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A Singapour, l’art et la culture à marche forcée

A Singapour, l’art et la culture à marche forcée

Grâce à son impressionnante réussite économique, Singapour investit dans la culture pour transformer son image.

 

26/3/15 - 10 H 20

Le quartier touristique de Marina Bay Sands et ses hôtels de luxe. Singapour a augmenté de 30 % s...

 

Le quartier touristique de Marina Bay Sands et ses hôtels de luxe. Singapour a augmenté de 30 % s...

 

Le quartier touristique de Marina Bay Sands et ses hôtels de luxe. Singapour a augmenté de 30 % s...

(SCOTT HALLERAN/Getty Images/AFP)

Le quartier touristique de Marina Bay Sands et ses hôtels de luxe. Singapour a augmenté de 30 % sa superficie en repoussant la mer.

 

 

(SCOTT HALLERAN/Getty Images/AFP)

Le quartier touristique de Marina Bay Sands et ses hôtels de luxe. Singapour a augmenté de 30 % sa superficie en repoussant la mer
 

Pour célébrer le cinquantenaire de l’indépendance du pays, le festival Singapour en France organise, dès jeudi 26 mars et durant trois mois, plus de 80 événements aux quatre coins de l’Hexagone.

 

Sur l’autoroute qui mène de l’aéroport au centre, difficile de ne pas l’apercevoir. Vaisseau spatial ? Banane volante ? Une spectaculaire forme allongée barre le ciel de Singapour, posée en équilibre sur trois tours qui abritent un hôtel de luxe avec piscine dans les nuages, au pied d’un gigantesque centre commercial et d’un immense casino. Visible de loin, elle barre l’horizon de Marina Bay Sands, le nouveau quartier touristique, hérissé de gratte-ciel.

Singapour a augmenté de 30 % sa superficie, en repoussant la mer, piquetée de cargos géants et d’embarcations de toutes sortes. Cette cité-état fête en 2015 le cinquantenaire de son indépendance, arrachée à la Malaisie. « Les Cinquante Glorieuses » d’une prospérité, quasi ininterrompue, impulsée par le PAP (People’s Action Party) d’où était issu « le père de la Nation », mort à 91 ans, dimanche 22 mars.

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Premier ministre pendant trente ans, Lee Kuan Yew a développé le pays selon un modèle unique de planification dans une économie capitaliste. Le régime a d’abord posé les fondations d’une éducation pour tous et d’un système de santé, puis a ouvert des universités prestigieuses. Il s’est ensuite orienté vers l’économie de services, favorisant la créativité, l’innovation.

En 2000, « le plan Renaissance »

Sur ces bases, le gouvernement a lancé en 2000 « le plan Renaissance », misant sur la culture comme nouveau facteur de croissance, susceptible de renforcer l’attractivité de la ville. Depuis, Singapour ne cesse d’inaugurer des musées, d’organiser foires et festivals, de susciter l’émergence de scènes artistiques.

En 2002, l’Esplanade avec ses immenses salles de spectacle. Ont suivi l’Asian Civilisation Museum, le National Museum, le Lassalle College of the Arts, le Peranakan Museum, le Musée des arts et des sciences, Gillman Barracks, enclaves d’art contemporain, le National Design Centre…

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En novembre 2015, la National Gallery, dont le chantier a été confié à un architecte français, Jean-François Milou, réunira deux grands bâtiments historiques (l’hôtel de ville et la Cour suprême) pour une surface équivalente à celle du Prado de Madrid.

L’État pousse l’art contemporain

« La culture est encore largement subventionnée, soumise à une forme de contrôle, et le marché de l’art demeure balbutiant, même s’il est en plein essor », explique Ong Keng Sen, artiste et directeur artistique du Festival international des arts de Singapour.

Phénomène récent, des galeries ont commencé à fleurir. L’État pousse l’art contemporain, secteur en pleine expansion qui attire collectionneurs et investisseurs. Exemple de ce volontarisme : en 1996, le Singapore Art Museum ne possédait aucune collection d’art contemporain. En 2015, il est à la tête de la plus importante en Asie du Sud-Est.

« Cette effervescence culturelle a fait changer les mentalités, assure Deborah Demaline, consultante à la galerie Sundaram Tagore. La population commence à s’intéresser à l’art et les demandes pour les activités culturelles augmentent. » Rita Targui, directrice de la très active STPI Gallery, n’en revient pas : « Je n’ai jamais vu une telle concentration d’esprits innovants, entreprenants, cultivés, enthousiastes. Ils arrivent de partout. »

une fulgurante progression démographique 

Les architectes ont afflué. Le design est aujourd’hui en pointe. « Singapour ne cesse de chercher sa voie au milieu d’une multitude d’héritages », explique l’électrique et jovial Tan Boon Hui, directeur artistique du festival Singapour en France et directeur général du National Heritage Board.

