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Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, J'ai lu

Dans ma lecture de "Plein emploi":Henri Thomas

Henri Thomas

 

 

Henri Thomas

 

On ne tombe pas dans la solitude, parfois on y monte.

 

Sans la tendre obstination de Jean-Claude, Pirotte et d'Yves Charnet, George Perros et d'autres passants considérables, les écrits d'Henri Thomas seraient restés dans les toiles d'araignée d'obscures bibliothèques.

 

On se passait du Henri Thomas en cachette, comme une bonne bouteille arrachée à la cave du temps, comme des mots de passe à nous seuls dédiés. Qui se souvient qu'il eut le prix Fémina en 1961 pour Le Promontoire ?

Je ne connais pas beaucoup de livres de Pirotte où n'apparaisse une citation de Thomas. Henri Thomas avait percé le secret de l'écriture et plus encore l'écriture du secret.

Dans la fumée des cabanes, j'ai vu les murs qui m'ont emmuré.

 

« Belle présence baudelairienne ; blotti en lui-même comme un chat », disait Perros.

Perros a raison, il y a du chat en Thomas, en boule, semblant indifférent au monde, en retrait dans son seau à charbon, il observe. Il attend pour griffer le réel. Thomas lit aussi ses amis Baudelaire, surtout le Corbière des "Amours jaunes", Laforgue, Léon-Paul Fargue, Rimbaud.

 

Il n'avait plus d'âge, patriarche malicieux, il regardait le fil du temps comme un fil de pelote de laine, les yeux mi-clos, les mots ouverts, il s'en amusait.

Pourquoi ce culte non pas satanique, mais angélique qui lui est rendu par quelques-uns ?

Seize romans tous en clair-obscur, en allusions, en frôlements d'ailes, ont établi sa religion.

Une seule phrase devrait suffire à amener de nouveaux dévots :

 

Une rue tourne et passe dans la vitre comme une journée entière, avec sa fatigue.

 

 

 

 

La vie de tous les jours, la poésie des transparences

 

L'art de Thomas est ici tout entier, une phrase coutumière, des mots ordinaires, de cet ordinaire qui fait nos vies. Et puis hop, tout bascule par l'alchimie de l'étrange, par cette petite incantation à l'extraordinaire.

Et la rue a mal au dos, elle titube, elle tourne comme le lait.

 

L'œuvre d’Henri Thomas dépasse les 50 livres (nouvelles, romans, poèmes, carnets) et il est aussi un grand traducteur de Pouchkine, Shakespeare, Melville, Stifter, Goethe…, et pourtant il reste dans la pénombre de l'actualité. La connaissance du roman d'Ernst Jünger « Sur les falaises de marbre », nous sommes nombreux à la lui devoir pourtant.

Frôlements, non-dits, il y a un mélange de fatalité et de sérénité assez rare dans son écriture profondément allusive. Ce qui trouble tout lecteur doit être sa sincérité débordante, désarmante.

« Poèmes, romans, nouvelles, tous les écrits d’Henri Thomas abordent une zone limite, aux frontières du souvenir, dans l'écho du temps et les flottements de l'âme. »

Simple, simple est sa langue. Classique, classique, même d'un autre temps sont ses poèmes.

La neige le regarde, il regarde la neige. Les vieux pavés de ses vieux mots font un chemin creux, là sont les Vosges, là sont les noisetiers, au loin les maisons groupées qui fument encore de l'amitié des hommes.

Transparente est la poésie de Thomas, si transparente que l'on y voit passer des truites.

Solitaire sans doute, mais solaire, il arpente encore nos jours sa canne à la main, fauchant d'un seul coup les mauvaises herbes, contournant amoureusement les lucioles et le long convoi de deux escargots sur la route de Saint-Jean de Compostelle.

 

 

Ses poèmes sont immobiles comme des chiens qui ont trop couru et se mettent à l'ombre des mots frais de l'ami Thomas.

Henri Thomas

« Il n'y a pas de doute : rien n'a été ennuyeux comme une feuille morte qui courait devant nos pas, s'arrêtait avec nous, reprenait sa course, nous effrayait comme un animal, dans le petit chemin de la Messuguière - mais tout ce qui est séparé de nous par la vitre invisible, toujours pareille, toujours accrue du temps est plongé dans la même magie, doué de la même perfection. Corps des filles disparues, vous me soulevez encore en esprit, parfaites. » (La joie de cette vie)

 

Il y règne un grand midi, il y coule des rêves de sources. Il pleut sur les framboises.

