Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Pasolini, roses et épines
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Pier Paolo Pasolini, en décembre 1974. (Photo AFP)
Poèmes inédits, période «Evangile selon saint Matthieu»
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Le titre est Ro.Go.Pa.G. : quatre moyens métrages, signés par Rossellini, Godard, Pasolini et Ugo Gregoretti. Dans celui de Pasolini, la Ricotta, un réalisateur, joué par Orson Welles, tourne un film sur la Passion du Christ, en banlieue, entre champs, vestiges romains et immeubles HLM. En gros plan, il récite un poème : «Je suis une force du Passé. / Mon amour ne réside que dans la tradition. / Je viens des ruines, des églises, / des retables, des villages / abandonnés dans les Apennins ou les Préalpes, / où ont vécu mes frères.»
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Frioulan. Ce poème, Pasolini l’insérera l’année suivante (1964) dans son recueil Poésie en forme de rose - comme pour suggérer que le dit poétique est le la de son œuvre, la basse continue qu’on doit entendre quel que soit le langage utilisé, le cinéma (il avait déjà réalisé Accattone et Mamma Roma), le roman, l’essai… Le recueil paraît pendant le tournage de l’Evangile selon saint Matthieu, prix spécial du jury à Venise, grand prix de l’Office catholique du cinéma - attribué à un cinéaste «marxiste» à qui la Ricotta, jugé blasphématoire, avait valu quelques mois auparavant une peine de quatre mois de prison avec sursis pour «outrage à la religion d’Etat». Le film, et ceux qui vont suivre - Œdipe roi, Théorème, Porcherie, Médée… -, donnent à Pasolini une notoriété internationale. Mais, en Italie, il est déjà célébré comme poète et écrivain : les Ragazzi (1958) et Une vie violente (1961), par ce qu’ils montrent du «sous-prolétariat» de la banlieue romaine, de la misère, de la prostitution des jeunes garçons, de la délinquance, de la «pureté», font scandale mais sont surtout des révolutions littéraires.
Entre 1942, date de parution de Poesie a Casarsa, et 1954, l’année de la Nouvelle Jeunesse, Pasolini est unanimement salué comme l’homme de lettres qui a relancé la poésie dialectale en Italie : écrits en frioulan (le Frioul est la terre de sa mère, Susanna), ses poèmes lyriques chantent une communauté et des paysages où les ombres et le mal n’ont pas encore pénétré, où la mort et la corruption ne sont encore que présages et laissent subsister, fragiles, la sérénité et l’innocence. Plus tard, cette terre-mère archaïque deviendra mythe, appel d’un passé ou d’un ailleurs de la modernité que Pasolini cherchera à retrouver dans l’hinterland romain, en Inde, en Guinée, au Yémen, en Cappadoce, et, au cinéma, dans le Décaméron, les Contes de Canterbury, les Mille et Une Nuits. Entre-temps, le mal, le scandale, la violence, l’humiliation l’ont détruite : Guido, le jeune frère de Pasolini, est assassiné par des résistants, lui-même, dans l’immédiat après-guerre, est pris dans une sale affaire entraînant un procès pour corruption de mineurs et actes obscènes en public. Regardé avec haine, en tant qu’homosexuel, exclu du Parti communiste, suspendu de sa charge d’enseignement, il quitte le Frioul avec sa mère. La blessure ne se cicatrisera jamais. A Rome, Pasolini fait mille métiers d’écriture et d’édition, connaît Montale, Gadda, Moravia ou Fellini, avec lequel il écrit certaines scènes des Nuits de Cabiria et de la Dolce Vita - avant de «percer» comme écrivain et cinéaste, puis linguiste, historien de la littérature, critique, journaliste politique, intellectuel «corsaire». Il revient à la poésie avec les Cendres de Gramsci, en 1957, qui, écrit en italien et non plus en dialecte, «le place au centre de la scène poétique», puis, en 1964, avec Poésie en forme de rose.
Vie-passion. Peut-être plus qu’ailleurs, Pasolini mêle dans ce recueil, écrit René de Ceccatty, «l’expérience individuelle et la création poétique, en les insérant toutes deux dans un cercle plus large de réflexion politique et linguistique». Y est manifeste ce que le poète dit être sa «vitalité désespérée», un élan qui le pousse à une sacralisation de la réalité et que vient cycliquement briser le sentiment profond d’être «différent», exposé aux dangers et la «sauvage douleur d’être des hommes», taraudé par un passé qui ne passe pas ou se meurt dans la grise modernité «bourgeoise», tourmenté par des visions qui, sachant la manière dont il sera assassiné sur la plage d’Ostie dans la nuit au 1er au 2 novembre 1975, paraissent prémonitoires : «Je suis comme un chat brûlé vif, / écrasé par le pneu d’un camion, / pendu par des jeunes à un figuier…» De roses et d’épines, ces poèmes sont souvent émouvants. Dans l’un d’eux, Supplique à ma mère, on trouve peut-être, de la vie-passion de Pier Paolo Pasolini, le chiffre secret : «Tu es la seule au monde à savoir ce qu’il en a toujours / été de mon cœur, avant tout autre amour. / C’est pourquoi je dois te dire ce qu’il est horrible de connaître : / c’est dans ta grâce que je vois mon angoisse naître. / Tu es irremplaçable. C’est pourquoi est condamnée / à la solitude la vie que tu m’as donnée. / Et je ne veux pas être seul. J’ai une faim démesurée / d’amour, de l’amour des corps sans âme demeurés. / Car l’âme est en toi, c’est toi, tu es simplement / ma mère et ton amour est mon asservissement.»
Pier Paolo Pasolini Poésie en forme de rose Traduit de l’italien, annoté et préfacé par René de Ceccatty, bilingue, Rivages poche, 492 pp., 12 €.
http://www.liberation.fr/livres/2015/03/25/pasolini-roses-et-epines_1228256
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