Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Neal Cassady, l’ultime mezcal
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Un an après Un truc très beau qui contient tout regroupant sa correspondance de 1944 à 1950, paraît Dingue de la vie & de toi & de tout, le second volume des lettres de Neal Cassady qui va de 1951 à sa mort, en 1968 (il est né en 1926). Neal Cassady est à la fois le prophète et l’inspirateur de la Beat Generation. Dans Sur la route, de Jack Kerouac, il est Dean Moriarty. En dédicace de son poème Howl, Allen Ginsberg, dont cet hétérosexuel passionné fut l’amant, le nomme «bouddha de la prose américaine». Il fut proche aussi de William Burroughs. On a lu dans le précédent volume sa longue lettre de 1950 sur Joan Anderson qui frappa tant les futurs écrivains célèbres de son entourage par la vie brute que Neal Cassady mettait dans son écriture au mépris de la syntaxe la plus traditionnelle. Quand s’ouvre le second volume, il est flatté par les compliments. A Kerouac qui le met au pinacle littéraire : «J’aimerais te croire pourtant ; mieux j’aimerais que tout le monde te croie.» A Ginsberg qui n’est pas en reste : «Toutes les âneries délirantes que vous débitez tous les deux à propos de ma Grande Lettre me font frissonner de plaisir, mais nous savons malgré tout que je ne suis qu’un effluve et qu’un rêve.» Etre écrivain est une ambition pour Neal Cassady, dont la manière d’écrire est originale en tous points. A Ginsberg : «Entre parenthèses, la première fois que j’ai commencé à écrire à la machine, si sans faire exprès je ne tapais pas la bonne lettre pour commencer un mot, plutôt que d’effacer, je cherchais un mot qui commençait par cette lettre et comme je faisais une nouvelle erreur, puis encore une autre, j’avais très vite complètement modifié le sens de ce que j’exprimais et aussi ce que j’étais en train de dire - avec tous les changements que cela entraînait dans le fil de mes pensées.» Le seul livre de Neal Cassady, Première Jeunesse, roman autobiographique, paraîtra de façon posthume.
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Dingue de la vie & de toi & de tout apparaît comme un roman. Non seulement parce que la vie de Neal Cassady est mouvementée, mais aussi parce que Fanny Wallendorf, dans son édition, comble les trous entre les lettres, raconte les aventures contemporaines de Kerouac et Ginsberg, sans compter ses liens avec ses multiples femmes. Il manque toutefois, manifestement pour une question de droits, les lettres de prison, au tout début des années 60, où Cassady passe plus de deux ans après avoir proposé des joints à des flics en civil. Au fur et à mesure que lui-même renonce à l’écriture, ses amis y rencontrent la célébrité, Ginsberg en 1956 avec Howl, Kerouac en 1957 avec Sur la route (et Burroughs en 1959 avec le Festin nu). Les liens avec Kerouac ne sont pas renforcés quand Cassady lit son portrait en Dean Moriarty, mais Moriarty donne à Cassady une célébrité littéraire auprès d’une nouvelle génération. Tom Wolfe a raconté dans Acid Test la tournée en autobus à travers les Etats-Unis de Ken Kesey (l’auteur de Vol au-dessus d’un nid de coucou et du récemment traduit Et quelquefois j’ai comme une grande idée), dont Cassady est partie très prenante. Une étonnante lettre de quinze pages de 1965 à Kesey est comme le pendant de la grande à Joan Anderson : désormais, ses récits de baise passent largement au second plan, Cassady, pendant des pages et des pages, ne parle que de voitures, comment il a eu telle panne, comment il a eu le génie de subodorer que ça venait d’ici plutôt que de là, comment ç’a été réparé, comment c’est retombé en panne, comment le rêve a «tourné au cauchemar - c’est le meilleur pick-up que j’aie jamais bousillé». Par ailleurs, Cassady est toujours aussi irresponsable. En faisant imiter par une de ses femmes la signature d’une autre, il gaspille avec une prétendue martingale pour les courses l’argent des indemnités qu’il avait obtenues après le procès de la société de chemins de fer dans laquelle il était serre-frein et avait subi un accident qui lui salopa une jambe. Lui qui a toujours caché son daltonisme doit aussi se justifier auprès de la compagnie d’avoir agité un drapeau rouge quand un vert eût été plus réglementaire. Il devient également une sorte de précurseur du new age, la réincarnation, tout ça, ce qui ne le rapproche pas de ses amis. Kerouac : «Je ne crois pas à la réincarnation ! Je ne suis pas un clébard !» Ginsberg : «Cette vie me suffit.»
En 1964, Cassady voit la lettre à Joan Anderson publiée, ce qui «fait officiellement de lui un écrivain», écrit Fanny Wallendorf. Sa vie, cependant, il pense dès avant Sur la route que «c’est Jack qui l’écrira». Peu avant sa mort, il annonce à Charles Bukowski l’avoir «choisi pour mettre le point final» (ce sera fait dans Mémoires d’un vieux dégueulasse). Il meurt le 4 février 1968 au Mexique, après avoir quitté la veille la fête où il était pour aller dans une autre où il ne connaissait personne mélanger mezcal et amphétamines et repartir à pied malgré le froid de la nuit, si bien qu’on le découvre inanimé au petit matin et qu’on ne peut le réveiller.
Neal Cassady Dingue de la vie & de toi & de tout Lettres 1951-1968 Traduit de l’américain et présenté
http://www.liberation.fr/livres/2015/03/25/neal-cassady-l-ultime-mezcal_1228241
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