Elles rougissent cependant car Henri Thomas enlace souvent l'érotisme.

 

« Il est évident que là comme ailleurs l'enfant est le père de l'homme, mais quelle étrange paternité ! Un petit démon craintif, ayant lui-même pour principe une sorte de bébé de feu, entièrement pétri de désirs sans nom, qui lui font un corps invisible toujours éveillé, nuit et jour. Bébé de feu, homme vieillissant, corps trop présent qui s'alourdit, c'est bien le même être sans doute...»

 

« Henri Thomas, poète de la rêverie » disait Jacques Borel. D'une bien étrange rêverie. Dans ces rêves-là marche surtout le fait d'être seul et dépossédé.

La perte est le thème dominant de son œuvre.

Parfois quelque rage rentrée, mais si forte qu'il s'en mord les poings, et nous avec. Il résiste de l'intérieur.

« Pour moi, c'est toujours l'esprit qui résiste ; tout le reste est pesanteur »

 

 

 

Un détour par la vie

 

On ne se souvient de Thomas que de son image à la fin de sa vie, beu vieillard. Mais il fut aussi un jeune homme qui s'en allait «  d'un pas léger vers sa noire destinée. ». Il était né à Anglemont dans les Vosges, en 1912. Fils de paysan, il connaît le poids de la terre et l'ivresse des moissons. Après des études littéraires il écrit très tôt en 1940, « Le seau à charbon ». Il devient traducteur à la BBC à Londres, de 1946 à 1958.

 

Un autre grand séjour à Boston, de 1958 à 1960, l'éloigne encore plus de la mémoire des cercles littéraires. Homme de paradoxe, quand il revient enfin en France, il consacre ses forces comme lecteur de manuscrits chez Gallimard, mais de langue allemande !

Il vivra sur une île, l'île de Houat, puis à Quiberon, face à Belle-Ile-en mer de 1970 à 1985.

Il vénérait la mer.

Le bateau traîne un gros soleil rouge au bout d'un long sillage, au ras de l'eau. Le soleil monte, brise l'amarre. On est dans l'éternité avant tout.

 

Quand il est célébré par un président, ce n'est que comme traducteur de Jünger. Il se moque de tous ces apparats, de ces futiles reconnaissances qui se pressent autour de lui.

Il meurt à Paris le 3 novembre 1993, sans un bruit, sans une rumeur.

 

Henri Thomas est un secret bien clos des lettres françaises, mais comme il tutoyait la solitude, c'est un moindre mal. Gide, Artaud, Adamov l'aimaient. Alors le reste semblait superfétatoire.

Son cap était rivé vers le Nord magique et magnétique de la vérité. Il la chassait, la débusquait, lui faisait rendre gorge.

Chercheur de vérité était sa véritable profession. Ce vieux matou ronronnait sur ses souvenirs, se calait près du feu, et laissait sa profonde mélancolie réchauffait pareillement leurs vieux os à tous deux à lui et à sa mélancolie.

Henri Thomas n'est en rien un novateur en poésie, il semble continuer à fredonner un très vieux chant. Parfois il se laisse caresser par les rimes, et toujours la musique court comme ruisseau au milieu de l'herbe dans ses textes. Sa prose va plus loin, par ses mystères, son fantastique, ce mélange détonnant entre la familiarité des mots familiers et une étrange inquiétude.

 

Il est un veilleur, une sentinelle qui surveille les plaines du monde à venir. La moindre rencontre, le plus petit objet et Thomas, supérieurement imprévisible, s'en va en dérives de mots.

Sans en avoir l'air, doucement, tout en allusions, Thomas creuse des sillons sous nos jours.

La violence de la solitude peut rider cette eau étale.

 

« Je pensais ce matin, par une espèce d'obsession, à la parole de quel livre de la Bible ? « Et je vis de nouveaux cieux et une nouvelle terre ». Il y a des moments où je me dis que la vraie tâche de l'artiste est bien de créer ou de laisser entrevoir ses nouveaux cieux et sa nouvelle terre. Ils transparaissent dans la réalité — c'est avec un coup au cœur que je les vois briller çà et là ! Je me dis aussi que la civilisation, c'est l'état où il est laissé à chacun la possibilité, avec la difficulté, de s'acheminer vers ces choses. Je vous tends là un fil de l'écheveau qui se rembrouille chaque jour dans mon esprit, dont je ne viendrai jamais à bout — mais sans lequel je ne serais rien. »

 

Il est là presque surnuméraire en notre temps, « semblable à l'arbre perdu d'un paradis ignoré ».

