Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
STRAVINSKY, VENITIEN ETERNEL
— Igor STRAVINSKY (1882-1971) : Compositeur russe naturalisé français, puis américain, il fut emblématique du XXe siècle, naviguant entre l’écriture néoclassique, le jazz, la polytonalité ou la musique sérielle, avec une virtuosité et une capacité d’adaptation remarquables, tout en conservant une empreinte personnelle reconnaissable entre toutes. En 1913, son oeuvre phare et corrosive, le Sacre du Printemps, sous l’égide des Ballets russes, marqua un tournant dans la musique du XXe siècle et fit scandale, au moins autant par la chorégraphie de Nijinski que par l’originalité de sa musique... Stravinsky influença tout autant l’évolution de la musique classique que celle du jazz. Il partit pour les Etats-Unis où il explora de nouvelles formes musicales et collabora avec le chorégraphe Balanchine. A la fin de sa vie, il revint à une inspiration plus religieuse.
Il repose dans la partie orthodoxe du cimetière, à quelques mètres de Diaghilev qui contribua à son succès.http://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article1474
(Oranienbaum/St-Pétersbourg, 17 juin 1882 - New York, 6 avril 1971)
" Nous avons un devoir envers la musique, c’est de l’inventer "
Igor Stravinsky
Venise, 1925
( © BnF/Gallica )
1913 - LIDO DE VENISE -Dans un salon du Grand Hôtel des Bains, sur un piano droit, Igor Stravinsky joue pour Serge de Diaghilev les premières mesures d’une partition qui va s’inscrire glorieusement dans l’Histoire de la Musique, Le Sacre du Printemps. Le chorégraphe en sera Vaslav Nijinsky.
Diaghilev, le directeur des Ballets Russes, aura été le premier commanditaire de Stravinsky avec L’Oiseau de Feu (1910), suivi de Pétrouchka (1911), Plus tard viendront Pulcinella (1920),Les Noces (1923), Apollon musagète (1928). Le grand imprésario russe possédait une vaste culture musicale qui émerveillera toujoursStravinsky.
1951 -THEATRE DE LA FENICE - le11 septembre, Stravinsky crée son opéra The Rake’s Progress (La carrière d’un libertin), opéra dans le style mozartien sur un livret d’Auden, d’après la série de gravures du même nom de William Hogarth (1735) que le musicien avait vues exposées à Chicago en 1947. Un conte moral où l’on assiste à la chute d’un étudiant vertueux dans l’enfer de la débauche.
Cette œuvre de forme néoclassique est, selon Stravinsky lui-même, " un acte de foi dans l’opéra de l’avenir ." Accueil chaleureux du public, plus réservé d’une certaine critique, adepte de l’avant-garde et choquée par ce retour au passé.
1971 - CHIESA SAN ZANIPOLO(Eglise St Jean et St Paul) - Une foule considérable se recueille aux accents du Requiem Canticles d’Igor Stravinsky, dont le cercueil repose sous un drap noir et or, qu’encercle un buisson de gerbes. Des funérailles grandioses à l’égal de celles des Doges qu’accueillait traditionnellement à la Renaissance cette église de pur style gothique, comprise dans l’ensemble conventuel élevé par les Dominicains.
Robert Craft, qui dirige le Requiem, est un intime de Stravinsky depuis 1948. Son rôle aura été déterminant pour l’adoption tardive de l’écriture sérielle par le maître russe lorsqu’il lui aura fait partager son admiration pour Webern et Schönberg. Une période à laquelle se rattachent les œuvres de musique sacrées de Stravinsky dont ce Requiem Canticles joué à ses obsèques. Dernière étape avant que sa gondole funéraire ne le conduise, sous un brillant soleil de printemps, vers San Michele, l’île cimetière de Venise, jusqu’à sa sépulture voisine, selon sa volonté, de celle de Diaghilev.
Ile San Michele - Carré des Orthodoxes : Au pied du muret de briques rouges, caressé par le clapotis monotone de la Lagune, la stricte dalle funéraire d’Igor Stravinsky. Tout proche, le petit monument qui couronne la tombe de Diaghilev.
