L’œuvre est fictive, évidemment, mais Bob a une manière bien à lui de ressusciter le tristement célèbre Augusto José Ramón Pinochet Ugarte dans ses lignes. Un commandant en chef des armées qui prend le pouvoir par un coup d’Etat et encage ses opposants, ses contestataires, ses dissidents, ses empêcheurs de tourner en rond, la presse et les grandes bouches… Et ça se fait appeler Président.
Et ben là, dans Le Mensonge d’Alejandro, c’est pareil. Sauf que c’est raconté à la première personne, donc ça ne fait pas tout à fait pareil qu’avec Pujadas. Nous sommes en 1983. Voilà une décennie que Pelaron promène la dictature au bout de son bras à Terreno, Amérique du Sud. Alejandro Maldiga n’a pas été exécuté, il n’était que le guitariste d’un chanteur et poète populaire appelé Victor Perez (lui, exécuté, fallait pas critiquer la nouvelle politique de Président-Pelaron).
Le roman commence à la sortie de prison d’Alejandro. Le ventre creux, les rêves en bernes, l’âme errante et les cernes sous le cœur. Il sauve une jolie femme d’un guet-apens militaire, et il est recontacté par la rébellion des sous-sols. Mais l’enthousiasme d’Alejandro n’est plus là, la prison lui a bien brisé la dignité. Donc il ment. Aux autres, à lui-même. Il est lâche. Il se dérobe. Il fuit.
Voilà ce qu’on gagne à vivre sous une dictature. Les principes même de l’humanité sont faussés. Regardez sans cesse au-dessus de votre épaule. Ne rêvez pas trop fort de liberté, à part dans la mort peut-être. L’audace, la fierté, l’amour, l’insouciance, la poésie, tout est rayé de la carte pour le bon plaisir de Pelaron.
Non, Le Mensonge d’Alejandro n’est pas un roman divertissant, il est de ceux qui vous mettent face à soi-même, face à ses idéaux courageux et sa lâcheté ambiante, parce qu’au fond, nous aspirons qu’à une seule chose : sauver nos miches, un point c’est tout. Et puisque la fin justifie les moyens, disait un philosophe fournisseur d’alibi, mentez, mais ne vous regardez pas trop en face ensuite.
Nous, occidentaux pinailleurs de congés payés, ne voyons que les bagarres de rue, les maisons délabrées et les cris des passants de ces pays dictaturés. Bob Van Laerhoven nous emmène dans ces pays, et vous savez quoi ? Les populations locales ne ressentent pas outre mesure la sympathie qu’on est en droit d’attendre du "pays des droit de l’homme". Encore de quoi réfléchir.
"Un roman sur la culpabilité, l’amour et la violence dans une dictature".
Un roman qui mérite qu’on s’y attarde, parce que rien n’est jamais acquis, en amour comme en république, la démocratie ne tient qu’à un fil, suffit d’un connard sanguinaire (pas forcément barbu) et une poignée de moutons pour tout faire péter.
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