 

Yves Charnet parle de « Thomas le dépossédé », le dépossédé de son enfance, de son père mort à la guerre, le dépossédé du monde entier qui lui sera toujours étranger. »  

 

Indépendant comme un chat jaloux, libre avant tout et par-dessus tout, Henri Thomas aura eu l'immense tort d'être tout à fait inclassable, d'un autre paysage, d'une autre planète. En fait sa seule patrie aura été sa langue, lui qui comme son ami Robin en parlait tant. Nul tragique ne sourd de ses écrits, il a une folle espérance en lui, malgré tout, contre tout :

« J’ai horreur des gens qui sèment le désespoir, je trouve qu’ils feraient mieux de la fermer ! »

 

Profondément humaniste, il semble appartenir à un âge d'or perdu de la culture française, un roc émergé de ceux qui faisaient confiance en l'homme. En son amour, en sa fraternité.

Henri Thomas reste une vigie, un donneur de leçon de vie. Merveilleux conteur, ses paroles nous sont perdues, leur magie peut se deviner dans ses écrits qui gardent l'éclat de sa voix. Ce promeneur solitaire, toujours en fuite, refusant les poids de la société.

S'abandonner, se défaire, se remettre à demain, et pas pour se reposer, mais pour la pire fatigue - voilà notre vie, mes frères, qui nous faisons si bonne mine les uns aux autres. La tête, les doigts, les yeux sont hantés.

 

Il aura été comme sa vie, comme son écriture transparente :

« Je ne voudrais pas être vu, après ma mort, autrement que comme j'ai vécu »

 

Discret, très discret Thomas, si essentiel. Il semble déambuler dans le clair-obscur.

Il reste dans l'ombre et la modestie :

« Je ne sais rien ; je dispose seulement de mots, et encore pas de tous, pas souvent au bon moment. J'ai trouvé le moyen d'écrire (roman) avec la lenteur, la régularité, la légèreté, la spontanéité stendhalienne. Aucun critique ne fera le rapprochement. »  (La joie de cette vie).

 

Sa véritable patrie aura été l'écriture, celle où les enfants perdus se rejoignent.

« Henri Thomas est dangereux, il cherche la vérité. Il est sur la piste. Il est presque seul, mais ça lui est presque égal. » (Jean Grosjean).

Grosjean a raison, Thomas est dangereux comme les fous, les enfants, les innocents, les poètes.

La poésie est sève pure,

le poème, déchirure

Henri Thomas a le goût du temps et de ses méandres, il marche lentement dans son écriture.

Il marche toujours quelque part dans l'étage supérieur de notre tête.

 

 

 

Gil Pressnitzer

 


 

 

 

 

Choix de textes

 

Un roman ça commence par le bruit d'une porte qui s'ouvre ou qui se ferme. Il ne doit pas y avoir d'exposition. C'est pour Balzac les expositions. Je débute par le geste d'un personnage, un geste qui me surprend. L'important, surtout c'est la scène capitale, le centre invisible qui attire l'esprit quand il s'éloigne. Même dans ce qui n'est pas un roman comme la Joie de cette vie. Le centre, c'est l'hôtel abandonné. Je vivais dans un hôtel qui allait fermer. J'étais le dernier client. L'automne finissait, il y avait une tempête et j'étais seul. Je me disais que je trouverais là des idées qui seraient mon secret. Mais je ne les ai pas trouvées./ Ça donnera peut-être un roman ?/ Non, ce n'est guère possible. C'était une idée trop bizarre sur l'instant. Le monde se réduit pour nous à un instant, à ce que nous en percevons. Le mot allemand Augenblick me paraît plus expressif : le temps d'un coup d'œil. » Puis ceci, plus loin : « Baudelaire pense que la fin du monde a eu lieu mais que nous ne nous en sommes pas aperçus. C'est peut-être vrai. Qu'est-ce que c'est, exister ? Nous sommes des ombres et parfois des ombres chinoises. »

Interview d'Henri Thomas

 

Avant le petit pont, le sentier descend pour passer de l'autre côté du vallon ; je me suis mis à courir dans la descente ; il était plus facile de se laisser aller que de se retenir sur le verglas. J'avais compté sur de pareilles promenades pour me ressaisir, pour retourner à loisir dans ma tête le sort de mon personnage. Mais voici que tout me déconcerte ; je n'ai pourtant jamais espéré que la neige me sauverait comme un tapis magique. Je vais attraper froid si je m'arrête. Il ne faut pas que je doute de moi, sinon ce sera tout de suite le désespoir complet. Ma mère croit que je ne comprends pas la gravité de la situation, quand j'en suis terrassé ! L'année décisive ! mais chaque minute est décisive, chaque instant que je passe à courir dans ce sentier à respirer le brouillard !...»

