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La France hors champ

Qui obtiendra le Goncourt ? Gallimard et ses cavaliers ? Grasset et ses champions ? Un « petit » éditeur, car ce serait un « joli » coup ?

Qui raflera le Femina ? Faut-il se battre jusqu'à l'essoufflement pour le Médicis ou le Renaudot ? C'est vrai, d'excellents romans sont en compétition, et Le Magazine littéraire a pris soin, grand soin, d'en faire la recension, de les critiquer, comme à l'accoutumée en toute liberté, sans chercher l'équilibre, en respectant avec scrupule nos envies et nos goûts, nos colères et nos dégoûts. Puissions-nous longtemps, grâce à vous, chers lecteurs, continuer à améliorer ce journal, un journal pour les écrivains, pour la littérature et pour les livres ! Voilà rappelés les termes de notre mission. Une mission journalistique, cela va de soi, mais aussi culturelle : offrir chaque mois une vision de la littérature, mais aussi une vision littéraire de nos sociétés et du monde environnant. C'est à cela que nous allons plus que jamais nous atteler, vous le découvrirez numéro après numéro.

C'est pourquoi on m'autorisera une remarque : s'il fallait se défier de cette rentrée littéraire 2014 - une rentrée de bonne facture -, c'est précisément parce que les livres et leurs auteurs, à quelques exceptions près, ne nous parlent guère de la... France. Le plus fréquemment, nous restons encore cantonnés à une micro-littérature des sentiments et des âmes. Pourquoi pas, elle ne manque pas de charme, cette littérature... Mais n'est-elle pas désuète ? Comment comprendre cette impasse assumée, cette zone d'ombre de notre littérature ? Je ne citerai pas de noms, ne mettrai personne en cause, mais pourquoi nos « grands » romanciers s'abstiennent-ils soigneusement de s'attaquer aux maux, douleurs, fractures ou non-dits de la société française, de les triturer, de les raconter, de les mettre en perspective et en pièces, à l'inverse des romanciers américains, italiens, allemands ou espagnols ?

En France, bien peu osent, comme s'il existait une crainte, une terreur de se brûler aux feux de la politique et de l'idéologie. De l'engagement forcené et aveugle, les romanciers sont passés à l'esquive. Y a-t-on gagné ? Pas sûr... Il ne faut certes pas regretter l'imperium de la littérature engagée d'antan. Oui, elle fut trop souvent abrutissante, pourvoyeuse de schématismes et d'oeillères et, s'il fallait choisir, qu'à Dieu ne plaise, entre Sartre et Proust, nous n'hésiterions pas longtemps. Ce n'est pas pour autant qu'il faille se détourner, se désintéresser des tourments qui vrillent notre société, au risque de simplement fermer les yeux. Il n'y a aucun doute : le Magazine aura l'occasion de revenir sur cet enjeu majeur, et plus vite qu'on ne pourrait le croire.

Par Maurice Szafran
 

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