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Le siècle tourmenté de Boris Pahor

 

 

 

Natif de Trieste, le port cosmopolite de la pointe de l'Adriatique, Boris Pahor a fêté ses cent ans lundi dernier.

Natif de Trieste, le port cosmopolite de la pointe de l'Adriatique, Boris Pahor a fêté ses cent ans lundi dernier. Crédits photo : ©Effigie/Leemage

L'écrivain slovène vient de fêter ses cent ans. Son dernier livre, Quand Ulysse revient à Trieste, comme toute son œuvre, est marqué par la Seconde Guerre mondiale et Trieste.

Citoyen slovène de Trieste, le port cosmopolite de la pointe de l'Adriatique, Boris Pahor a fêté ses cent ans lundi dernier. Peu d'écrivains ont été aussi indéfectiblement attachés à une ville. Citons pour mémoire Louis Aragon et Paris, Arthur Schnitzler et Vienne, Alfred Döblin et Berlin, James Joyce et Dublin.

À l'occasion de son centenaire, il a été fait citoyen d'honneur de sa ville natale et le Parlement de Bruxelles lui a décerné le prix du Citoyen européen pour l'année 2013. La reconnaissance de cet immense écrivain hors de ses frontières a tardé, c'est le moins qu'on puisse dire. Aujourd'hui, la Slovénie (qui faisait partie de la Yougoslavie) compte quelque deux millions d'habitants et sa superficie est égale à celle de notre Picardie.

Pahor a toujours considéré sa langue comme un idiome de combat et de résistance, rappelant que le slovène avait été interdit par l'empire austro-hongrois puis par l'Italie fasciste.

En France, il a fallu attendre la parution de son opus magnum, Pèlerin parmi les ombres, en 1990, pour que l'on salue cette voix singulière et dérangeante. C'est Pierre-Guillaume de Roux (fils de l'écrivain trop oublié Dominique de Roux), alors éditeur à La Table ronde, qui avait découvert ce récit hallucinant. Paru en 1967 sous le titre original de Nekropola, Pèlerin parmi les ombres (en poche dans la «Petite Vermillon» de La Table Ronde) est dédié «aux mânes de tous ceux qui ne sont pas revenus». Il y fait le récit de ses séjours concentrationnaires.

Arrêté en 1943 alors qu'il venait de rejoindre le Mouvement de libération nationale de la Yougoslavie, il a survécu aux camps du Struthof (en Alsace), de Dachau, de Dora, de Bergen-Belsen. «Comme je l'ai pu, j'ai remis aux vivants le message de ceux qui sont devenus devant mes yeux des os humiliés, qu'il me soit permis d'être simple voyageur», avait-il un jour confié.

En juillet 2008, Pahor avait livré au Figaro une nouvelle inédite,Son étonnante Calypso, où l'on pouvait lire: «L'année de son séjour dans l'univers des fours crématoires ne peut pas être décrite, seuls les tableaux de Zoran Music pourraient peut-être en donner une image, mais la description de l'état psychologique des prisonniers politiques mourant de faim et de maladies, même une plume expérimentée aurait du mal à s'y attaquer. Avec sa connaissance des langues notre Adrien réussit à travaillerdans les baraques destinées aux malades. Il était interprète, aide-infirmier, auxiliaire du détenu chargé de transporter les squelettes trépassés. Dormant avec ses malades, il en attrapa latuberculose.»

Défendez votre identité, choisissez de grandes figures morales

Boris Pahor

Comme le peintre Zoran Music, Vénitien d'origine slovène, Pahor a tardé à livrer son témoignage. Prémonitoire et halluciné, celui de Music avait pour nom Nous ne sommes pas les derniers(«Noi non siamo gli ultimi»)… Autres témoins essentiels, le Nobel hongrois Imre Kertész et Jorge Semprun ont également attendu la décantation du temps et les intermittences de la mémoire, rejoignant les premiers récits essentiels de Primo Levi, de Jean Cayrol ou du Polonais Tadeusz Borowski (Le Monde de pierre).

Toute l'œuvre de Boris Pahor, riche d'une quinzaine de volumes, tourne autour de deux axes: la Seconde Guerre mondiale et sa chère Trieste, la ville d'Umberto Saba, d'Italo Svevo et de Claudio Magris, qui eux ont écrit en italien. Lire Pahor, c'est aussi traverser la place Goldoni, parcourir le Corso, voir l'île éloignée de Grado, sentir le souffle aigu de la bora, deviner les plateaux calcaires du Karst.

En France, le siècle de Pahor a été fêté par la réédition de plusieurs titres ainsi que par la publication d'un roman inédit, son troisième, édité en 1955 et qui vient d'être traduit chez Pierre-Guillaume de Roux: Quand Ulysse revient à Trieste. Il traite de la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement de l'année 1943, celle de la capitulation de l'Italie et de la chute de Mussolini. Le protagoniste, Rudi Leban, emprunte un train le menant du nord de l'Italie vers Trieste, chaque gare traversée lui offrant le décor aux questionnements sur l'Histoire et sur le destin d'un pays. L'occasion également pour l'auteur de brosser deux splendides portraits de femmes.

Quant à Printemps difficiledont l'action se situe en 1945 (chez Phébus, collection de poche «Libretto»), il narre les errances d'un étudiant en théologie qui s'éloigne peu à peu de la spiritualité en découvrant la sanglante absurdité de l'Histoire. Samedi dernier, le Corriere della Seraa consacré deux pages à l'écrivain centenaire. Il a donné les conseils suivants à la jeunesse: «Défendez votre identité, choisissez de grandes figures morales, protégez le corps, suivez le chemin de la vérité, croyez en la Nature»…

Si l'Histoire, entendons la postérité littéraire était juste, elle couronnerait du prix Nobel ce grand écrivain né sous la domination de l'empire des Habsbourg et qui a connu les pires soubresauts de ce siècle qui s'est achevé par l‘implosion tragique de la Yougoslavie.

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