( Coll. F. Ferran - clichés © E. Vallazzaa )
1975 – PALAZZO GRASSI – " Hommage aux dessinateurs de Diaghilev " : l’exposition, organisée dans le cadre du festival international DANZA 75, rassemble les œuvres des grands noms de la peinture que Diaghilev avait mobilisés pour sa compagnie des Ballets Russes : Pablo Picasso, Georges Braque, Léon Bakst, Marie Laurencin, Georgio de Chirico, Juan Gris, Henri Matisse…
Le répertoire de Stravinsky y est largement représenté par les dessins ou costumes dePétrouchka, L’Oiseau de Feu, Le Sacre du Printemps, Les Nocesou encore le ballet tiré de l’opéra, représenté à Paris en 1914, Le Chant du Rossignol, et repris sans sa partie vocale en 1920 par les Ballets Russes avec des décors et costumes nouveaux, dessinés par Henri Matisse.
Ces témoins d’une période capitale de l’art moderne ne sont présents à Venise que grâce à Richard Buckle, qui a su convaincre notamment le Theatre Museum de Londres de laisser s’évader tout un été ses trésors.
Cet aristocrate anglais, descendant des Médicis, et cousin de Shakespeare par sa mère, critique et écrivain réputé, était présent aux obsèques religieuses de Stravinsky, se rappelant avoir été l’un des porteurs du cercueil de Nijinski, mort à Londres en avril 1950 et dont il a écrit la biographie ainsi que celle de son mentor Diaghilev.
Stravinsky, Diaghilev, Nijinsky : toute la magie des Ballets Russes, chacun avec sa part de génie.
" Yeux d’ange et lèvres de bête ",le danseur Vaslav Nijinsky fascine l’Europe de 1909 à 1913 et devient ‘le dieu de la danse’. Ses prestations en scène ne doivent pas faire oublier le chorégraphe audacieux du Sacre du Printemps. Né à Kiev le 28 février 1890, de parents danseurs polonais, il devient l’étoile des Ballets Russes, dont l’impresario Serge de Diaghilev va être l’artisan d’une véritable révolution culturelle, amenant en pleine lumière les musiciens Stravinsky, Prokofiev, Satie, comme les peintres Bakst, Braque, Picasso.
Apollon musagète, l’un des derniers ballets composés pour les Ballets Russes par Stravinsky, sera l’occasion de révéler au public parisien, le 12 juin 1928, le danseur Serge Lifar, futur maître de ballet de l’Opéra, né lui aussi à Kiev comme les deux autres découvertes de Diaghilev, Nijinsky et Markevitch.
On peut porter au crédit de Serge de Diaghilev d’avoir fait émerger des créateurs de tout premier plan dont sans nul doute, pour la musique, Igor Stravinsky demeure le plus beau fleuron : ses partitions, composées pour les Ballets Russes au début du XXème siècle, continuent avec des chorégraphes différents, à faire les grands soirs des compagnies de danse du monde entier.
France Ferran
____________
1) De son mariage avec la jeune comtesse hongroise Romola de Pulszky (1892-1978), événement qui lui vaudra d'être immédiatement congédié par Diaghilev, Nijinsky aura deux filles, Kyra et Tatiana. DANZA 75 avait invité sa veuve Romola, élégante octogénaire à la forte personnalité. Au cours de la réception de clôture du festival, elle me parla longuement avec un enthousiasme communicatif de tous les danseurs slaves présents à Venise, cet été-là. Face à la schizophrénie, parfois agressive, qui affectait son époux, elle avait su l'entourer de soins constants pendant quelque trente ans, dont la difficile période de l'Entre-Deux Guerres en Europe centrale. Leur fille aînée Kyra fut la première épouse d'Igor Markevitch. Né à Kiev comme son beau-père Nijinsky, Igor Markevitch a été l'élève de Nadia Boulanger à l'Ecole Normale de Musique de Paris. Le jeune Russe, âgé de seize ans, sera l'ultime révélation musicale de Diaghilev, détecteur infaillible de talents. Compositeur doué de L'Envol d'Icare (présenté à la Biennale de Venise de 1937), à la manière d'un Rimbaud occultant son passé de poète prodige, Markevitch a tenu, par la suite, à n'être plus qu'un chef d'orchestre de premier plan, laissant au temps la découverte de sa musique. Quant à la sœur de Nijinsky, Bronislava Nijinskaya (1891-1973), elle a été la chorégraphe appréciée de deux œuvres de Stravinsky, Le Baiser de la Fée et surtout Les Noces, un succès parisien. Une brillante reprise de ce ballet eut lieu à Venise au Théâtre de La Fenice, en janvier 1972, sous la direction de la chorégraphe, alors âgée de quatre-vingts ans. [ Retour ]