Constitué d’ethnies différentes, dominé par les Chinois (75 % de la population), suivis par les Malais et les Indiens, l’archipel a connu une fulgurante progression démographique : 3 millions d’habitants en 1990 ; 5,5 millions en 2015.

Ils devraient être 7 millions en 2030. Ils étaient 10 000 en 1824… Pour son rayonnement international, le gouvernement veut imposer un anglais parfait. Mais il se heurte à la résistance du « singlish », la langue locale qui agrège des éléments de mandarin, de malais et de tamoul.

« la Suisse de l’Asie du Sud-Est »

Appuyée sur une politique sécuritaire et une forme (négociable) de censure, cette cité-Etat, qui se soucie d’assurer un bon dosage jusque dans l’attribution de ses HDB (logements sociaux dans de grandes tours), est parvenu à maintenir un équilibre entre ses diverses composantes. On prétend même que le mot d’ordre des fondateurs, « zéro corruption », serait respecté, exception notable dans la région.

Communément baptisé « la Suisse de l’Asie du Sud-Est », Singapour se distingue par des déplacements fluides dus à des séries de taxes et de péages urbains qui dissuadent d’acquérir une voiture, des transports en commun impeccables, des rues propres, de la végétation partout.

Et une répartition subtile de quartiers ethniques, enchâssés dans une architecture où le gigantisme récent côtoie habitats traditionnels et immeubles majestueux inspirés par les colons anglais, legs de sir Thomas Stamford Raffles, la grande référence du XIXe  siècle.

Un nœud stratégique liant Asie, Océanie et Occident

Même les expatriés vantent, sans trop de bémols, ce « laboratoire du multiculturalisme, contrôlé et encouragé ». Gilles Massot, chorégraphe français, installé ici depuis près de quarante ans, met en garde contre une vision hâtive qui consiste à ne voir que la main de fer.

> Retrouvez notre dossier sur Singapour

« Singapour est la seule métropole internationale née avec le monde moderne. Elle est la ville post-moderne par excellence. Cet État, intransigeant notamment sur le strict respect des races et des religions, mais de façon plus subtile qu’on ne veut bien le croire, veille à produire le moins de frictions possibles entre les différentes ethnies. Chaque forme d’héritage est préservée et valorisée. Tout est subordonné à l’impératif d’équilibre et d’harmonie. L’espace et le temps sont concentrés. Tout va très vite et, à la différence du reste du monde, les résultats se voient rapidement. Ce qui a été accompli ici en cinquante ans, fruit d’une politique volontariste et autoritaire, a pris plusieurs siècles ailleurs… »

Singapour ambitionne de devenir « le hub de l’Asie du Sud-Est », le carrefour et le nœud stratégique liant Asie, Océanie et Occident. Cette cité, qui attire quinze millions de touristes par an, prévoit le passage de 136 millions de passagers en 2018 dans son aéroport géant.

une vague « xénophobe » qui grossit

« Sans ressources naturelles, estime Marie-Pierre Mol, de la galerie Intersections, Singapour n’existe que par l’appel à la matière grise et cette gestion à la fois capitaliste et planifiée. » Mais depuis quelques mois, une vague « xénophobe » grossit. Les « vrais Singapouriens » manifestent « contre l’immigration des cerveaux » qui profite à l’élite.

Cette réaction commence à inquiéter dans un pays où 40 % de la population est « étrangère », où le taux de fertilité a chuté depuis l’abandon du mot d’ordre « deux enfants par famille », où un tiers des habitants, en 2030, aura plus de 60 ans.

Combien de temps cet archipel de 64 îles, riche et inventif, qui est aussi une vaste zone commerciale, tiendra-t-il sur cette ligne de crête, définie et mise en œuvre par Lee Kuan Yew ? C’est l’incertitude des prochaines années.

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Singapour en France-le festival, 80 événements en trois mois

Singapour a choisi la France, identifiée comme le pôle culturel de l’Europe, pour se faire connaître l’année de son jubilé. Dès jeudi 26 mars (au Palais de Tokyo et à Art Paris Art Fair) et jusqu’au 30 juin, Singapour en France – le festival, organisé par le National Heritage Board, le National Arts Council et l’Institut français, va présenter plus de 80 événements.

Spectacles, musique, danse, théâtre, performances, expositions, projections, résidences… se dérouleront dans sept villes : Paris, Bordeaux, La Rochelle, Lille, Lyon, Nantes, Toulouse.

Cette série de manifestations culminera avec la visite officielle, en mai, du président Tony Tan pour marquer le cinquantenaire des relations diplomatiques entre les deux États et l’intensification de leurs échanges culturels.

Programme complet sur singapour-lefestival.com

Jean-Claude Raspiengeas (à Singapour)
 
 
26/3/15 - 10 H 20
 
 
Pour voir en quoi la lecture de  la presse influe sur moi, cf. mes 14 livres en vente sur ce blog

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