Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Festival Beauregard 2015 : Les yeux dans les yeux avec Étienne Daho
Mercredi 18 mars 2015 06:01 - Hérouville-Saint-Clair
Festival Beauregard 2015 : Les yeux dans les yeux avec Étienne Daho... |
Etienne Daho sera sur scène le dimanche 5 juillet au festival Beauregard, à Hérouville.© DR
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Spontané, Étienne Daho aime que les itw le force un peu à réfléchir. Alors avant sa venue au festival Beauregard, on l’a pris au mot. Avec comme fil rouge le thème du regard.
Entretien
Étienne Daho, artiste toujours en vue.
Après 36 ans de carrière, quel regard portez-vous sur votre œuvre ?
J’ai du mal à regarder en arrière. Je vis plutôt au présent, mais c’est vrai que ça commence à faire beaucoup de chansons, de productions. Arte prépare un documentaire sur « ma vie, mon œuvre » pour la fin de l’année, je récolte des documents, dont des films persos qui n’avaient jamais vu la lumière du jour. C’est un peu vertigineux.
Et sur votre époque ?
On vit un moment de perdition, de perte des repères et des idéaux. C’est très compliqué d’avoir 17 ans aujourd’hui. Heureusement qu’il y a la musique, des cinéastes et artistes qui défrichent un peu le terrain et proposent quelque chose de beau.
La chose sur laquelle vous aimeriez avoir un droit de regard ?
J’essaye de maîtriser ma représentation. J’ai toujours une idée précise de mes créations. En studio, on crée un son, un univers. Mais maîtriser totalement son image est devenu impossible.
La dernière chose qui vous a mis la larme à l’œil ?
J’ai pleuré à chaudes larmes quand j’ai vu cet homme noir, étranglé par un policier, mourir d’une crise cardiaque aux États-Unis, en juillet. Ça m’a retourné. La manière dont on traite le monde est tellement brutale. On est arrivé au bout d’un système qui ne peut que changer. Enfin, je l’espère…
Croyez-vous au mauvais œil ?
Je crois des gens capables de vous envoyer de mauvaises pensées. Un artiste s’expose forcément à des vents contraires, mais c’est dangereux de faire l’unanimité. La controverse est une bonne énergie, mais il ne faut pas trop planer. J’ai toujours des comptes à rendre vis-à-vis de moi. Ce challenge épuisant me pourrit un peu la vie, mais c’est une question de respect pour mes envies et les gens qui aiment ce je fais.
À quoi tenez-vous comme la prunelle de vos yeux ?
Ma liberté. De mouvement, artistique, et de pensée. Un combat permanent.
Quelque chose que vous n’offrirez jamais au regard des autres ?
J’essaye de conserver ma vie privée. J’appartiens à une génération pour qui la discrétion est cool. Montrer son slip à tout bout de champ, en revanche, ce n’est pas cool.
Votre endroit idéal à l’abri des regards ?
Je ne suis pas un mondain, j’ai une vie privée assez commune. Depuis les années 80, j’aime me rendre à Ibiza, en basse saison, quand il n’y a pas foule. Voyager à l’étranger me permet d’être anonyme et de rester connecté au monde. Le plus grand danger, c’est l’isolement. Alors je sors…
La dernière chose que vous avez dévorée du regard ?
Je n’arrête pas… Je regarde beaucoup les autres. Dieu a mis tellement de belles choses sur cette terre qu’il serait dommage de s’en priver. Sinon, j’ai adoré le film « Imitation game ».
La nuit, êtes-vous du genre à fermer l’œil rapidement ?
Cela dépend des périodes. Avant les concerts, j’ai tendance à être insomniaque. On ne s’habitue pas à cette chose extravagante qu’est de se montrer sur scène, même si j’aime ce moment extrême.
Avec le temps, on s’accommode du regard des autres ?
Ça va, c’est mieux. Jeune, j’étais très réservé. Tourné seulement vers la musique, j’avais occulté le fait qu’il fallait se montrer. Il a fallu que j’apprenne, à la dure. La scène est un prolongement du disque, c’est plutôt la télé qui pose problème.
Quel regard portez-vous sur la programmation du festival Beauregard ?
J’ai rencontré il y a peu Timber Timbre à Paris, via Lou Doillon, c’est un véritable artiste. Johnny Marr fait partie des lumières sur ma route, j’ai beaucoup aimé les Smiths, même si j’aimais par-dessus tout The Jesus and Mary Chain. Dominique A m’a offert quatre titres et notamment « En surface » pour mon dernier album. Au début, j’ai eu du mal à kidnapper cette chanson, à entrer dans ce vêtement taillé sur mesure. C’est une chanson qui prend de l’espace dans le cœur et l’imaginaire des gens.
Et quand vous fermez les yeux, vous écoutez quoi en ce moment ?
De la musique jamaïcaine des années 60. J’ai acheté une compilation vraiment géniale de titres reggae et dub. Je suis retombé dedans. En général, quand j’écris, j’évite les zones d’influence musicale pour garder l’esprit vierge. L’écriture, j’y pense constamment. Il y a toujours quelque chose en moi qui fermente. Je me nourris de films, de concerts pour essayer d’absorber le monde.
7e festival Beauregard à Hérouville-Saint-Clair (14), près de Caen, du 2 au 5 juillet 2015 :
Raphaël FRESNAIS. Ouest-France