Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Bible, les récits fondateurs : Le jardin ou pourquoi quitter le paradis
bible en images
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Texte Frédéric Boyer Dessins Serge Bloch, le 22/07/2016 à 14h31
1/6 - Dans un ouvrage à paraître le 29 septembre, l’illustrateur Serge Bloch et l’écrivain Frédéric Boyer proposent une mise en images et une réécriture inédites de 35 récits de l’Ancien Testament. En avant-première pour « La Croix », Frédéric Boyer décrypte une illustration d’un épisode.
Serge Bloch
D’après le Livre de la Genèse, chapitre 3
Cette image surprenante, de l’effroi du premier couple dans un jardin soudain envahi de ronces, ne correspond pas exactement à un verset précis du récit biblique. Elle vient nous rappeler qu’au commencement il y avait un jardin. Celui qu’installe avec amour le Créateur en lieu et place d’une terre vide (« toujours rien sur la terre, pas la moindre pousse, ni buisson ni herbes sauvages » Gn 2, 5) avant d’instituer l’humanité comme gardienne de cette terre plantée et arrosée.
L’illustration de l’artiste interprète le bouleversement qui suit alors la transgression d’Adam et Ève et les énigmatiques paroles de Dieu. Le jardin de la Création lui-même se transforme. « La terre produira pour toi épines et chardons » (Gn 3, 18). Or, le mot hébreu qowts pour épine, dont la racine signifie aversion, dégoût, fait écho aux grands textes prophétiques qui dénoncent les péchés d’Israël : « On détruira ces hauts-lieux du mal / manquements d’Israël / Les ronces et les épines envahissent Israël » (Os 10, 8). Le peuple qui a mal agi ne sera plus que des « épines cassées » (Is 33, 12).
Notre éperdu désir de connaissances dépend de l’image que nous nous faisons de notre terre
Saint Augustin expliquera que la terre, avant la faute, donnait déjà des épines mais comme nourriture de certains animaux et non comme menace. Ce n’est donc pas le jardin lui-même qui a changé mais notre propre vision de cet endroit. Nos yeux se sont ouverts. Soudain, on voit la terre autrement. Hostile, inconnue, contraire. Comme nous étions nus, c’est-à-dire fragiles, et nous ne le savions pas, nous vivons dans un jardin sans le voir forcément. Il dépend de nous que la terre soit vue et aimée comme jardin (le mot hébreu gan, jardin, revient plus d’une dizaine de fois dans le récit de la Création).
On peut ainsi comprendre aujourd’hui que de nos actes, de notre éperdu désir de connaissances, dépend en effet l’image que nous nous faisons de notre terre, du jardin qui nous a été offert et dans lequel nous devons apprendre à vivre les uns avec les autres. D’où, dans la Bible, l’importance du jardin comme figure même de l’amour : « Tu es un jardin, ma sœur, ma fiancée » (Ct 4, 12).