Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Le phénomène rosé pamplemousse
Directrice de l’Institut du Management du Vin du Groupe ESC Dijon-Bourgogne
Comment expliquer ce succès?
Le rosé pamplemousse fait partie des BAVB (boissons aromatisées à base de vin). Il représente les 2/3 de ce segment de marché, sur lequel on trouve aussi des blancs pêche ou pomme. Une petite tradition de rosé pamplemousse maison existait notamment dans le sud de la France, mais aujourd'hui les consommateurs l'achètent tout prêt.
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Son prix très abordable est un élément fort de son succès : pour environ 3 euros la bouteille, il permet d'organiser des fêtes à petit budget sans paraitre pingre et ringard. Il est venu rajeunir la sangria, qui est dans la même catégorie, et proposer un produit de consensus.
Il arrive dans le sillage du développement du vin rosé mais propose surtout à des consommateurs un produit décomplexé et facile d'accès, aussi bien en termes de goût que de prix. Il intéresse plus particulièrement les femmes et les jeunes, est consommé majoritairement dans la région Centre Est (et non en Provence!), paradoxalement assez peu en région parisienne, et a trouvé sa place dans la grande distribution.
Un autre french paradox
À l'heure de vendanges difficiles en raison d'une météo peu favorable cette année, et de problèmes de commercialisation et de valorisation de certaines appellations, les vignerons qui triment dans leurs vignes pour produire et vendre leurs vins (à un prix moyen proche de celui du rosé pamplemousse) doivent se sentir bien démunis et désespérer du consommateur...
Certes cela ne réglera pas à court terme leur problématique économique et commerciale, mais le rosé pamplemousse peut être un véritable produit passerelle permettant d'initier au vin, à l'apéritif par exemple, des populations qui n'en consomment pas d'habitude.
Lorsque l'on interroge les non consommateurs de vin sur leurs raisons de ne pas en boire, ils répondent le plus souvent "ne pas aimer le goût du vin". Il est vrai que les saveurs acidulées, fruitées et sucrées du rosé pamplemousse gomment le goût du vin et permettent d'initier progressivement le néophyte.
Il faudra cependant avoir une démarche de relais pour faire passer ces consommateurs débutants à des vins de terroirs. Le vin a un côté intimidant: le consommateur a toujours peur de ne pas le comprendre, se sent coupable de ne pas l'apprécier et préfère donc l'ignorer. Pour le coup, en effet, il n'y a pas de quoi s'extasier sur un rosé pamplemousse: c'est un produit consommé et non intellectualisé.
Certes le vin est un produit culturel, mais à trop vouloir en parler comme d'une œuvre d'art, on l'éloigne d'un usage. Décomplexer le consommateur pour pouvoir l'amener à des produits plus élaborés est l'enjeu de la filière vin. Comme pour la lecture, il est difficile de faire aimer les livres à un enfant si on commence par Proust!
Consommation simple et spontanée
"La tradition c'est l'innovation qui a réussi" disait Marguerite Yourcenar. Ici c'est la tradition qui est devenue une innovation. On peut innover dans un secteur traditionnel et ce n'est pas perdre son âme que de "s'abaisser" à faire des produits accessibles.
Défendre le vin, ses valeurs, ses traditions, sa culture, sa place dans la société est un autre véritable enjeu. Ce chantier ne peut se gagner uniquement grâce à des produits comme le rosé pamplemousse, mais chaque chose en son temps.
Commençons par réintroduire le vin dans une consommation simple et spontanée, puis nous pourrons alors éduquer les consommateurs à une consommation raisonnée, raisonnable et responsable permettant à des vignerons de vivre dignement de leur travail.
http://www.huffingtonpost.fr/joelle-brouard/le-phenomene-rose-pamplemousse_b_4174098.html