Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Brighelli : derrière le sourire de Najat Vallaud-Belkacem...
Le Point - Publié le 27/10/2014 à 11:27
À la question cruciale du salaire des enseignants, la ministre répond par des boutades. À la question de la laïcité, par une grenade dégoupillée !
Le ministre multiplie les sorties médiatiques. © Bernard Lorette/La Montagne/
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On a dit de Poincaré, un jour où le soleil l'avait fait grimacer, qu'il était "l'homme qui riait dans les cimetières". Les politiques du début du XXe siècle n'avaient pas encore assimilé le fait que désormais il faudrait se garder de ce que l'on n'appelait pas encore les paparazzis, et que les appareils photographiques étaient entrés dans l'ère du Reflex et de l'instantané. Mais les femmes et les hommes d'aujourd'hui devraient savoir qu'ils sont en permanence filmés, enregistrés, scrutés - particulièrement lorsqu'ils passent à la télévision, hein, Mme le Ministre... Surtout quand ils se croient doués en communication.
"Peanuts"
Samedi dernier, le 25 octobre, chez Ruquier, Najat Vallaud-Belkacem, en réponse à une question sur la crise du recrutement, a répliqué à propos des enseignants : "Enfin, ces gens, ce n'est pas l'argent qui les attire, sinon ils ne feraient pas enseignants." Et elle a ri - tout heureuse de sa boutade...
"Ces gens" ne détesteraient pas, comme leurs homologues luxembourgeois ou allemands (deux nations européennes de référence, ces temps-ci, mais pas pour tout apparemment), être un peu mieux payés qu'aujourd'hui, un domaine où la France se situe en tête des pays de l'Est, dépassée par la totalité du bloc occidental. Nous vivions en Bulgarie et nous ne le savions pas !
"Ces gens", donc, "ces enseignants du premier degré", sont "sous-payés", a reconnu Najat Vallaud-Belkacem. "Donc le gouvernement auquel j'appartiens fait des efforts pour les augmenter. On a rajouté pour eux une indemnité annuelle de 400 euros qu'ils percevront chaque année."
Montant ? 33,33 euros par mois. Byzance ! "Peanuts", a répliqué Aymeric Caron - in french in the text. Ma foi, il n'a pas tort.
"Petits pains" et approximations
Ce n'est pas une prime (non intégrée dans le calcul des futures retraites, c'est bien pratique) qu'il faut verser, d'urgence, aux instituteurs et aux néo-professeurs. C'est 50 % de salaire de plus ! On se sent moyennement motivé pour aller se faire insulter par des parents hystériques ou des gosses qui se croient tout permis dans des établissements lointains et difficiles. D'autant qu'il apparaît de plus en plus nettement qu'il n'y a plus d'établissements faciles, à part ceux où Najat Vallaud-Belkacem met ses enfants.
Ah, mais voilà : "Je ne multiplie pas les petits pains", a-t-elle plaisanté lorsqu'on lui a suggéré de dépasser le stade de l'aumône. Ah, l'humour ! Madame le Ministre, l'humour consiste à se moquer de soi-même. Pas à enfoncer les autres.
À une autre question du même Aymeric Caron, qui semble avoir un peu bossé son interview au préalable (bon sang, dans quel monde suis-je où j'en viens à penser du bien d'Aymeric Caron !), la ministre a répondu qu'elle "ignorait" que l'on avait recruté des professeurs des écoles avec 5 de moyenne au concours.
Puis elle a affirmé : "On a augmenté l'indemnité liée au fait d'être affecté en éducation prioritaire. C'est une indemnité de 1 056 euros. On va la doubler - enfin, un peu moins, on va l'augmenter de 50 %." 50 %, c'est moins que 100 % - bravo ! La ministre aura peut-être le brevet des collèges.
