Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Mon texte inédit sur ce blog:Muguette
Liste des prénoms du mercredi
Le 1 er mai 1963,
Ma Muguette chérie,
Je viens par cette lettre te souhaiter une Bonne fête et célébrer par là-même le bonheur, fêté chaque premier mai et symbolisé par la fleur qui t'a donné ton nom.
Comme tu portes bien ce nom ma chérie car tu m'as apporté plus de bonheur que je n'en ai eu depuis ma naissance.
Tu connais aussi bien que moi le malheur qui a entouré ma naissance: ma pauvre mère, trop jeune, trop fragile pour me porter , qui a tenté de me jeter à l'eau. Mon père, ce héros, est arrivé à temps. Il a peut-être regretté son geste car c'est l'intention de ma mère qui est restée imprimée en mon coeur me rendant inapte à l'amour et à la vie en société.
Je parle d'impression à dessein car mon métier de typographe a tracé en moi les seules lignes fixes de mon existence.
Je te remercie d'aller voir ma mère adoptive autant que tu peux et alors que j'en suis empêché.
Son coeur est assez grand pour avoir aimé un homme-fils père(marqué du sceau de l'infamie d'avoir mis une toute jeune fille enceinte), de m'avoir adopté et élevé mieux que si j'étais son fils naturel. Elle passe par dessus tout ce que les étroits d'esprit(dont certains sont pourtant plus éduqués qu'elle) te rapprochent: ta vie de fille légère qui aime aimer et qui aime pour vivre. Même si tu es bien moins innocente que ma mère adoptive lorsqu'elle nous accueillis dans sa vie, mon père et moi, ce "métier" t'a donné un coeur aussi grand, au point de recueillir un pauvre hère comme moi.
Quelle ironie du soir que je sois puni pour le seul amour que j'ai pu développer dans ma vie et au moment même où tu vas mettre au monde l'enfant de notre amour.
Lorsque j'ai été raflé avec d'autres filles de joie, tes camarades, car on me croyait votre proxénète, je commençait à guérir de la Guerre. Le vacarme des combats algériens commençait à s'assourdir dans ma tête grâce à ton amour. Dans cette cellule humide et noire où mon père n'a pas voulu venir me voir, je réentends les cris des hommes que j'ai tués et les blessures à l'âme qui se cicatrisaient, se rouvrent et apparaissent béantes et rouges dans l'obscurité où j'erre.
Ma Muguette chérie, je te remercie pour les livres de Gérard de Nerval que tu m'as apportés. On dit qu'il n'a pas réussi à éteindre le Soleil noir de la Mélancolie et c'est pour cela qu'il s'est pendu. Je vois pour ma part tant de lueurs dans ces mots que ça ne peut être qu'un accident, le genre d'accident qui arrive à des âmes errantes comme nous qui tentent d'adoucir leurs souffrances.
Ma Muguette chérie, l'imprimeur est venue me dire qu'il avait reçu de nouvelles commandes d'un éditeur qui publie pour la première fois, une auteure prénommée Laura. Il veut me reprendre à ma sortie comme typographe en chef.
Le gardien m'a donné un brin de muguet avec deux clochettes parce qu'il m'aime bien et qu'il trouve ma Muguette jolie comme une fleur; ce brin porte une fleur épanouie comme toi et une autre encore fermée, notre fille à naître.
Ma Muguette, comme je vous aimerais et vous donnerais la confiance en la vie qui nous a manqués et a fait de nous des victimes à perpétuité. J'imprimerai un autre livre pour notre fille.
Bonne fête ma Muguette et mille baisers à vous deux.
El Desdichado
26 novembre 2016
Ces notes(que je n'écris pas et dont je donne toujours la source) sont des aspects de ce(ux)que j'aime qui nourrissent ce que j'écris(dont mes 14 livres en vente par les bannières sur ce blog).