Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Une vie fulgurante, équation à multiples inconnues
Une vie fulgurante, équation à multiples inconnues
Un jeune auteur signe un roman éblouissant, par le style, l’érudition, l’audace et la liberté, sur le destin météorique du mathématicien Évariste Galois, tué en duel à l’âge de 20 ans.
25/3/15 - 16 H 14 - Mis à jour le 25/3/15 - 15 H 34
Pour voir en quoi la lecture influe sur moi, cf. mes 14 livres en vente sur ce blog
ÉVARISTEFrancois Henri Deserable Éditions Gallimard , 178 pages , 16.9 € acheter
ÉVARISTE
de François-Henri Désérable
Éditions Gallimard, 178 p., 16,90 €
Au XIXe siècle, Évariste Galois (1811-1832) découvre les mathématiques à l’adolescence, les révolutionne et meurt, à 20 ans, en duel. Ce destin météorique a inspiré bien des écrits mais jamais comme celui que nous découvrons sous la plume d’un jeune auteur de 27 ans.
Roman stupéfiant d’aisance et de dextérité, vertigineux de culture et de liberté, alternant prose grand siècle et saillies anachroniques, avec une jubilation propre à l’insolence d’un âge qui ne s’embarrasse d’aucune convention. François-Henri Désérable fait une entrée fracassante en littérature, deux ans après son très remarqué Tu montreras ma tête au peuple, sur les heures sanglantes de la Terreur. Le revoilà avec un roman ébouriffant, bluffant, enthousiasmant, sidérant.
Bien des mystères entourent la vie fulgurante de ce mathématicien de génie qui, très tôt, bouscula ses aînés, impatient d’en découdre, pressé d’être reconnu. Il est de tous les soulèvements, de toutes les émeutes qui succèdent aux effusions révolutionnaires des Trois Glorieuses de 1830. Un banquet arrosé, parmi des républicains échauffés, le conduira, manu militari, à la Conciergerie, coupable d’avoir porté un toast à la mort du roi.
Il échappa de peu à la prison mais tâta néanmoins plus tard du cachot, à Sainte-Pélagie, où, parmi de fortes têtes avinées, dans des geôles surpeuplées, il griffonnera des équations, à la lueur d’une bougie vacillante, plongé dans les gouffres des théorèmes. «Le mathématicien, disait Darwin, est un aveugle dans une pièce noire cherchant à voir un chat noir qui souvent n’est pas là.»
Évariste Galois est enfermé dans Paris à l’époque du choléra que François-Henri Désérable, dans une page d’anthologie, présente comme un personnage, venu d’Égypte, tueur en série que nul ne sut arrêter dans son macabre acharnement. Pour fixer l’attention, François-Henri Désérable (qui sait aussi parler de l’amour et le décrire comme s’il avait déjà tout vécu, tout éprouvé) s’adresse à une «mademoiselle», jamais nommée, interlocutrice invisible, en lui demandant de bien prendre la mesure des événements. Trouvaille astucieuse qui accentue la complicité avec le lecteur, destinataire évident de cette requête.
Ce jeune romancier frémissant du XXIe siècle, qui cultive un goût pour les mots précieux (puddlé, zinzolin, bardache, rogommeuse, bibus, en valdrague, à la venvole), nous entraîne dans un Paris survolté, qui met à sac les Tuileries, dans l’ombre portée des guillotines de la Révolution de 1789, fait défiler Danton, Robespierre, Charles X, Louis-Philippe, Casimir Périer, Alexandre Dumas, Stendhal, Hugo.
La vie sentimentale d’Évariste Galois, tourmentée par une Stéphanie insaisissable, est aussi chaotique que ses théories sont décoiffantes. L’Académie qui les examine avec désinvolture n’en perçoit pas la charge révolutionnaire. C’est dans cette fièvre que survient l’épisode tragique du duel dans des circonstances jamais élucidées. On sait seulement qu’il ne put se dérober, «après avoir épuisé tous les moyens d’accommodement».
La fin du livre signe l’apogée du style de François-Henri Désérable. La dernière nuit d’Évariste où il se hâte de laisser son testament de théories, pris par l’urgence, notant, par moments, en marge : «Je n’ai pas le temps.» Il sait que l’aube sera la dernière. «Où le chant du coq fut le prélude à une longue nuit.» Puis le duel sans espoir au petit matin, après une ultime traversée de Paris, panoramique furtif, dernières impressions. Enfin, l’agonie à Cochin où il rassemble son courage «pour mourir à vingt ans», avant d’être jeté dans la fosse commune.
Ce traité mathématique que François-Henri Désérable déchiffre, avec émotion, à la bibliothèque de l’Institut, l’arrache à la pensée du néant. À sa lecture, il se met à croire à une vie après la mort. Dans les lettres ultimes, il découvre cette notation en latin qui épaissit le mystère mais ne le rend pas moins excitant. Elle colore sa propre entreprise littéraire : «Une lumière éclatante, dans l’effroi de la tempête, enveloppée de ténèbres éternelles.»
JEAN-CLAUDE RASPIENGEAS
25/3/15 - 16 H 14 - Mis à jour le 25/3/15 - 15 H 34
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