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A Marseille, nous sommes allés voir les immeubles de la reconstruction

Dans le cadre de la reconstruction du Vieux-Port de Marseille, le plan directeur d’André Leconte de 1948 répartit le terrain entre divers intervenants. Fort de son titre d’architecte en chef, Leconte s’attribue la meilleure part située sur le quai orienté plein sud. Le projet, composé de deux gigantesques immeubles de type barre, prévoit d’encadrer l’Hôtel de Ville du XVIIe siècle. Le plus long s’étend sur 350 m sans autre interruption que 3 guichets traversants. Hautes de 35 m, les barres écrasent la Mairie dont le faîtage culmine à 22 m.

Marseille, Pont Transbordeur

 

Le Quai du Port avant sa destruction partielle en 1943

Enjeu principal du Vieux-Port, cette façade sur quai vue comme un décor d’opéra avait fait l’objet de nombreux rêves d’architectes avant même la démolition du quartier en 1943. Face à l’hostilité générale des passéistes comme des modernistes, le maire intervient en septembre 1950, alors que les chantiers ont démarré. Ses vives protestations insistent sur le style proposé, peu compatible avec le caractère historique du site.

Le ministère, alarmé, confie alors le soin d’établir sur-le-champ de nouvelles propositions à André Devin et Fernand Pouillon, architectes d’opération qui ont su se faire apprécier.

L’enjeu est d’importance aux yeux de Pouillon, le Vieux-Port est son combat ; aidé de ses proches collaborateurs, il se surpasse et remporte la victoire, en imposant l’idée de blocs réguliers séparés, construits en pierre blonde du Pont du Gard, posée en gros appareil.

Il crée des avant corps massifs élevés sur de séduisantes arcades en rez-de-chaussée, qui masquent les structures déjà en place.


Les bâtiments

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En 1950

La magistrale séquence urbaine encadrant l’Hôtel de Ville faite d’un alignement de blocs réguliers en pierre massive s’est établie en deux temps. La première tranche de 115 logements à l’ouest commencée en 1951 comprend un bloc mixte incurvé et trois blocs réguliers longs de 50 m.

Les pignons larges de 18,50 m possèdent 4 travées. Les façades ordonnancées présentent une alternance de travées de pierre (4,20 m) et de baies (5,20 m).

L’avantcorps est surmonté d’un attique. Les façades nord sont animées par les panneaux décoratifs en pierre des entrées, les fenêtres à meneaux des cages d’escalier et les claustras en terre cuite des loggias. Située entre la Mairie et une rangée de vieilles maisons, la deuxième tranche de 70 logements, réalisée sans les contraintes des carcasses pré-existantes, se compose d’un seul bloc de 97 m à passage traversant. L’édifice similaire aux précédents, de conception plus pure est sans débord sur le domaine public maritime.

 

De nos jours

Achevé en 1955, large de 14,70 m, il ne comprend que 3 travées en pignon, 10 travées de pierre (4,10 m) alternent avec 9 travées de loggias (6,30 m). Un grenier surmonte l’attique, les cages d’escalier arrière sont fermées par des claustras associées à des pavés de verre.

L’ensemble du quai est monté sur un rez-de chaussée avec entresol, ouvert sur une longue galerie commerciale à arcades, au plafond en caissons de terre cuite, qui se prolonge à l’ouest sur les immeubles à trame carrée d’André Devin.

Les toits en croupe couverts de tuiles rondes s’élèvent à hauteur de la Mairie. Si les murs extérieurs sont en pierre pré-taillée, le béton armé est employé en structure. La noblesse des matériaux, la rigueur de la composition scandée d’axes transversaux, donnent aux bâtiments l’intemporalité nécessaire au site.

Au Vieux-Port, Pouillon réussit la prouesse de construire les immeubles les plus en vue, sur le quai et à la Tourette en position dominante.


Fernand Pouillon,
fernand-pouillon-marseillené le 14 mai 1912 à Cancon (Lot-et-Garonne) et mort au château de Belcastel (Aveyron) le 24 juillet 1986, est un architecte et urbaniste français.

Admirateur d’Auguste Perret, il fut un des grands bâtisseurs des années de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale en France. Il a réalisé de nombreux équipements et bâtiments publics à Marseille, Aix-en-Provence, en région parisienne, en Algérie ainsi qu’en Iran. Ses réalisations se caractérisent par une insertion dans le site, un équilibre des masses né de proportions harmoniques rigoureuses, des matériaux nobles – y compris dans le logement social – et la collaboration d’artistes sculpteurs, céramistes, paysagistes.

Fernand Pouillon passe sa jeunesse à Marseille où il fréquente l’école des beaux-arts. Il monte à Paris, s’inscrit au parti communiste dans la clandestinité (il y restera jusqu’en 1946) construit son premier immeuble à vingt-deux ans en 1934 à Aix-en-Provence, sans être diplômé d’architecture puisque jusqu’au gouvernement de Vichy, le diplôme d’architecte n’est pas obligatoire pour construire.

Pendant cette première expérience, Fernand Pouillon s’investit beaucoup dans les travaux et dans la commercialisation des appartements. Presque chaque année, il renouvellera cette expérience jusqu’en 1938 et c’est seulement pendant les années de temps relativement libres de la guerre qu’il achèvera son diplôme d’architecte en 1942.

Cette pratique du métier à un jeune âge explique largement que Fernand Pouillon se soit senti différent de ses confrères. Aguerri bien plus jeune aux réalités du métier, rôdé aux problèmes du monde de l’entreprise, il sera toujours en décalage (en avance ?) avec ceux de sa profession (lui se définissait comme un homme de métier). Il y sera d’autant plus que, conscient de ses capacités, il va avoir l’ambition d’apporter sa contribution pour résoudre l’immense problème du logement. Très vite sa vie intime deviendra indissociable de son métier.

