Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Pour cent bricks, t’as plus faim
Pour cent bricks, t’as plus faim
Une brick au thon et à l’œuf de chez la Mamma, boulevard de Belleville, à Paris. (Photo Boris Allin)
Il ne faut pas grand-chose pour embaumer une nuit. Une poignée de légumes secs et d’herbes fraîches, un soupçon d’épices, trois sous de mémoire et de jugeote qui font le savoir-faire, une bonne bouffée de chaleur humaine, et la magie opère entre le gonze qui fricasse et la bande d’apaches qui tournent autour de sa taule comme une nuée de papillons insomniaques sur un réverbère.
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Pourtant, les mangeurs noctambules ne sont pas les plus voraces quand on leur sert la gamelle. Certes, ils sont là pour se caler l’estomac. Mais ils ont surtout faim de vie et de compagnie, et ne sont pas du genre à piquer du nez dans l’assiette quand on les régale avec quelques zakouski du destin des autres, ces récits minuscules, ces historiettes qui assaisonnent notre ordinaire des jours qui passent.
Luxure. Nous, on a deux sentinelles du goût pour nos soupers à point d’heure. Au sortir du métro, elles se font face, de part et d’autre, et on est inquiet comme une brebis lourde avant l’agnelage quand l’une d’elles tire son rideau de fer sans crier gare. A gauche, voici le maître incontesté de ce chausson gourmand qu’est la brick. Il excelle aussi dans le poulet aux olives que, même en plein cœur de l’hiver, il ne peut s’empêcher de servir avec une paire de tomates à la provençale (ail et persil haché). Forcément, on a pris goût à cette bectance franche de la casserole, qui s’accommode bien de la lecture d’une pile de journaux fatigués, échoués en bout de table.
Le taulier ne force pas à la discussion, mais il a le mot engageant et tchatche pas mal avec les yeux. L’autre soir qu’un énorme pamplemousse trônait sur son comptoir, il nous a emmené en songe faire un petit tour de l’autre côté de la Méditerranée, dans son jardin au Maroc où il fait pousser des agrumes, évoquant aussi les bienfaits de la peau séchée de grenade pour soigner l’hypertension.
Parfois, il se contente de traverser l’avenue pour acheter une poignée de carottes pour ses tajines à l’autre vigie de nos nuits, épicier au long cours et fieffé faiseur de soupes dans son arrière-boutique. Quand l’oignon rissolant chante dans sa cambuse, on s’enquiert alors de la luxure du jour, harrira, chorba et autres juliennes exotiques qui allument plus d’un vieux micheton errant sur le boulevard. En pareilles circonstances, on se dit que c’est pas la faim qui fait sortir le loup du bois, mais l’appétit pour les autres.
Pour une soupe chaleureuse, on a de nouveau feuilleté avec gourmandise Maroc, carnets de voyage gourmands (1) de Rob et Sophia Palme (lireLibérationdu 18 décembre), où l’on a découvert cette prometteuse «soupe à la courge épicée et aux pois chiches».
Il vous faut 1,7 kg de courge butternut coupée en deux ; 2 cuillères à soupe d’huile d’olive ; 2 oignons rouges émincés ; 1 cuillère à café de paprika doux ; 1 demi-cuillère à café de quatre-épices ; 1 demi-cuillère à café de coriandre en poudre ; 1 demi-cuillère à café de cumin en poudre ; 1 cuillère à soupe de harissa ; 1,25 litre de bouillon de volaille ; 1 demi-cuillère à café de sel fin ; 400 g de pois chiches rincés et égouttés ; un peu de yaourt nature et quelques feuilles de coriandre, pour le service.
Préchauffez votre four à 180 degrés. Recouvrez une plaque de papier sulfurisé, et déposez la courge dessus. Enfournez pour une heure de cuisson, jusqu’à ce que la courge soit tendre et dorée. Sortez du four et laissez refroidir. Retirez les graines et prélevez la chair.
Pendant ce temps, faites chauffer l’huile dans une grande poêle sur feu moyen. Faites-y cuire l’oignon pendant cinq minutes, en remuant, jusqu’à ce qu’il fonde. Ajoutez les épices et la harissa et faites cuire encore une à deux minutes jusqu’à ce que les arômes se libèrent. Ajoutez le bouillon de volaille, salez, puis incorporez les morceaux de courge. Laissez cuire pendant quinze à vingt minutes en remuant jusqu’à ce que la chair de la courge soit bien tendre.
Sortez du feu et réduisez à la fourchette la chair de la courge en purée. Remettez sur feu doux et ajoutez les pois chiches. Faites cuire trois à cinq minutes, jusqu’à ce qu’ils soient bien chauds. Si la soupe devient trop épaisse, ajoutez un peu d’eau. Versez la soupe dans des bols, surmontez-la d’un peu de yaourt et de quelques feuilles de coriandre.
Pinceau. On a également déniché une recette de «bricks au thon et à l’œuf» dans le Grain de sel de Bernard (2), l’appétissant tour du monde en 150 plats de Bernard Laurance, un fondu des cuisines d’ailleurs, qui nous avait déjà régalé avec les Desserts de Bernard, en 2014 (3).
Il vous faut : 4 feuilles de brick rondes ; 4 œufs (et un autre pour fermer les bricks) ; 2 cuillères à soupe d’huile d’olive ; 200 g de thon en boîte au naturel ; 2 grosses pommes de terre cuites ; un demi-oignon ; un petit bouquet de coriandre et de persil plat ; une demi-cuillère à café de harissa ; de l’huile pour friture ; du sel et du poivre. Coupez l’oignon en petits morceaux, et faites-le revenir dans la poêle avec l’huile d’olive, sur feu modéré, jusqu’à ce qu’il soit translucide. Ajoutez, alors, le thon écrasé à la fourchette, la harissa, la coriandre et le persil finement ciselés et les pommes de terre également écrasées à la fourchette. Laissez cuire trois minutes tout en mélangeant. Assaisonnez à votre goût en sel et en poivre. Laissez refroidir cette farce quelques minutes dans un bol. Ouvrez une feuille de brick ronde et mettez un quart de la farce sur la moitié inférieure. Faites un creux avec une cuillère et cassez-y un œuf. Passez un peu d’œuf battu au pinceau ou au doigt sur la moitié du bord de la feuille de brick. Pliez-la en deux et soudez bien là où se trouve l’œuf battu.
Faites chauffer une grande poêle d’huile et faites frire les bricks un par un, deux minutes de chaque côté, pour qu’ils soient bien dorés. Si la brick est trop grande pour votre poêle, vous pouvez le plier autrement. Par exemple, pliez-le en forme de carré. Placez la farce puis pliez en deux dans la diagonale pour former un triangle plus petit. Dans la farce, vous pouvez ajouter tout ce qui vous inspire : olives, câpres, un peu plus de harissa…
(1) «Maroc, carnets de voyage gourmands», de Rob et Sophia Palmer, éd. de la Martinière, 39,99 €.
(2) «Le Grain de sel de Bernard», de Bernard Laurance, éd. Flammarion, 24,90 €.
(3) «Les Desserts de Bernard», de Bernard Laurance, éd. Flammarion, 24,90 €.
Pour savoir en quoi la presse influe sur moi, cf. mes 14 livres en vente sur ce blog