Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Gabriele D'Annunzio
Écrivain italien (Pescara 1863-Gardone Riviera 1938).
Une œuvre aux influences multiples qui connaît une gloire littéraire précoce
« Dans la récente tradition italienne D'Annunzio a un peu la place que tient Hugo dans sa postérité française, de Baudelaire au-delà ; il est présent chez tous car il a expérimenté toutes les possibilités linguistiques et prosodiques de notre temps. En ce sens ce serait un très mauvais signe que de ne rien lui devoir » (Eugenio Montale, 1956). Issu de la nouvelle bourgeoisie italienne récemment insérée dans le concert politique et intellectuel européen, D'Annunzio sut répondre à son désir obsessionnel de modernité avec une exceptionnelle opportunité, aussi prompt à assimiler les courants les plus modernes de l'actualité culturelle qu'à devancer, au profit d'une carrière en perpétuelle ascension, les faveurs successives du public pour les genres les plus divers. Le mythe, savamment exploité, du personnage fit le reste.
Avec le recueil poétique de Primo Vere (1879-1880) succédant à l'Ode a re Umberto (1879), D'Annunzio connaît la gloire littéraire dès l'âge de seize ans. Il s'y distingue aussitôt par une prodigieuse virtuosité imitative (son modèle est alors la prosodie « barbare » de Carducci) alliée à une exaltation panique de la vie, qui caractérise également Canto novo (1882), Intermezzo di rime (1883), Elegie romane (1892) ; tandis que ses premières proses (Terra vergine, 1882, Novelle di San Pantaleone, 1886, incluses en 1902 dans les Novelle della pescara) témoignent de l'influence sur le jeune D'Annunzio du naturalisme français (Maupassant, Zola) et du Verga vériste de Vita dei campi et des Novelle rusticane, que D'Annunzio surpasse cependant en sauvagerie et en sensualité dans son évocation de la vie primitive des Abruzzes, sa terre natale. Dès la fin de 1881, il s'est transféré à Rome, où il déserte bientôt l'université pour les salons, à la recherche des succès que lui valent ses amours adultères, ses performances sportives (duels et croisières) et sa verve de chroniqueur mondain (en particulier dans la Tribuna, 1884-1888). Ses lectures parnassiennes et préraphaélites lui inspirent Isaotta Guttadauro ed altre poesie (1886) et le diptyque l'Isotteo et La Chimera (1890). Puis il emprunte au Huysmans de À rebours (1884) l'idéal d'une vie conçue comme une œuvre d'art, et l'exprime dans le roman autobiographique Il Piacere (1889), bric-à-brac d'éclectisme formel et de snobisme culturel. Le mimétisme expérimental de D'Annunzio se poursuit, d'abord à l'enseigne de Dostoïevski, avec Giovanni Episcopo (1891), confession romancée d'un criminel, puis sous le signe de Wagner et de Nietzsche, dans l'Invincibile (1890) et Il Trionfo della morte (1894), transpositions romanesques des amours de l'auteur et de Barbara Leoni où s'esquisse de façon décisive la double évolution des œuvres ultérieures, d'une part vers une écriture d'un lyrisme de plus en plus raffiné, et d'autre part vers la célébration du mythe nietzschéen du surhomme. Le Poema paradisiaco (1893) et L'Innocente (roman, 1892), œuvres d'un mysticisme plus intime, ne représentent à cet égard qu'une parenthèse dans l'itinéraire formel et intellectuel que jalonnent Le Vergini delle rocce (1896) et surtout Il Fuoco (1900). Dans ce dernier roman, D'Annunzio exalte sa passion pour la célèbre tragédienne Eleonora Duse (1858-1924), rencontrée au retour d'un bref séjour à Naples (1891-1893), et en compagnie de laquelle il mène de 1898 à 1909 une existence fastueuse dans sa villa (la « Capponcina ») de Settignano, près de Florence. La Duse suscite en D'Annunzio une féconde vocation théâtrale, qui coïncide avec le début d'une éclatante carrière de tribun politique. En 1897, un héroïque discours électoral le conduit à la Chambre sur les bancs de l'extrême droite ; ce qui ne l'empêche pas de s'allier, en 1900, à l'extrême gauche pour renverser le gouvernement de Luigi Pelloux. Le théâtre de D'Annunzio met en scène des individus d'exception, artistes ou hommes d'action, dans une atmosphère de carnage et de luxure : Sogno d'un mattino di primavera (1897), La Città morta (1898). Francesca da Rimini (1902), tragédie historique, ouvre le cycle du théâtre en vers, auquel se rattachent les deux mythes pastoraux des Abruzzes : La Figlia di lorio (1904) et La Fiaccola sotto il moggio (1905) ; Piu che l'amore (1906) et La Nave (1908) reviennent à la prose. D'Annunzio a également écrit des livrets d'opéra : Fedra (1909, musique de I. Pizzetti), le Martyre de saint Sébastien (1911, écrit en français, musique de C. Debussy), Parisina (1913, musique de P. Mascagni) ; et un scénario de cinéma : Cabiria (1914).
Célébration du mythe du surhomme et héroïsme national
En 1899, D'Annunzio conçoit les grandes lignes et publie les premières pièces de son chef-d'œuvre poétique : Laudi del cielo del mare della terra e degli eroi, qui devait compter sept livres empruntant chacun son titre aux différentes pléiades. Seuls les cinq premiers ont vu le jour : Maia (1903), dont Laus vitae exalte à travers Ulysse le mythe du surhomme ; Elettra (1904) et, la même année, les splendides méditations lyriques d'Alcyone, où D'Annunzio chante la mer et l'été, la campagne et les rivages toscans, dans une langue somptueuse alliant le faste mythologique à la faveur du souvenir ; en revanche, Mérope (Le Canzoni della gesta d'oltremare, 1911-1912, consacrées à la campagne de Libye) et Astérope (Canti della guerra latina, 1914-1918, parus seulement en 1933) trahissent la grandiloquence du chantre héroïque et nationaliste dont D'Annunzio assume officiellement le rôle à l'approche de la guerre. Il quitte alors en effet la France, où il a dû s'exiler pour échapper à ses trop nombreux créanciers (Paris, Arcachon, 1910-1915), et se range bruyamment dans le parti de la guerre. Il se signale par une longue série d'exploits culminant avec la prise de Fiume en septembre 1919. Héros national, il a droit de son vivant à un musée : sa luxueuse demeure de Gardone Riviera, sur le lac de Garde, bientôt dénommée « il Vittoriale degli Italiani ». Le régime fasciste l'accable d'honneurs pour prévenir son indiscipline, et fonde en 1926 l'« Istituto nazionale per la pubblicazione di tutte le opere di G. D'Annunzio ». Au moment même où sa gloire tapageuse accaparait l'attention, D'Annunzio s'abandonnait à une inspiration plus recueillie, faite de souvenirs et de sensations, dans une prose subtile jusqu'à l'impressionnisme : Forse che si, forse che no (1910), sans doute son chef-d'œuvre romanesque, Contemplazione della morte (1912), La Leda senza cigno (roman, 1916), Notturno (1921), œuvres auxquelles il faut ajouter les différents recueils d'un monumental journal intime : les 3 volumes des Faville del maglio (1924-1928, mais remontant jusqu'en 1911) et les Cento e cento e cento e cento pagine del libro segreto di Gabriele D'Annunzio tentato di morire (1935).
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Gabriele_DAnnunzio/115616