Exister médiatiquement
Par quelle aberration un ministre qui n'a absolument rien à dire, et qui de surcroît le dit mal, se croit-il obligé de participer à des émissions télévisées ? Qui lui a dit que c'est la condition nécessaire pour continuer à exister ? Il y a en France aujourd'hui 65 millions de "gens" qui persistent à exister, et difficilement, sans passer à la télé. Et qui n'en ont rien à faire que le ministre soit ou non bien ou mal coiffé. Chatel avait la plus belle permanente du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem se fabrique un casque bien peigné - et puis ?
Pour exister, il faut donc se répandre. La semaine dernière, la ministre s'est répandue à l'Observatoire de la laïcité, le "machin" dirigé par Jean-Louis Bianco, qui est venu ici même nous expliquer ce qu'était la laïcité élargie/aménagée/déglinguée, barrer les adjectifs inadéquats. "La situation globalement apaisée" sur le front de la laïcité, affirme la ministre - qui constate toutefois des "contestations de certains enseignements concernant le fait religieux (refus de visiter des édifices religieux, de suivre un cours sur l'islam ou un cours de français utilisant comme support la Bible...), la musique (refus de chanter ou de souffler dans un instrument à vent), l'éducation physique et sportive (la natation particulièrement), l'éducation à la sexualité, l'histoire de l'évolution (en cours de SVT), le génocide arménien et la Shoah". Mais, à part ces menus détails, rien à signaler...
Retour des voiles
Donc, en tronquant un avis fort bien balancé émis jadis par le Conseil d'État, elle a décidé qu'il était licite pour des mères d'élèves d'accompagner des enfants lors d'une sortie scolaire en portant des signes extérieurs et vestimentaires de soumission. Si !
"Le Conseil d'État a rappelé que les usagers du service public et les tiers à ce service ne sont pas soumis en tant que tels à l'exigence de neutralité", avait expliqué un communiqué ministériel en décembre 2013. Mais il ajoutait immédiatement : "Le milieu scolaire est un cadre qui doit être particulièrement préservé. Ainsi, s'agissant des parents d'élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, ils doivent faire preuve de neutralité dans l'expression de leurs convictions, notamment religieuses. C'est ce qu'indique la circulaire du 27 mars 2012 dont l'application est mise en oeuvre sur le terrain avec intelligence, en privilégiant toujours d'abord la voie du dialogue. Cette circulaire reste donc valable."
La ministre a fait une longue intervention bâtie comme un mauvais devoir de Sciences Po, en conclusion de laquelle elle affirme : "Je veux réaffirmer un principe et une orientation. Le principe, c'est que dès lors que les mamans (les parents) ne sont pas soumises à la neutralité religieuse, comme l'indique le Conseil d'État, l'acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus, l'exception", déclare-t-elle. Elle ajoute : "Pour autant, il peut y avoir des situations particulières, liées par exemple à du prosélytisme religieux, qui peuvent conduire les responsables locaux à recommander de s'abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses. C'est un équilibre qui doit être trouvé par les responsables de terrain et les cas conflictuels restent heureusement limités."
Examen de conscience
En clair, elle refile la patate chaude aux enseignants et aux chefs d'établissement. Ce n'est pas encore la guerre, mais des conflits en nombre sont contenus dans cette décision qui va, comme le souligne, consterné, le Café pédagogique, à l'encontre de son prédécesseur Vincent Peillon, qui s'était exprimé sur la question en décembre 2013. Mais elle est dans le droit fil de l'une des rares décisions prises par Benoît Hamon lors de son passage rue de Grenelle - nous en avions parlé ici.
Heureusement, les professeurs des écoles ont en général assez de bon sens pour choisir, comme accompagnateurs, des "gens" qui ne posent pas de problèmes à la laïcité. En collège et en lycée, en général, on ne demande pas aux parents d'escorter leurs enfants - qui s'en voudraient d'être vus avec leurs géniteurs...
Suis-je misogyne ? Non. Suis-je raciste ? Non plus. Islamophobe ? Pas même. Ai-je un mépris abyssal pour les jeunes ? Je les forme ! Alors, peu me chaut que le ministre soit une femme, musulmane et jeunette. Je souhaite juste qu'elle soit compétente.