Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Les rêves d'un éternel jeune homme
RÉCIT. Les rêves d'un éternel jeune homme
Alain Rémond revisite sa vie professionnelle et s'interroge sur sa fidélité aux idéaux qui l'ont animé depuis un demi-siècle
26/3/15 - 00 H 00
Pour voir en quoi la lecture influe sur moi, cf. mes 14 livres en vente sur ce blog
Le titre de ce livre en exprime la quintessence. Il y a ce tutoiement qui court tout au long des pages, par lequel Alain Rémond s'interpelle lui-même pour un examen de conscience. Il y a cette forme interrogative qui évoque bien sûr Rutebeuf, le poète du XIIIe siècle : « Que sont mes amis devenus ? » La tonalité, de prime abord, est celle du désenchantement. Mais il y a un mot clé, « rêves ». Puisque Alain Rémond tient à nous en parler, on pressent que ces rêves ne sont pas morts.
Celui qui, chaque jour, propose aux lecteurs de La Croix son billet, est aussi l'auteur de plusieurs livres marquants consacrés à son enfance bretonne et à sa jeunesse: Chaque jour est un adieu, Un jeune homme est passé, Comme une chanson dans la nuit. Aujourd'hui, il repart de cette origine pour amener son récit jusqu'à aujourd'hui. Chemin faisant, il revisite sa vie professionnelle et s'interroge sur sa fidélité aux idéaux qui l'ont animé depuis un demi-siècle.
Andrea Riccardi, fondateur, à Rome, de la communauté de Sant'Egidio, a coutume de dire qu'elle est née de Mai 68 et de Vatican II. C'est aussi en ce temps-là qu'Alain Rémond est entré dans l'âge adulte. À cette époque, novice de la Congrégation de Sainte-Croix, il a d'ailleurs vécu à Rome. Et s'y revoit chantant avec ses amis religieux américains We Shall overcome, ce quasi-gospel qui fut l'hymne de la bataille pour les droits civiques des Noirs. We shall overcome, cela veut dire: nous l'emporterons.
C'est l'époque dite des « Trente Glorieuses » où chacun, intimement, est convaincu que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Et pas seulement pour le bien-être matériel. « Tu le voyais comment ce monde meilleur, ce monde parfait? La paix, l'amour, la fraternité, tous frères, tous unis dans le refus de la haine, de la violence, dans le respect des droits. » Jamais, Alain Rémond ne s'écartera de ce rêve. Mais il ne sera pas aspiré par les idéologies, par le « tout politique ». Ce qu'il doit pour beaucoup à son enracinement chrétien (même si, depuis longtemps, il s'est éloigné de l'Église catholique). Chrétien de gauche, il est et demeure, dont le seul engagement partisan fut auprès de Michel Rocard.
Ce livre a une certaine gravité, mais il tient le sérieux à distance. C'est la chronique vive d'une vie de journaliste, à Télérama, aux Nouvelles Littéraires, à Marianne et à La Croix, dont Alain Rémond parle avec une affection qui n'exclut pas la franchise. On goûtera particulièrement l'évocation de ses rencontres avec les géants du cinéma des années 1970, la silhouette qu'il trace de Jean-François Kahn, alors patron des Nouvelles Littéraires, un repas avec l'homme d'affaires François Pinault…
Au bout du compte, cependant, demeure cette interrogation douloureuse : « Que sont tes rêves devenus ? » Alain Rémond souffre de voir le cynisme et le mercantilisme tout envahir, il mesure le poids de la crise, du chômage sur les nouvelles générations. Et pourtant, « la moindre étincelle fait battre ton cœur, te donne envie d'y croire, une fois de plus ». « Allergique à l'idéologie du malheur », cet homme refuse la résignation. « Oui, affirme-t-il toujours, nous l'emporterons. »
GOUBERT Guillaume
26/3/15 - 00 H 00
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