L'étudiant au village

 

Ce que je vois

 

Le lilas fleurit sous la lune

Et ce que je vois je le dis :

La fille nue à gorge brune

Dans le lilas m'ouvre son lit

 

Le lit du torrent m'est ouvert

Et la fille aux genoux polis

Chaque nuit roule vers la mer,

Une vague étouffe ses cris.

 

C'est là le drame de mes jours,

La nuit revient sans le résoudre,

À la renverse fuit l'amour

Jusqu'à la mer pour se dissoudre

 

Si je l'attrape je m'éveille,

Si je m'éveille elle est perdue

Ainsi de suite. Est-ce merveille

Si j'ai l'air de tomber des nues ?

 

Nul désordre

Poésies (éditions Gallimard)

 

La nuit venue

 

La corde vibre avant la fin du jour,

Une poussière environne les pierres,

La corde tremble et la poussière avance

Entre les os dans des espaces vides,

Ainsi l'eau noire envahit les carrières,

Je ne suis plus avec l'herbe et le vent,

J'ai dévié de la courbe infinie

Qui joint les nuits, les jours et les saisons,

Reste ce fil qui vibre sourdement,

Cette poussière émanant des maisons,

Un homme assis sous l'horloge des gares

La voit flotter entre le monde et lui,

La corde vibre au passage des bruits

Comme un insecte abrité dans la cendre,

Dernière voix qui parle sans espoir

Quand s'est vidé l'échafaudage noir,

Guitare d'os sous la main d'un fantôme

Qui se confond à la poussière obscure,

Au lieu du corps vient un fuseau d'étoiles,

Il reconstruit une autre créature.

 

Nul désordre

Poésies (éditions Gallimard)

 

Les bords du fleuve

 

Il y a au bord du fleuve

Une fille à robe rouge

Attendant la nuit pour vivre,

 

Tellement sauvage et belle

Qu'un soleil éblouissant

Marche au milieu de ses rêves,

 

Il n'a de ciel que ses yeux

Derrière une ombre d'orage

Couvrant l'azur interdit.

Une fille au bord du fleuve

En chemin vers une image

Que le jour ne peut montrer.

 

Les lampes, l'une après l'autre,

Les lampes prennent sa robe

Et la déchirent sur l'eau,

 

Mais jamais jusqu'à la chair,

Mais jamais jusqu'au soleil

Barré de chaudes ténèbres.

 

Partout montent, se confondent,

Des arches de nuit profonde,

Elle est nue, elle est cachée.

 

Poésie-Gallimard

 

 

 

Je cherche et j'ai trouvé des poèmes au bord de la mer, comme on cherche des fragments de bois ou de

pierre étonnamment travaillés et polis par les flots.

 

Ces poèmes résultent eux aussi du long travail, du long séjour de quelque chose dont l'origine, la nature première m'échappent (comme je ne saurais dire d'où viennent ce galet, ce poisson de bois lourd), dans un milieu laborieux qui est moi-même - conscience ou inconscient continuellement en mouvement.

 

Les plus gros blocs d'expérience doivent à la longue s'y réduire en formes nécessaires et singulières, complices des yeux (du lecteur).

 

Il m'est arrivé de retrouver la poésie, après des mois de silence.

 

Mais, écrivant de nouveau des poèmes, avec quoi étais-je de nouveau en contact et communication, en dehors d'un certain langage imagé et rythmique ?

Le rythme ainsi que l'apparition des images sont liés à un certain état du corps (alors que le raisonnement en est relativement indépendant). Chez moi cet état est certainement celui de la santé, - celui où le corps tend à ne plus m'être présent que comme l'œil est présent

 

entre ce que je vois et... moi-même. On dirait que le corps cesse d'être, au profit de tout ce qu'il révèle.

Il est l'unique révélateur, et à ces moments, uniquement révélateur, ne revendiquant pas d'autre rôle.

 

**

Marchant sur la route, je me faisais une canne d'une branche ou d'un grand roseau-bambou.

