 qu’il inaugure une collaboration avec des écrivains. Avec Philippe Djian, d’abord, en adaptant la nouvelle Mise en bouche et la pièce de théâtre Lui, toutes deux parues aux éditions Futuropolis. Avec Marc Villard, il travaille dans le registre policier avec la bande dessinée Happy Slapping (Casterman), mais aussi le dessin d’humour pour Quand j’étais star (chez Casterman) et, en 2012, J’aimerais être un saint mais bronzé (chez Treize Etrange). Connu pour ses dessins intimistes, il n’hésite donc pas à s’orienter vers le polar à l’aide d’un trait plus noir et plus sec. Tout récemment, il a publié, aux éditions Treize Etrange, D’autres larmes, une comédie de mœurs en six instantanés de vie, de la rencontre à la séparation. Il dessine également pour la presse (plus d’une centaine de dessins pour le magazine Elle).
Chr. F.