Le Monstre a surgi au beau milieu de la place du Grand-Marché le 24 novembre 2004. Une installation due à l'initiative de quelques commerçants et riverains qui souhaitaient quelque chose de différent sur cette place ancienne réaménagée et vidée de son parking central.

La proposition initiale du plasticien Xavier Veilhan comprenait la statue d'un monstre inspirée des figures héraldiques jadis emblèmes des villes, une série de podiums et un terrain de pétanque. « Au départ, l'ensemble s'étirait sur toute la longueur de la place, mais seul le Monstre a été gardé », explique celui qui est un des rares artistes à avoir exposé au château de Versailles.

 Fibre de verre et colombages

Le choix de cette œuvre contemporaine a alors défrayé la chronique pour sa modernité et a été au centre d'une polémique sur fond de campagne électorale avec un conseiller municipal de l'opposition (Renaud Donnedieu de Vabre) alors ministre de la Culture. Le lendemain de son inauguration, ses détracteurs avaient déjà mis le feu entre les pattes de la structure métallique recouverte de polystyrène et de fibre de verre !
Presque oublié tout cela aujourd'hui. Le Monstre fait désormais partie du paysage local, et appartient au circuit touristique du Vieux-Tours, après ou avant les colombages médiévaux de la place Plumereau. Certains admirateurs regrettent même que l'architecte des Bâtiments de France de l'époque (Michel Dollfus) ait fait diminuer sa hauteur, passant de 5 mètres à 4,80 mètres.
Bien sûr, étrangers et touristes continuent de s'interroger sur la présence de cette grosse bébête à facettes alors que les Tourangeaux l'ont adoptée, certains ne sachant pas encore, dix ans après son installation, qui l'a faite ni quelle est sa matière. Une pancarte va être installée pour le 10^e anniversaire.
Qu'on l'aime, qu'on le déteste ou qu'il laisse indifférent, en tout cas les enfants l'adorent, le gros Pokémon argenté, d'autant plus qu'il lève ses bras pour les terroriser. « Même pas peur du Monstre ! », crie Enzo, 6 ans, grimpé sur son socle.

en savoir plus

« Pourquoi n'y a-t-il pas de carte postale du Monstre ? », interrogent les touristes au tabac-presse à l'angle de la place ? Parce qu'il faut payer des droits à l'auteur, mais il n'est pas interdit de négocier avec Xavier Veilhan via Eternal Network, l'association tourangelle qui a accompagné les commanditaires. Cela n'empêche pas les commerçants de le mettre sur leurs dépliants comme repère géographique. Ni un restaurant – un seul ! – de s'appeler Le Monstre alors que le créneau pourrait être plus décliné. Sans oublier le tram qui a bien failli avoir une tête de monstre mais ce n'est pas le nez à facettes que les Tourangeaux, invités à voter, ont finalement retenu.

la phrase

" On ne dit plus la place du Grand-Marché, on dit la place du Monstre "

C'est ce que constate Mélanie, de Vierzon, étudiante à Tours depuis deux ans et qui prend souvent ce repère géographique pour donner rendez-vous à ses copines. « Pour moi qui l'ai toujours connu, si la première fois que je l'ai vu il m'a surprise par son contraste avec le Vieux-Tours, je n'ai jamais trouvé choquant qu'une œuvre aussi contemporaine soit au cœur de cette place ancienne. Et puis, surtout, il n'a rien de monstrueux, je le trouve même attendrissant. Les enfants ne s'y trompent pas, qui viennent souvent se réfugier à ses pieds. »

le chiffre

85.000

C'est, en euros, le prix du Monstre de Xavier Veilhan payé il y a dix ans par la Fondation de France, à travers Eternal Network (46.000 €), et la ville de Tours (39.000 €).

insolite

Le Manneken-Pis tourangeau ?

Jeanne, Marielle, Colette et leurs copines en rigolent sans doute encore. En mars 2012, une trentaine de pensionnaires de maison de retraite de l'agglo ont joué un drôle de tour au Monstre : dans le cadre d'une opération de « Street Tricot », montée par deux étudiantes de l'IUT de Tours, elles ont réalisé des tricots en laine qui ont habillé arbres et mobilier urbain dans le Vieux-Tours… et donné une petite touche sexy (avec un string XXL !) à la sculpture de Xavier Veilhan. « C'est une bonne idée, trouve Charlotte, la pharmacienne de la place. On devrait le déguiser plus souvent, comme les Bruxellois font avec leur Manneken-Pis. »