Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Jules RENARD,Histoires naturelles
Elle se pavane au milieu de la cour, comme si elle vivait sous l'ancien régime.
Elle ne doute de personne, et, dès que je m'approche, elle s'imagine que je veux lui rendre mes hommages.
Déjà, elle glougloute d'orgueil.
- Noble dinde lui dis-je, si vous étiez une oie, j'écrirais votre éloge, comme le fit Buffon, avec une de vos plume. Mais vous n'êtes qu'une dinde.
J'ai dû la vexer, car le sang monte à sa tête.
LES GRENOUILLES
Par brusques détentes, elles exercent leurs ressorts.
Elles sautent de l’herbe comme de lourdes gouttes d’huile frite.
Elles se posent, presse-papiers de bronze, sur les larges feuilles du nénuphar.
L’une se gorge d’air. On mettrait un sou, par sa bouche, dans la tirelire de son ventre.
Elles montent, comme des soupirs, de la vase.
Immobiles, elles semblent, les gros yeux à fleur d’eau, les tumeurs de la mare plate.
Assises en tailleur, stupéfiées, elles bâillent au soleil couchant.
Puis, comme les camelots assourdissants des rues, elles crient les dernières nouvelles du jour.
Il y aura réception chez elles ce soir ; les entendez-vous rincer leurs verres ?
Parfois, elles happent un insecte.
Et d’autres ne s’occupent que d’amour.