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Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, L'économie

Patrick Artus - Réformes structurelles en France : ce qu'il faudrait faire

 

Le Point - Publié le 11/09/2014 à 06:03 - Modifié le 12/09/2014 à 07:11

Voici les sept réformes qui, s'il n'y avait pas de contraintes politiques, devraient être mises en oeuvre pour redresser la France, selon Patrick Artus.

<:figure class="media_article panoramique" itemprop="associatedMedia" itemtype="http://schema.org/ImageObject" itemscope="">Patrick Artus. <:figcaption>Patrick Artus. © AFP

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On connaît bien maintenant les facteurs de blocage de la croissance en France. Il s'agit d'abord de la faiblesse des marges bénéficiaires et de la capacité d'autofinancement, de la rentabilité du capital physique, surtout dans l'industrie, ce qui décourage l'investissement, en particulier l'investissement technologique, en robotisation, ce qui freine l'offre de biens et de services et la production manufacturière. La rentabilité du capital physique en France est de 2 %, contre 6 % dans le reste de l'Europe.

Il s'agit ensuite de l'insuffisance des compétences de la population active. Cette insuffisance est révélée par l'enquête PIAAC de l'OCDE (qui évalue les compétences des adultes et classe la France à l'avant-dernier rang). Elle contribue à empêcher la montée en gamme de l'industrie ; le faible niveau de gamme de l'industrie française est révélé par le niveau élevé de l'élasticité-prix des exportations en volume : une hausse de 10 % du prix des exportations en réduit le volume de 8 %, ce qui montre le caractère peu sophistiqué, peu différencié de la production.

 
 

On sait que le coût du travail peu qualifié est élevé en France, malgré les allègements de cotisations sociales sur les bas salaires, en raison du niveau élevé du smic.

 


 

Cela explique le niveau élevé du chômage des moins qualifiés.

 


 

Pour les salariés les plus qualifiés, au contraire, le taux de chômage est faible, car le marché du travail qualifié est concurrentiel : le plein emploi y est maintenu par l'ajustement des salaires. Le niveau trop élevé des prix de l'immobilier résidentiel pose aussi problème. Le niveau des prix de l'immobilier résidentiel est trop élevé en France (il a doublé par rapport aux salaires depuis 1998) et, de plus, ne se corrige pas rapidement à la baisse, à la différence de ce qu'on observe aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne, aux Pays-Bas par exemple. Ce niveau très élevé des prix de l'immobilier en France déprime l'investissement en logements. Il tire aussi à la hausse les loyers et relève un prélèvement important sur les revenus des ménages (tableau 3) au détriment des autres dépenses des ménages. (Tableau 3)

 


 

Dans ces circonstances, soutenir seulement la demande n'a pas d'effets positifs. Soutenir la demande de produits manufacturés est inutile tant que l'offre ne répond pas à la demande. Soutenir la demande de services peu sophistiqués utilisant du travail peu qualifié est peu utile tant que le coût élevé du travail peu qualifié décourage les entreprises d'embaucher. L'emploi dans les services peu sophistiqués stagne depuis 2003 (services aux particuliers, distribution, loisirs, restaurants, transports...). Soutenir la demande de logements est inefficace tant qu'il y a rareté de l'offre (ce qui explique le niveau élevé des prix), car le soutien de la demande ne fait alors que pousser encore plus les prix à la hausse. Ce qui précède pousse à préconiser, dans l'absolu, sept réformes.

1. La réforme une serait de changer l'organisation syndicale. S'il y avait en France, dans chaque grande branche d'activité, un syndicat unique de la branche et pas une multiplicité de syndicats nationaux, il serait plus facile d'obtenir que les négociations entre patronat et syndicats intègrent les contraintes économiques des différents secteurs d'activité : rentabilité, profitabilité... Aujourd'hui, les négociations sont dominées par la concurrence entre syndicats et n'intègrent pas ces contraintes macroéconomiques, comme le montre par exemple l'absence de corrélation négative en France entre croissance du salaire réel et taux de chômage.

