Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
François BOUCHER (Paris 1703 - 1770) Jeux d’Enfants ou L’Automne
François BOUCHER (Paris 1703 - 1770) Jeux d’Enfants ou L’Automne Toile, un dessus-de-porte 87 x 136 cm Provenance : Probablement Hôtel Derbais, Paris, rue Poissonnière ; Collection Ch. E. Riche, Paris ; Vente anonyme, Paris, Nouveau Drouot (Maître Renaud), 30 mars 1984, n°57, reproduit en couleur (François Boucher) ; Chez Maurice Segoura en 1986 ; Acquis chez ce dernier par les actuels propriétaires. Bibliographie : H. Voss, « François Boucher’s early development », dans Burlington Magazine, mars 1953, cité p. 89, reproduit fig. 57 (une deuxième version de L’Automne) ; A. Ananoff et D. Wildenstein, François Boucher, Paris et Lausanne, 1976, n°60/8 (copie) ; Catalogue de l’exposition, François Boucher, New York, Detroit et Paris, 1986-1987, cité p. 63 sous la note n°4, pp. 133 et 135 (François Boucher). Notre tableau est une œuvre fondamentale pour la connaissance du jeune Boucher. Peint vers 1732-1735, juste après son retour d’Italie, il est nourri de peinture vénitienne et de sa riche matière picturale et met en place tous les éléments d’un genre nouveau qui deviendra le style rocaille. Après une formation dans l’atelier de François Lemoyne, François Boucher est Grand Prix de l’Académie en 1723. N’étant pas l’un des favoris du duc d’Antin, Surintendant des Bâtiments du Roi, Boucher part pour Rome à ses frais de 1728 à 1731. à son retour, il reçoit sa première grande commande et livre à l’avocat François Derbais, en 1732, deux peintures de grandes dimensions, Venus demandant des armes à Vulcain et L’Aurore et Céphale (Toiles, 252 x 175 cm ; Louvre et Nancy)1. La matière pleine et onctueuse de ces tableaux, leurs couleurs claires pastel et leur facture toute d’assurance et de hardiesse se retrouvent dans notre tableau ; tout comme « la vive couleur, le relief et le Pinceau […] l’aimable invention » et « le traitement étonnamment libre de la plante au premier plan »2 que l’on retrouve dans L’Aurore et Céphale. Selon Alastair Laing, cette rupture radicale est inspirée des modèles italiens. Boucher rentre à Paris en 1731 avec en tête des exemples nouveaux inspirés du vénitien Sebastiano Ricci et du génois Giambattista Castiglione, notamment Cyrus allaité par une chienne (Toile, 218 x 316 cm ; Gênes, collection Durazzo Pallavicini)3 dans lequel nous retrouvons le putto grassouillet, la présence de la nature avec l’amoncellement de raisins et de feuilles de vignes fermant la composition et une grande liberté de la touche. Le sujet est tiré de la mythologie. François Boucher le renouvelle complètement. Le thème des Bacchanales remonte à l’antiquité (voir le Sarcophage de Giunio Basso ; Rome, musée de la civilisation romaine). François Duquesnoy, après la Renaissance, le remet à l’honneur. Dans sa Bacchanale de Putti (Rome, Galeria Spada) nous retrouvons en une composition en frise des putti jouant avec une chèvre entourés de feuilles de vignes et de grappes de raisins. Tout en respectant ce sujet classique, Boucher le traite différemment. Les putti deviennent des cupidons. Potelés et joufflus, ils ne sont plus répartis en frise devant et derrière la chèvre mais ils sont dans une composition pyramidale dont le sommet est le cupidon au thyrse. En faisant ainsi évoluer le thème classique des bacchanales vers celui plus moderne des jeux d’amours traités dans une matière onctueuse, avec des couleurs douces, dans un grand format, Boucher élève les représentations d’amours au rang de genre indépendant. Les collectionneurs vont contribuer à mettre ce nouveau genre à la mode, comme le duc de Rohan qui demande à François Boucher, entre autres artistes, de décorer l’Hôtel de Soubise en 1737. Nous proposons de voir dans notre tableau le dessus-de-porte qui ornait la salle de billard de l’hôtel particulier à Paris du juriste François Derbais. Avocat