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Pendant notre séjour en Bertagne, nous étions basés à Guingamp

« Le regard est source de connaissance »

Le patrimoine architectural est affaire de regard

Grâces, le bourg. Vue générale de l′église Notre-Dame (début du XVIème siècle) et du groupe scolaire (début du XXème siècle) (2008

Grâces, le bourg. L′église Notre-Dame (début du XVIème siècle) et le groupe scolaire (début du XXème siècle) (2008)

Admiratif, critique, expressif, condescendant, dubitatif, médusé, contemplatif, assassin, tendre, vif, furtif, songeur ou soutenu, on le voit bien, le regard revêt de multiples facettes. D′un bon oeil ou d′un mauvais oeil, individuel ou collectif, évité, affronté ou échangé, il peut être forgé, aiguisé, revendiqué, à l′instar du droit de regard, ou bien mettre à nu symboliquement.

          Rarement neutre, le regard, élément de communication non verbale, induit une relation avec l′autre, consciente ou inconsciente, directe ou indirecte, intentionnelle ou spontanée, et sa portée est rarement dépourvue de conséquences. Il peut ainsi revêtir, à bon ou mauvais escient, le sens de jugement, se faire inquisiteur, réprobateur, culpabilisateur, sympathique, compassionnel ou indulgent. A force d′être insistant, il peut aussi prendre des connotations morales.

          Considéré, à contrario, comme un auxiliaire de l′apprentissage et de l′ouverture d′esprit, il apparaît, à l′instar de l′écoute, comme un art de vivre et comme un remède efficace à l′ignorance, comprise comme un état d′aveuglement. Paré des effets de la contemplation, il peut ainsi conduire sur le chemin de l′émerveillement et de l′enthousiasme. On le voit bien, en nous apportant des informations nouvelles, en nous ouvrant sur le monde et en permettant l′accès à la connaissance, le regard modifie l′expérience.

          En matière de patrimoine, la notion étant ici considérée dans sa seule dimension matérielle et architecturale, le regard, synonyme d′expertise et de lecture, le regard analytique que la vox populi traduit par l′expression avoir l′oeil, amène à la production d′un savoir « sur ce qui est à voir » 1. Le regard de l′expert, le regard individuel porté sur l′objet patrimonial et relayé par une médiation, propose alors au plus grand nombre, dans une logique de sensibilisation et de transmission, une prise de conscience et une appropriation collective de la valeur symbolique de l′objet.


Guingamp, le manoir du Roudourou et son portail (XVIIIème siècle). Combien d′enfants aujourd′hui adultes et parents empruntèrent ce portail pour se rendre à l′école de Roudourou ? (2010)

Guingamp, le manoir du Roudourou et son portail (XVIIIème siècle). Combien d′enfants aujourd′hui adultes et parents, en capacité de transmission et de sensibilisation, empruntèrent ce portail pour aller à l′école de Roudourou ? (2010)


          Dédié au patrimoine architectural de la ville de Guingamp et de sa région, ce site est tout naturellement appelé à s′enrichir et à évoluer au gré des pérégrinations de son rédacteur. Son contenu est l′expression d′une sensibilité et d′un regard, parmi d′autres, porté sur un patrimoine architectural qui, loin d′être méconnu, reste à valoriser collectivement et durablement dans le cadre de projets de développement économique et socio-culturel. Il est aussi le fruit d′une intime conviction : l′étude, la connaissance et la médiation du patrimoine architectural revêt un enjeu fondamental en terme de perception de la durée et de prise de conscience de la temporalité. Car le regard sur le patrimoine architectural nous permet, selon l′expression de l′historien Jean Chesneaux, d′ « habiter le temps » 2. Face à nous l′objet patrimonial regardé, observé, analysé, admiré ou décrié, individuellement ou collectivement, nous relie au passé par sa valeur symbolique ou par le biais d'expériences personnelles - je perçois un ordre social et politique, un savoir-faire, des croyances, un courant artistique, je passais quotidiennement devant cette croix pour me rendre à l′école, ma grand-mère fréquentait ce lavoir, etc. -, il nous inscrit dans le présent - je suis face à l′objet, j′éprouve tel sentiment, l′objet est dans tel état, tel événement culturel y est associé, etc. -, et nous projette vers l′avenir - quel patrimoine laisserons-nous à nos enfants ?, l′état de l′objet laisse augurer une dégradation irréversible, les formes, les matériaux, le parti-pris du maître de l′oeuvre incarnent la modernité architecturale, etc.