2. La réforme deux : puisque la profitabilité des entreprises en France est faible et que le niveau d'investissement est insuffisant, il paraît normal de penser à baisser la taxation des profits investis (non distribués) par les entreprises.

3. La réforme trois serait de développer les filières d'éducation technologiques et les formations en alternance. Pour rapprocher les compétences de la population active, en particulier des jeunes, des besoins des entreprises, il paraît utile de développer les filières technologiques et de formation d'ingénieurs, qui sont aujourd'hui de faible taille (12 % de l'ensemble des étudiants), de développer les formations en alternance (il y a 430 000 apprentis en alternance en France contre 1 560 000 en Allemagne !).

4. La réforme quatre serait de baisser le salaire minimum. La baisse du salaire minimum créerait beaucoup d'emplois peu qualifiés, avec la forte élasticité de l'emploi non qualifié au coût du travail (au moins 1 contre 0,3 pour l'ensemble des emplois). Pour compenser l'effet de cette baisse du salaire minimum sur le pouvoir d'achat, on peut parallèlement concentrer les transferts sociaux (famille, logement, santé en dehors des maladies graves et coûteuses) sur les ménages aux revenus les plus bas.

5. La réforme cinq : accroître la concurrence dans les services protégés. Il est bien documenté que, dans de nombreux services (professions protégées, distribution, transports), la concurrence est faible, ce qui explique des taux de marge bénéficiaire beaucoup plus élevés que dans l'industrie (38 % contre 23 %). Accroître la concurrence dans ces services augmenterait le pouvoir d'achat des ménages, augmenterait la production de ces services, réduirait les coûts de production de l'industrie, qui est grosse consommatrice de services (la consommation de services par l'industrie représente 80 % de la valeur ajoutée de l'industrie).

6. La réforme six : substituer la TVA aux cotisations sociales des entreprises. La France a les taux de cotisations sociales des entreprises les plus élevés des grands pays de l'OCDE (12 % du PIB contre 7 % en Allemagne, 4 % au Royaume-Uni, 3 % aux États-Unis). Exploiter toute la possibilité de hausse des taux de TVA (jusqu'à 25 %) pour réduire les cotisations sociales des entreprises serait donc efficace pendant de nombreuses années, pour réduire le coût du travail ; à long terme, quand les salaires nominaux se sont indexés sur les prix plus élevés en raison de la hausse de la TVA, pour réaliser une "dévaluation fiscale" (l'équivalent d'une dévaluation du franc par cette substitution d'impôts).

7. La réforme sept serait de subventionner l'offre et non la demande de logements. Tant qu'il y a insuffisance de l'offre de logements, le soutien de la demande fait seulement monter les prix des logements. Il faut donc subventionner l'offre : incitations fiscales pour le logement locatif, baisse de la taxation des revenus et des plus-values du capital en logements, incitations fiscales à la mise sur le marché des terrains constructibles.

Il nous semble donc que la situation économique de la France va s'améliorer si des réformes suivant trois principes sont mises en place. Soutenir l'offre (en quantité et en qualité, par exemple avec la modernisation du capital productif) en ce qui concerne le travail (compétences accrues de la population active), les biens et les services, l'immobilier résidentiel, et non la demande. Rendre plus compétitifs les marchés qui ne le sont pas : travail peu qualifié (rigidité du smic), services protégés, immobilier résidentiel (excès chronique de demande). Concentrer les transferts publics sur les ménages aux revenus les plus faibles afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires et de compenser les effets sur le pouvoir d'achat de la baisse du salaire minimum.

http://www.lepoint.fr/invites-du-point/patrick-artus/patrick-artus-reformes-structurelles-en-france-ce-qu-il-faudrait-faire-11-09-2014-1862170_1448.php

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