Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Alex Katz, l'image du père
Le peintre américain expose quarante-cinq ans de portraits à Pantin. Rencontre avec un esprit vif, plein d'Ses portraits sont intensément lumineux, comme un ciel d'été, une tranche de melon, une plage calme où les serviettes de bain éclatent de couleurs. On les respire. Alex Katz apporte au pop art américain un regard très particulier, presque abstrait, une sensation à la fois immatérielle et très présente, comme un coup de soleil sur la toile. Il magnifie le moment, d'où les arrêts sur image. Étire la vie jusqu'à rendre palpable la perception de l'air. Épure les traits de sa chère femme Ada (plus de cinquante ans de mariage et plus de 250 portraits!) et de ses proches jusqu'à en tirer des paradigmes. Revient toujours à la peinture et ses maîtres, Manet, Degas, Matisse, Ingres, Bonnard, quand Andy Warhol, croqueur de formes aguerri par la publicité, célèbre en coloriste les «rich and famous», les «Ladies and Gentlemen» par ses icônes démultipliées.
Crâne chauve et long visage maigre, le cou caché dans son col roulé noir, Alex Katz a le profil expressionniste de Nosferatu et le sourire radieux de l'Américain dès qu'il parle, rajeunissant à vue d'œil comme Benjamin Button, en bougeant ses belles mains de peintre. Né en 1927 à Brooklyn, il est le fils aîné d'émigrés juifs russes. «Mes parents parlaient plus de cinq langues: russe, lituanien, polonais, yiddish, anglais, et aussi un peu d'ukrainien et d'allemand. Mais quand j'ai eu 4 ans, mon père a décidé qu'il ne me parlerait pas en russe. Du yiddish, je ne me souviens que des jurons. De mon père, j'ai hérité la manière russe de travailler, intensément, très durement mais pendant une période restreinte, ce type d'énergie très concentrée. Je peins donc vite», nous raconte-t-il en riant.
«Une seule bonne façon»
Ce père, bel homme, «vaniteux car conscient de l'être» et marié à une belle actrice très «jewish princess» a influencé aussi son rapport à la couleur «par son goût très sûr». «En Russie, il était destiné à devenir un érudit («scholar») ; en émigrant, il est devenu un homme d'affaires et un play-boy, un grand bourgeois avec des goûts aristocratiques. Il jouait au billard, pas sa version américaine («pool»). On peignait ensemble lorsque j'étais enfant. Il avait une façon de faire pour chaque moment de la vie, du travail à l'amour, du bâtiment à la lecture. Le Talmud nous enseigne qu'il n'y a qu'une seule bonne façon de faire les choses, qu'il y en a beaucoup pour en faire de mauvaises. Je suis encore déterminé par cela. Je suis très méthodique dans ma façon de peindre.»
L'humour traverse cet artiste porté aux nues par tous les grands musées internationaux. «Mon père avait accroché son portrait en photo au salon. Cela me semble si bizarre... Je ne pourrais pas en faire autant, ni même accrocher là celui de ma femme. Un tableau, c'est différent.» À Pantin, toute cette enfance incroyable est à pister dans ses quarante-cinq ans de peinture, dans ses portraits figuratifs d'êtres jeunes, beaux, dans un temps immobile et idyllique.
Alex Katz: 45 ans de portraits, 1969-2014, Galerie Ropac Paris-Pantin, 69, avenue du Général-Leclerc, Pantin (93). Tél.: 01 55 89 01 10. Horaires: mardi-samedi, 10 h-19 h. Jusqu'au12 juillet.