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Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, L'art

Art contemporain : "La valorisation du néant"

 

 

"Balloon Flower" de Jeff Koons, à Versailles. de l'art de faire des fortunes avec du vent. Photo © AFP

L’entretien : Jean Clair L’académicien, ancien directeur du musée Picasso et spécialiste des avant-gardes, analyse les dérives et les obsessions de l’art contemporain.

Qu’avez-vous pensé du scandale provoqué par l’“oeuvre” de McCarthy place Vendôme ?

De quel scandale parle-t-on ? Le scandale est d’abord d’avoir érigé à côté de la colonne Vendôme un objet dont la nature ne faisait aucun doute pour personne : il y avait là profanation au sens le plus bête du terme ; provocation au-delà des limites du tolérable, bien plus encore que le Piss Christ de Serrano et que bien d’autres, puis qu’il y a désormais une multiplication des provocations, en particulier vis-à-vis de l’iconographie religieuse, chrétienne en particulier, qui est pourtant, qu’on le veuille ou non, le fondement de notre culture et de notre spiritualité. Mais, pour la majorité des gens, semble-t-il, le scandale, c’est qu’on a osé vandaliser une oeuvre d’art, faite par un artiste, par définition intouchable, et qu’il y avait là un acte d’intolérance odieuse… J’ai passé toute ma vie à m’occuper d’histoire de l’art et d’avant-garde et je n’ai jamais vu en quarante ans une chose à ce point ridicule, obscène, stupide, insupportable, sordide, que ce spectacle autour de l’érection de cet objet.

Il faudrait le génie d’un Jonathan Swift pour décrire le spectacle dérisoire et grotesque de ce micromilieu de gens extrêmement riches, extrêmement élégants, extrêmement raffinés, soi-disant extrêmement cultivés, se rencontrant, se pavanant, se congratulant, gloussant autour de cet objet que vous pouvez acheter dans un sexshop pour 6,99 euros…

Pourquoi cette fascination de l’art contemporain pour la scatologie et la pornographie ?

Il y a toute une tradition du market art, de certains milieux qui fabriquent de l’art comme on fabrique de l’automobile, tout un filon qui court autour de la scatophilie et de la copromanie, dont McCarthy est le dernier exemple et sans doute le plus médiocre et le moins intéressant. Piero Manzoni faisait déjà sa Merde d’artiste en 1961…

À partir du moment où l’art n’a plus aucune valeur et aucun sens, que cet art totalement vide ne se réfère plus à rien, ni à aucune transcendance ni à aucune utopie sociale, il ne lui reste plus que l’expression la plus nue, la plus pure — et qu’est-ce qui est plus nu que l’adoration de ses propres dé chets ? À partir du moment où une oeuvre d’art ne peut plus relever que de la pure expression subjective d’un individu le plus souvent autoproclamé artiste, où il n’y a plus la moindre élaboration, même sous la forme la plus élémentaire du tracé expressionniste, de la tache, cette incroyable implosion du phénomène de la création artistique en arrive à la phase la plus archaïque de la manifestation d’un être dans son évolution physiologique et psychologique, qui est la défécation.

C’est d’autant plus étonnant que ceux qui promeuvent cet art sont des gens dont la fortune est fondée sur l’exploitation des aspects les plus raffinés, les plus éthérés, les plus sophistiqués des passions humaines, les parfums, la mode, le luxe… C’est une relation curieuse qu’on n’a jamais vue à aucune époque, une espèce de carnaval des fous…Lire la suite.

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