Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
La mondialisation a 70 ans aujourd'hui
L'économiste John Maynard Keynes (debout) s'adresse aux délégués réunis en juillet 1944 au Mount Washington Hotel de Bretton Woods, dont le Français Pierre Mendès France (à droite). Crédits photo : INTERNATIONAL MONETARY FUND/AFP
VIDÉO - Le 22 juillet 1944, les accords de Bretton Woods créaient le FMI et la Banque mondiale.
Les Américains parlent de nation building pour désigner la reconstruction d'un pays au lendemain d'une guerre destructrice. La plus grande opération de ce type, jamais menée dans l'Histoire, a concerné il y a tout juste soixante-dix ans l'Europe dans son entier, et même au-delà. Car les pays participant à la Seconde Guerre mondiale, du moins les alliés dans un premier temps, en ont tous bénéficié.
Quelques semaines après le débarquement du 6 juin sur les côtes normandes, et alors que les armes continuent de rugir, 44 délégations nationales se réunissent à l'initiative des États-Unis dans la très chic station de Bretton Woods (État du New Hampshire). L'accord est signé le 22 juillet 1944 établissant les nouvelles règles du jeu économique en prévision de la paix à venir. Avec deux principes directeurs: l'ouverture des frontières et la coopération internationale. La mission française était conduite par Pierre Mendès France.
Le terme de «mondialisation» n'existait certes pas encore. Mais c'est à Bretton Woods qu'ont surgi, telle Minerve sortant de la tête de Jupiter, les organisations financières internationales qui en sont restées le cœur. D'un côté, le Fonds monétaire international. Le FMI s'occupera de la stabilité financière, consacrant par la même occasion la primauté absolue du dollar, seule monnaie alors convertible en or, et pour cause: les États-Unis, qui ont doublé leur production industrielle pendant la guerre, quand les autres en subissaient les horreurs, sont pratiquement les seuls à détenir du métal jaune.
De l'autre, la Banque mondiale, appelée aussi Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la Bird, «l'oiseau»: elle sera chargée de la reconstruction, au sens littéral du terme, car il s'agit de refaire les ponts et de réparer les infrastructures bombardées.
Ultime rempart des États
Bretton Woods demeure le symbole d'une coopération ambitieuse et réussie. En France, les hommes politiques gardent la nostalgie des règles claires et du libre-échange tempéré par les États instaurés en juillet 1944. «Nous avons besoin d'un nouveau Bretton Woods», lançait Nicolas Sarkozy venu ouvrir en janvier 2010 le Forum de Davos. L'ex-chef de l'État faisait allusion au désordre des monnaies devenu la loi depuis que le système des taux de changes fixes a explosé le 15 août 1971: les États-Unis ont alors mis fin sans crier gare à la convertibilité du dollar en or.
Depuis que les monnaies sont des marchandises comme les autres sur les marchés, le FMI n'est plus le garant de leurs parités en concertation avec les États. Il est devenu le pompier des crises financières à répétition. Quant à la Banque mondiale, elle a cessé dès la fin des années 1950 de financer la reconstruction de l'Europe et du Japon. Elle s'est reconvertie dans l'aide au développement, depuis la décolonisation (1960) et la fin du communisme (1990). Et comme l'explique son directeur général Bertrand Badré, elle doit désormais compter avec la concurrence des capitaux privés.
Les deux vigies mises en place il y a juste soixante-dix ans ont su évoluer pour demeurer indispensables. Elles représentent de facto l'ultime rempart des États face à la mondialisation débridée des marchés.
VIDÉO - 70 ans après Bretton Woods, l'on constate que le dollar est toujours aussi puissant.