Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Bataille de visions autour du Grand Palais
LE MONDE | 13.02.2014 à 08h31 • Mis à jour le 13.02.2014 à 09h48 | Par Jean-Jacques Larrochelle
Vue d'artiste du square Jean Perrin, future entrée du public (hors Nef) pour les galeries d’expositions et le Palais de la Découverte. | IMAGE LAN, RENDU DIALOGUE COMPÉTITIF. LAN, 2014
La réaction n'a pas tardé. Sitôt annoncé, le 3 février, le nom de l'équipe d'architectes, l'agence LAN (Local Architecture Network), chargée de l'aménagement du Grand Palais à Paris, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture de Jacques Chirac entre 2002 et 2004, a livré sa vision de l'affaire. « Occasion manquée au Grand Palais » : ainsi était titrée, le 6 février, la chronique hebdomadaire qu'il tient dans le quotidien L'Opinion.
L'équipe LAN a remporté l'appel d'offres pour un projet d'ampleur, avec des travaux prévus sur environ six ans à partir de 2018 : la restauration et l'aménagement de la totalité du site, y compris le Palais de la découverte (consacré à la science).
Il s'agit, après les travaux sur la verrière, les façades et les fondations achevés en 2007, de rénover le reste du bâtiment, de le mettre aux normes muséales et de parfaire la régulation thermique. Enfin, le projet de l'agence LAN prévoit de redessiner toute la circulation pour créer une continuité entre la nef (sous la verrière), les galeries nationales, où ont lieu les grandes expositions, et le Palais de la découverte.
Jean-Jacques Aillagon ne conteste pas les qualités de l'agence LAN, « un bon choix », selon lui, mais plutôt le montage économique et l'orientation des contenus du lieu adoptés par le président de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais (RMN-GP), Jean-Paul Cluzel. Il lui reproche un « manque de vigueur » et une « pusillanimité » : à ce projet coûteux basé sur l'autofinancement, lui aurait préféré une implication plus importante du privé.
« Même si l'établissement gestionnaire de ce vaste bâtiment (…) se propose de dégager sur le bénéfice de son exploitation une part du financement de l'opération, écrit Jean-Jacques Aillagon, on sait que celle-là pèsera significativement sur les crédits du ministère de la culture. » L'ancien président du château de Versailles (2007-2011) relance l'hypothèse qu'il avait mise en œuvre pour le Grand Palais lorsqu'il était maître de la Rue de Valois : « Déléguer à un opérateur privé l'exploitation de la partie commerciale du bâtiment – à charge pour lui de financer, outre les travaux dont il aurait besoin, ceux du réaménagement des galeries nationales d'exposition d'art, qui seraient restées sous la responsabilité de l'Etat. »
Vue d'artiste de la rue des Palais. Un déambulatoire destiné à relier la Grande Nef et le Palais de la découverte. | IMAGE LAN, RENDU DIALOGUE COMPÉTITIF. LAN, 2014
Dans le scénario économique de Jean-Paul Cluzel, les travaux d'aménagement, d'un montant total estimé à 130 millions d'euros, hors taxes, permettront d'augmenter la capacité d'accueil du Grand Palais de 13 000 personnes à 22 000 personnes. Grâce à cette fréquentation en hausse, la capacité d'autofinancement (CAF) de la RMN-GP, qui est aujourd'hui de 9,4 millions d'euros, passerait à 22,6 millions d'euros. Une augmentation qui devrait permettre de rembourser un emprunt de 228 millions d'euros sur une période de vingt à trente ans.
REFONTE DU GRAND PALAIS
Interrogé, Jean-Paul Cluzel reconnaît que l'on peut trouver « tout à fait admissible » un projet tel que celui de M. Aillagon, mais, selon lui, « ça n'est plus un projet culturel de service public ».
Le président de la RMN-GP dit avoir reçu les groupements privés qui, déjà, avaient « démarché » l'ancien ministre de la culture. Et avoir décliné leurs suggestions. « Tous les groupements proposaient une excavation d'ampleur de la Grande Nef afin d'y installer deux importants auditoriums. » Selon lui, « le Grand Palais devenait une sorte de centre de congrès, ce qui entraînait des tarifs d'exploitation très élevés en lien avec l'importance des travaux. Les galeries nationales étaient réduites au bon vouloir d'un tiers : la vocation du bâtiment n'allait plus être essentiellement culturelle. » Pour Jean-Paul Cluzel, « ce projet de partenariat public-privé » n'a qu'une seule visée « mercantiliste ».
Dans sa chronique, Jean-Jacques Aillagon ne se limite pas aux seuls aspects financiers. Il en appelle aussi à une refonte du rôle du Grand Palais. Pour lui, les activités du Palais de la découverte auraient dû déménager vers la Cité des sciences et de l'industrie « afin de consolider, à La Villette, un grand pôle de culture scientifique, plaide-t-il. Le Palais de la découverte et la Cité relèvent d'ailleurs désormais du même établissement public, Universciences. Encore eut-il fallu savoir arbitrer avec plus de vigueur entre les points de vue contraires des deux ministères de tutelle, la culture et la recherche ».
Jean-Paul Cluzel, lui, défend son projet, celui d'un Grand Palais dans lequel voisinent les arts et les sciences. « Je suis parti du fait que l'on gardait le Palais de la découverte, explique-t-il. Cela avait fait l'objet de discussions avec le précédent gouvernement. » Le fait de vouloir maintenir le lien entre ces deux entités, qui feront entrée commune, et leurs publics respectifs d'âges très différents est un facteur qu'il juge « cohérent. Et sur lequel le gouvernement actuel insiste : l'éducation artistique vers les jeunes »