          Le regard sur le patrimoine est donc à la fois regard sur l′histoire et regard sur nous-même ...



Goudelin, la chapelle Notre-Dame-de-l'Isle (XVème siècle) (2008) Châtelaudren, la chapelle Notre-Dame-du-Tertre. Le porche sud (2ème moitié du XVème siècle) (2008) Châtelaudren, talus-mur bordant un chemin creux carrossable désaffecté (datation incertaine) (2008) Runan, le bourg. L′ossuaire d′attache (2ème moitié du XVIème siècle) (2008) Guingamp, basilique Notre-Dame de Bon-Secours. Vue détaillée du décor ornant le portail occidental de la basilique Notre-Dame-de-Bon-Secours (milieu du XVIème siècle) (2008)

... un regard parmi d′autres sur le patrimoine
architectural de Guingamp et sa région
...


Plouëc-du-Trieux, la Gare (2ème moitié du XIXème siècle) (2008) Guingamp, Sainte-Croix. Ponts de chemin de fer sur le Trieux (2ème moitié du XIXème siècle) (2008) Guingamp, le centre-ville. Le jardin du commandant Billot (1er quart du XXème siècle) (2008) Plouëc-du-Trieux, la Gare. Réservoir (1er quart du XXème siècle) (2008) Guingamp, le monument aux morts pour la Patrie (1er quart du XXème siècle) (2008)


         Au regard d′un certain regard, d′un regard porté parmi d′autres sur la ville de Guingamp et sa région, il apparaît que l′architecture urbaine, l′architecture religieuse et l′architecture seigneuriale figurent au rang des thèmes majeurs susceptibles de caractériser le paysage architectural de ce vaste secteur géographique réuni autour d′une ville située au carrefour de l′Armor et de l′Argoat, « le pays de la mer » et « le pays du bois » en breton.


Ploëzal, la Roche-Jagu. L′estuaire du Trieux, point de rencontre de l′Armor et de l′Argoat (2009)


          A l′aune de l′histoire, Guingamp apparaît comme un lieu d′exercice et d′expression du pouvoir, qu′il soit d′ordre politique et administratif, judiciaire, économique ou religieux. Toute proportion gardée, cette ville a bénéficié, et bénéficie encore, de prérogatives qui ont toutes favorisé son développement et ont contribué à la formation et au renouvellement d′un paysage architectural digne d′intérêt. Site fortifié accueillant dès l′époque féodale une résidence comtale, puis ville ducale prospère dotée dès le XIVème siècle d′une organisation municipale 3, Guingamp est aujourd′hui un chef-lieu de canton et un chef-lieu d′arrondissement. Située au centre d′une région à forte dominante rurale, d′une région dont l′activité économique repose essentiellement sur l′agriculture et sur la transformation des produits issus de ce secteur d′activité, cette ville d′environ 8 000 habitants entend son nom fréquemment évoqué par les médias à travers les « fastes et malheurs » de l′ En Avant de Guingamp (EAG), l′équipe de football professionnel née d′un patronage laïc créé au début du XXème siècle.

          La thématique de l′architecture urbaine permet idéalement de mettre en scène ces prérogatives. Outre les restes d′une enceinte urbaine primitive du XIème siècle récemment mis au jour, un château et une enceinte du XVème siècle à l′état de vestiges, une basilique multiphasée dotée d′un portail monumental de la période Renaissance, la ville de Guingamp peut se targuer d′avoir abrité à la fin du Moyen-Age un atelier de production de maison en pan-de-bois particulièrement actif, dont la renommée dépassa largement le cadre de la ville 4.