 

Je frappais le sol sec, suivant un rythme qui surgissait spontanément et s'imposait le même durant toute une promenade.

Le lendemain surgissait un autre rythme, également spontané et unique, et j'aurais cherché en vain à retrouver celui de la veille.

 

Et ainsi de suite.

Il est évident que chacun de ces rythmes était lié à l'état de mon corps à ce moment - à la rapidité, l'amplitude plus ou moins grande du pas, dictée par la force momentanée.

 

 

Ces rythmes apparaissaient exactement comme celui du poème qu'il m'arrivait. d'écrire au cours même de cette marche.

Son mètre, sa cadence, étaient tout aussi spontanés, et tout aussi impossibles à retrouver le lendemain.

 

Le langage intervenant (comme la musique, j'imagine, aurait pu intervenir chez un compositeur),

il me restait un poème, moulage de l'instant.

 

Poésie-Gallimard

 

La fumée descend dans la rue

 

La fumée descend dans la rue

Sur la chanteuse infirme

Et l'accordéoniste,

La ville aux naseaux qui fument,

Aux yeux de vitrage et d'ombre,

La ville avec sa crinière de pluie,

La ville incompréhensible,

Est comme une femme assise

Dans une chambre au plafond bas.

Cependant je me mêle aux jeux froids de la nuit,

Pâles foulards noués et défaits sur les parcs,

Vacillement de l'ombre au sommet des toits gris,

Corde rompue, il m'est resté le poids de l'arc.

Les barrières debout dans la neige salie,

Les longues grilles dans la brume de minuit,

Semblent me ramener, au fond des avenues,

Vers une nuit totale et vraiment inconnue,

- Non, c'est la chambre où l'air est comme lézardé

D'anciens malheurs qui se pressent vers la clarté.

 

La patience éclaire ma chambre,

Hier la brume, demain la neige,

En attendant le dur soleil,

Le pain tendu sur une faulx,

Sur l'acier bleu resté dehors

Durant les nuits du long hiver

(Nommons cela le pain des forts).

 

J'écouterai le monde obscur,

Appelons cela croire en Dieu,

En Dieu qui marche au fond des murs

Et fait craquer les os de l'arche.

Mais le boiteux des nuits pourries

Tournant l'orgue de Barbarie

Dans la neige sale revient,

Sorti des ombres, comme il crie

Avec sa voix d'hiver ancien,

La dernière offre de la vie!

Vais-je espérer, cette nuit même,

Remonter le filon du temps,

Jusqu'au soleil, jusqu'au baptême.

 

Poésie-Gallimard

 

 


 

 

 

Bibliographie

 

Poésie

 

 

Signe de vie, 1944 Gallimard

Le monde absent, 1947 Gallimard

Nul désordre, 1950 Gallimard

Poésies, 1970, préface de Jacques Brenner.

Recueil : Travaux d'aveugle, Signes de vie, Le Monde absent, Nul désordre, Sous le lien du temps.

Quoi tu penses, 1980 Gallimard1970 Poésie-Gallimard

Joueur surpris, 1982 Gallimard

Trézeaux, 1989 Gallimard

Les maisons brûlées, 1994 Gallimard

 

 

Romans

 

Le seau à charbon, 1940 Gallimard

Le précepteur, 1942 Gallimard

La vie ensemble, 1945 Gallimard

Les déserteurs, 1951 Gallimard

La nuit de Londres, 1956 Gallimard

La dernière année, 1960 Gallimard

John Perkins suivi d'Un scrupule, 1960 Gallimard

Le promontoire, 1961 Gallimard

Le parjure, 1964 Gallimard

La relique, 1969 Gallimard

Le croc des chiffonniers, 1985 Gallimard

Une saison volée, 1986 Gallimard

Un détour par la vie, 1988 Gallimard

Le gouvernement provisoire, 1989 Gallimard

Le goût de l'éternel, 1990 Gallimard

Ai-je une patrie, 1991 Gallimard

La Joie de cette vie Gallimard

Le Cinéma dans la grange, éditions Le temps qu'il fait, 1991

Le Poison des images, éditions Le temps qu'il fait, 1992

L'Étudiant au village, éditions Le temps qu'il fait 2002
L'Ingrat, éditions Le temps qu'il fait, 2002
Le Plein jour, Le temps qu’il fait, 2002

 

 

 

Essais

La chasse aux trésors, 1961

Tristan le dépossédé. Tristan Corbière, 1972

 

 

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