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Catégories : CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES, Des châteaux

La renaissance du Haut-Koenigsbourg

 

La renaissance du Haut-Koenigsbourg Vue aérienne en automne du château du Haut-Koenigsbourg (© Jean-Luc Stadler - Château du Haut-Koenigsbourg, Alsace, France).

Une campagne de restauration s’achèvera au début de l’année prochaine au château du Haut-Koenigsbourg, deuxième monument le plus visité d’Alsace.

Perché à presque 800 m sur son rocher, au cœur de la forêt des Vosges, le Haut-Koenigbourg est un rêve de château fort. Édifié du XIIe au XVe siècle, il est en ruine lorsque la ville de Sélestat décide de l’offrir à l’empereur Guillaume II. Dans l’Alsace devenue allemande en 1870, ce « mémorial du glorieux empire retrouvé » tient une place singulière. Marchant sur les pas des Hohenstaufen et des Habsbourg, l’empereur décide d’y laisser la marque des Hohenzollern, dernière dynastie impériale allemande. On ne se contentera pas de conserver les ruines. On restaurera et reconstruira ! Le colossal chantier se met en branle en 1901. Une carrière de grès est ouverte sur le site. On construit une voie de chemin de fer pour déplacer les blocs de pierre. Deux énormes grues sont installées, ainsi qu’un groupe électrogène, une station de pompage… Le chantier dirigé par l’architecte Bodo Ebhart s’achève en 1908. Dans un climat de nationalisme « anti-boche » exacerbé, la presse française se déchaîne. On reproche à Ebhart la perte d’une ruine romantique, sacrifiée à un « Moyen Âge d’opéra-comique ». Le donjon déclenche une polémique. N’était-il pas rond au Moyen Âge ? « Toute chose vraiment belle et vraiment allemande est carrée dès l’origine, ironise le grand Hansi. La forme du crâne allemand est là pour le prouver. » Le visiteur d’aujourd’hui peut vérifier par lui-même que la base médiévale du donjon, parfaitement conservée par Ebhart, est incontestablement carrée… La fascinante documentation photographique constituée par l’architecte avant le début du chantier, ses archives et dessins conservés au château de la Marksburg, récemment étudiés, montrent avec quels scrupules il analyse et remet en valeur chaque vestige archéologique. Tout au plus peut-on lui reprocher d’avoir exagéré les pentes des toits. Mais cette entorse à la vérité archéologique nous vaut aujourd’hui la fière silhouette du château, qui toise la plaine d’Alsace.

Un monument complexe

En 1919, par le traité de Versailles, le monument est livré « clé en main » à la France, restauré, décoré, remeublé. L’empereur Guillaume II, qui visita douze fois les lieux, n’y dormit pas même une seule nuit. Il préférait le confort du palais impérial de Strasbourg ! Après le classement des ruines en 1862, le château devenu monument national est classé Monument historique dans son intégralité en 1993. En 2007, la propriété est transférée au Conseil régional du Bas-Rhin. Après un important chantier de remise aux normes des installations techniques et la restauration de la couverture du donjon, endommagée par la tempête de 1995, des travaux sont en cour à la Maison alsacienne. Cette construction pittoresque imaginée par Bobo Ebhart avait été cloisonnée et partiellement défigurée dans les années 1960. Outre les espaces de services aux visiteurs, elle accueillera, dans sa grande salle aux lambris de pin sombre et peintures d’origine, la nouvelle billetterie et une salle d’exposition. Après destruction des bétonnages modernes, le chantier a révélé au rez-de-chaussée la présence d’un superbe mur à bossages médiéval. Il sera désormais visible. La Tour du Moulin est elle aussi en travaux. Restaurée, elle accueillera une nouvelle salle pédagogique accessible aux enfants à mobilité réduite. L’achèvement de ces travaux est prévu pour le premier trimestre 2016. Un projet ambitieux est actuellement à l’étude : le réaménagement du restaurant, de la boutique et de la librairie dans le bastion de l’Étoile. Ces travaux permettront de gagner une surface utile de 600 m2 sur trois niveaux. Une campagne de fouilles sera menée au préalable, avec mise en valeur éventuelle des éléments archéologiques découverts. Entrée en fonction en juillet 2014, la nouvelle directrice du château, Stéphanie Edel, a plus d’un tour dans son sac pour attirer de nouveaux publics et faire comprendre au plus grand nombre cet édifice longtemps méjugé. Il est aujourd’hui, avec ses 545 000 entrées, le deuxième monument le plus visité d’Alsace après la cathédrale de Strasbourg. Signalons, pendant l’arrière-saison, l’organisation de visites insolites, qui invitent à une découverte privilégiée du lieu. Des lieux habituellement fermés au public y sont révélés : le donjon et la cuisine moderne de l’empereur Guillaume II, aménagée au-dessus des cuisines médiévales. Luxueusement équipée en 1908, elle n’a jamais été utilisée. Monument complexe, le Haut-Koenigsbourg est un témoignage exceptionnel de l’architecture militaire du Moyen Âge, dont subsistent des pans entiers, parfaitement restaurés. C’est aussi le témoignage non moins exceptionnel d’un des plus ambitieux chantiers de restauration menés au début du XXe siècle. Passé l’époque des polémiques, il est l’heure d’en redécouvrir l’âpre beauté.

Château du Haut-Koenigsbourg, 67600 Orschwiller, www.haut-koenigsbourg.fr 03 69 33 25 00
Le château est accessible par une navette au départ de la gare SNCF de Sélestat.
Réservation des « visites insolites » de novembre à mars (groupes de 18 personnes) sur le site http://www.haut-koenigsbourg.fr/fr/visites/visite-insolite/

À lire :
Les Cahiers du Haut-Koenigsbourg, éd. Le Verger/Ligne à suivre avec le concours du Conseil général du Bas-Rhin. Volume 1 : « 13 mai 1908. Une inauguration mouvementée », par Bernadette Schnitzler avec Jean Favière ; volume II, « Le château du Haut-Koenigsbourg et l’eau : sources, puits et citernes du Moyen Âge à l’époque actuelle », par René Kill. Prix 24 €.

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