Guingamp, le centre-ville. Maison Merien Chero, élévation antérieure sur rue (2009) Pontrieux, le centre-ville. Maison dite la Tour Eiffel, élévation antérieure sur rue (2009)


          Elle possède également plusieurs établissements conventuels issus de la Contre-Réforme, un tribunal, une prison considérée, à ce jour, comme un témoin majeur de l′histoire et de l′architecture carcérales, une caserne, un jardin public, mais également une gare ferroviaire à laquelle est associée, comme dans de nombreuses villes, un quartier qui devint, à partir des années 1860, le théâtre d′un renouvellement de l′architecture domestique encouragé par la spéculation immobilière. Car Guingamp peut afficher des oeuvres d′architectes plus ou moins reconnus, à l′instar de l′ancienne maison Doniol, aujourd′hui Banque Populaire, qui porte la marque de l′architecte Alexandre Angier 5, ou de l′ancien immeuble des frères Le Jamtel et de plusieurs édifices publics ou privés construits par l′architecte Georges Robert-Lefort 6.

          La thématique de l′architecture religieuse, thématique ô combien récurrente dans le paysage, apparaît comme un élément de poids pour illustrer les richesses patrimoniales de ce secteur. La ville de Guingamp, tout comme les communes environnantes, où l′enclos paroissial, hérité le plus souvent de la fin du Moyen-Age ou de la période Moderne, est perçu spontanément, voire intuitivement, comme un élément à forte valeur patrimoniale, possèdent en la matière de nombreux édifices et édicules protégés au titre de la législation sur les Monuments historiques. La basilique Notre-Dame de Bon-Secours à Guingamp, l′église paroissiale Notre-Dame de Runan, l′église paroissiale Notre-Dame de Grâces, la chapelle Notre-Dame du Tertre de Châtelaudren ou l′église paroissiale Saint-Envel de Loc-Envel en sont les dignes émissaires.


Guingamp, vue générale de l′espace intérieur de la chapelle Saint-Léonard (2008)


          Enfin, la thématique de l′architecture seigneuriale, à laquelle il convient d′associer l′architecture notabiliaire, apporte au paysage architectural de Guingamp et de sa région son lot d′édifices à forte valeur symbolique et patrimoniale. Comme dans de nombreux points de la Bretagne, tout particulièrement de la Bretagne nord, le secteur est marqué par une forte densité de châteaux et de manoirs. A nouveau, le secteur géographique concerné recèle de nombreux trésors d′architecture, comme le logis abbatial de Sainte-Croix à Guingamp, le château de Kernabat à Plouisy, le château de la Roche-Jagu à Ploëzal, le manoir de Toul-an-Gollet à Plésidy ou le manoir de Kermathaman à Pédernec 7. Il compte aussi de nombreuses maisons dites « de notable », lesquelles mettent en scène le rôle primordial de l′architecture dans l′expression et la manifestation d′une forme de pouvoir local qui s′est épanouie au cours du XIXème siècle. C′est d′ailleurs en toute logique que la thématique peut embrasser celle de la production régionaliste des années Vingt et des années Trente, inspirée en partie de l′architecture manoriale bretonne. L′imposant corps de logis édifié en 1935 au bourg de Belle-Isle-en-Terre par l′architecte malouin Yves Hémar 8 à la demande de Lady Mond est, en ce sens, significatif.


Ploëzal, le manoir de la Roche-Jagu. Elévation antérieure sur cour (2008) Belle-Isle-en-Terre, le château de Lady Mond. Vue générale (2009)


          Mais, à regarder d′un peu plus près, ce constat ne se limite pas au seul secteur géographique de Guingamp et sa région. De même, à privilégier une approche esthétisante du patrimoine, à se réfugier dans l′unicité et l′exception, comme à ne mettre en exergue que les oeuvres jouissant de l′extrême-onction des Monuments historiques, on omettrait de pointer du doigt des productions architecturales qui, à priori, ne relèveraient pas de la sphère patrimoniale, tels un pont de chemin de fer, fut-il en béton armé, un groupe scolaire, une borne Michelin, une centrale hydroélectrique, une ancienne papeterie ou un lotissement de logements d′ouvriers.

          Le patrimoine est plus que jamais une affaire de regard !

http://patrimoinedargoat.free.fr/paysguingampais/html/introduction.html

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