Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Biennale de Venise : l’âme de la cité africaine
Publié le 25 juin 2015 à 18h44
Depuis un peu plus d’un mois, une cité algérienne réputée pour ses divers trafics s’est installée à Venise, à deux pas du Rialto, où des millions de visiteurs défilent chaque année pour se prendre en photo face au pont des Soupirs. Cette cité, c’est Climat de France, un ensemble monstrueux d’Oued Koriche imaginé par l’architecte marseillais Fernand Pouillon dans les années 1950 et qui, depuis, domine toujours Bab El Oued.
À l’occasion de la 56e Biennale de Venise, qui se tient en Italie jusqu’au 22 novembre 2015, le cabinet Architecture-Studio organise une exposition intitulée « Villes africaines en mouvement » dans son fort coquet centre, la CA’ASI. Principal invité de cet événement, le photographe Stéphane Couturier, qui travaille sur les mutations de l’espace urbain et s’est particulièrement intéressé aux réalisations de Pouillon dans la cité phocéenne comme à Alger. Ses photos présentées à Venise – parmi lesquelles un très impressionnant panoramique – restituent l’étonnante ambiance de Climat de France. Cinq mille logements conçus il y a plus de cinquante ans, une cour centrale ornée de 200 colonnes et rebaptisée parfois « la Colombie », et une histoire qui se lit à fleur de béton. Les façades, envahies de linge, de paraboles et de climatiseurs, et certaines parties du bâtiment ont été transformées au cours des années selon les besoins d’habitants qui s’entassent parfois dans de minuscules réduits. Les hommes ont modifié l’architecture, la détournant parfois de ses objectifs initiaux, mais l’architecture n’a-t-elle pas elle aussi pesé sur les hommes – ou du moins créé une atmosphère propice à un certain état d’esprit ? C’est de Climat de France, faut-il le rappeler, que sont parties les émeutes de la faim en 1988. L’ensemble fut en outre longtemps sous la coupe du FIS… et entra en ébullition en 2011. Cela, Stéphane Couturier ne le raconte pas, préférant faire ressentir au visiteur la réalité du quotidien dans la cité. Une vidéo à 360°, ininterrompue, montre l’ensemble de la cour intérieure du bâtiment, laisse deviner les débrouilles du système D et la survie au jour le jour, mais permet aussi d’imaginer l’enfermement panoptique produit par un tel lieu.
À lire aussi :
L'Afrique bien présenteÉvolutions, révolutions, transformations, changements : les commissaires de l’exposition, Pascale Cassagnau et Françoise Docquiert, ont choisi la vidéo pour évoquer la dynamique urbaine en Afrique. Outre présenter le travail de Stéphane Couturier, « Villes Africaines en mouvement » propose des films de Safia Benhaïm, de Nicolas Boone, de Frédérique Lagny, d’Ange Leccia et de David Yon. Des films de plasticiens exigeants – il ne s’agit en aucun cas de documentaires – dont le langage formel relève plus de la poésie existentielle que du discours analytique. Une petite fille dans un bâtiment inachevé, un homme dans une décharge, une agression dans les rues de Hillbrow (Johannesburg), une publicité pour une demeure (virtuelle) de rêve, le visage d’une femme et celui d’un dictateur, autant d’images qui s’impriment durablement sur la rétine et rendent sensible la violence exacerbée des rapports humains dans la cité. Dans l’ombre de Ponte City, Nicolas Boone filme par exemple dix scènes de la vie à Hillbrow, jouées par des acteurs mais collectées sur place. En Afrique du Nord, Ange Leccia joue avec Azé de la dérive des images, opposant d’une certaine manière la beauté fugace de femmes entraperçues au hasard des rues et la présence obsessionnelle des portraits de Bachar al-Assad placardés un peu partout dans la ville. Au fond, il ne s’agit plus vraiment de parler d’architecture, mais plutôt d’explorer l’âme des villes et de ceux qui s’y côtoient.
http://www.jeuneafrique.com/mag/238218/culture/biennale-de-venise-lame-de-la-cite-africaine/