au Parlement, François Derbais est le fils du sculpteur marbrier Jérôme Derbais, actif pour la couronne entre 1668 et 1715. L’inventaire établi après décès de sa maison rue Poissonnière le 2 mars 1743 et retrouvé par Georges Brunel, précise qu’il possédait une importante collection de tableaux de Boucher. Dans la salle de billard se trouvaient un Enlèvement d’Europe et une Naissance de Bacchus (Toiles, 234 x 277 cm ; Londres, Wallace collection), ainsi qu’en pendant Aurore et Cephale et Venus demandant des armes à Vulcain. Cet ensemble était complété par deux paires de tableaux d’enfants, L’Amour oiseleur et L’Amour moissonneur, L’Amour nageur et L’Amour vendangeur (Fig. 1)4. Ces quatre tableaux ont été diffusés par l’estampe et il est difficile d’identifier les peintures originales. Boucher a parfois répété lui-même ses compositions et les graveurs y ont ajouté certains éléments. Il est intéressant de préciser que la collection Derbais contenait deux paires de Caravanes, peut-être de Castiglione. En effet, Boucher utilisait la collection de ses œuvres récentes dans la maison de Derbais pour relancer sa carrière après son retour d’Italie. La manière de dessiner nos Amours, « leurs corps allongés et creusés par quantité de fossettes et leurs cheveux [qui] s’effilochent en multiples petites mèches »5, appartiennent en propre à la période précoce de Boucher. Après 1740, « Boucher donnera aux putti de ses tableaux un caractère plus rond et plus ferme » créant définitivement son style. Notre tableau est une version plus élaborée de L’Automne ou Cinq Amours jouant avec une chèvre (Fig. 2. Toile, 72 x 72 cm ; dans une collection particulière) pendant de L’été ou Les Amours oiseleurs signé (Toile, 72 x 72 cm ; Providence, Museum of Art, Rhode Island School of Design)6. Dans notre tableau, la composition est rectangulaire et non carrée. Les enfants sont des cupidons. Boucher en ajoute trois, un par terre et deux autres qui soutiennent un panier de raisins dans le ciel. Il y a une abondance de raisins, de guirlandes et de feuilles de vigne. Les deux cupidons dans le ciel élèvent un panier de raisins, celui sur la chèvre porte un carquois de fruits, la chèvre est couronnée de vignes, le cupidon roux par terre s’empare de grappes et le petit enfant blond à gauche est le meneur au thyrse. Notre tableau a été célèbre et a servi de modèle à la gravure ornementale pour une feuille d’écran, Le Triomphe de Priape, réalisée par Duflos d’après Boucher en 1737 (Fig. 3)7. Par son format, nous pouvons aussi le rapprocher d’un autre tableau de putti, Colin-Maillard (Fig. 4. Toile, 80 x 146 cm), dans le marché de l’art en 19768. On connait aussi un dessin recto verso (Plume, 11 x 20 cm) qui figurait à la vente Geismar, Paris, Hôtel Drouot, 15 novembre 1928, n°49, L’éducation du chien. Au verso, La Chèvre docile (Fig. 5). Un certificat d’Alexandre Ananoff confirme l’attribution de notre tableau à François Boucher et le date vers 1731. 1.?Voir A. Ananoff et D. Wildenstein, François Boucher, Paris et Lausanne, 1976, n°85 et 86, reproduits. 2.?Mercure de France, juin 1735, p. 1386. 3.?Voir le catalogue de l’exposition Il Genio di Giovanni Benedetto Castiglione Il Grechetto, Gênes, Accademia Ligustica di Belle Arti, 1990, n°9, reproduit fig. 126 et reproduit en couleur fig. 81. 4.?Voir A. Ananoff et D. Wildenstein, François Boucher, Paris et Lausanne, 1976, n°62, 63, 64, 65, reproduits. 5.?B. Brunel, Boucher, Paris, 1986, p. 63. 6.?Après avoir été dans la collection Ten Cate, il a été acheté par le Baron Thyssen-Bornemisza en 1968. Il l’échange en 1980 avec Marco Grassi contre un autre tableau. Il semble que Monsieur Grassi l’ait vendu à un particulier aux états-Unis. 7.?Voir P. Jean Richard, L’œuvre gravée de François Boucher, Paris, 1978, n°875, reproduit. 8.?Voir A. Ananoff et D. Wildenstein, François Boucher, Paris et Lausanne, 1976, n°59, reproduit. Belle vente mobilière