À la sortie de la guerre, la reconstruction donne beaucoup de travail (il construit des camps de prisonniers et des cités d’urgences) aux architectes mais à Marseille les « opérations » ne sortent pas en raison du coût trop élevé des travaux.

Pour l’ensemble de La Tourette qui jouxte le quartier du Panier à Marseille, F. Pouillon entreprend alors avec les entrepreneurs et les ingénieurs un travail de synthèse entre la conception du projet, son ingénierie (pour cette opération il met au point nombre de procédés économiques dont celui de la pierre banchée) et son coût des travaux. Il obtient des coûts suffisamment bas pour que les travaux puissent démarrer. Ce tour de force permettra à l’ensemble des travaux du Vieux-Port de démarrer enfin en 1949

L’opération de La Tourette donnera à Fernand Pouillon d’autres commandes qui l’une après l’autre le mèneront toujours plus loin ; en Algérie, en Iran. Dans le même temps le ressentiment de ses confrères à son égard ne cessera de grandir jusqu’à devenir « haï par ses confrères », notamment ceux du Conseil national de l’ordre des architectes.

Presque tout les sépare, même les matériaux. Aux qualités du béton, Fernand Pouillon oppose, à un prix très inférieur, les qualités de la pierre, de l’acier, du verre, de la céramique, du bois, de la végétation et même de l’eau qu’il fait couler dans nombre de bassins et de fontaines sculptées par des artistes comme Jean Amado ou Louis Arnaud.

Précurseur du développement durable dans la mesure où il fera toujours appel à l’artisanat local, se servira de matériaux durables (comme les parois des murs de l’hôtel El Mountazah à Seraïdi remplis de terre prise sur le site), aux formes modernes il oppose l’attention à la qualité de vie, à la culture et aux coutumes des habitants, à l’insertion dans le paysage urbain ou naturel, aux justes rapports des proportions et au beau vieillissement de ces constructions.

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Les Arcades

Dans ces années d’après-guerre où l’effort public porte d’abord sur la reconstruction et le développement de l’appareil de production du pays, Fernand Pouillon entreprend un pari ambitieux à Aix-en-Provence : 200 logements à construire en 200 jours pour un budget de 200 millions de francs. Utilisant la pierre et des plans économiques mais de qualité, Pouillon gagne son pari.

En 1953, il renouvelle la performance en réalisant à Alger les ensembles de Diar-es-Saada 800 logements et Diar-el-Mahçoul 1 800 logements réalisés en 365 jours dans un parfait respect du style architectural local et surtout de la notion d’espace urbain. À Alger suivra l’ensemble de Climat de France situé au-dessus de Bab-el-Oued.

Au milieu des années 1950, Fernand Pouillon décide de s’insérer dans le marché parisien. Fort de ses compétences, habitué à s’investir totalement dans l’acte de construire et à réussir, il investit aussi dans les métiers de promoteur et d’entrepreneur (il est actionnaire au moyen de prête-noms d’un ensemble de SCI, sociétés périphériques du CNL, Comptoir national du Logement dont il est l’architecte en chef et dont il confie la présidence à l’ancien préfet de la Seine, Paul Haag).

Or un architecte n’a le droit d’être ni promoteur, ni entrepreneur, ou être lié à une activité commerciale en rapport avec le bâtiment.

À sa décharge, pour la première fois depuis l’aube de l’humanité, il fallait depuis 1940 non seulement un diplôme pour concevoir un projet d’architecture, mais le concepteur ne pouvait plus financer et participer à sa construction (ce n’est de nos jours plus interdit), or il avait commencé sa carrière de bâtisseur avant cette époque.

Fernand Pouillon qui construisait le moins cher possible les meilleures prestations possibles (une façade du Point du Jour à Boulogne-Billancourt était recouverte de feuilles d’or), avait besoin de maîtriser l’ensemble de la chaîne de « production » de ses réalisations. Il réalise ainsi quelques-uns des plus importants grands ensembles en périphérie de Paris, ensembles dans lesquels il démontre que le problème des grands ensembles ne sont pas les tours et les barres puisque ces réalisations sont justement réalisées avec des tours et des barres : Pantin, Montrouge, Meudon-la-Forêt, le Point-du-Jour à Boulogne-Billancourt.

Des malversations financières de ses partenaires indélicats du CNL (notamment des détournements de fonds et des fausses factures en faveur de l’Union pour la nouvelle République) et des difficultés de vente de la résidence Samson-Le Point du Jour aboutit à l’affaire du Point du Jour.

Le 5 mars 1961, Fernand Pouillon et quatre de ses collaborateurs sont arrêtés et écroués, accusés de faux bilan, détournement de fonds et abus de biens sociaux.

Hospitalisé à la suite de problèmes de santé (on le croit tuberculeux alors qu’il s’agit d’une amibiase contractée en Iran), il s’évade de sa clinique en septembre 1962 et reste en cavale pendant plusieurs mois (Suisse, Italie), aidé par le réseau Jeanson grâce à ses sympathies avec le FLN durant la guerre d’Algérie. Réapparu à l’occasion de son procès où il comparait en civière, il est condamné en 1963 à quatre années de prison.

Il est libéré de prison en 1964 pour raisons de santé. Radié à vie par l’ordre des architectes, il ne peut plus construire en France et est donc contraint à l’exil pour continuer sa carrière. Fernand Pouillon rejoint en 1966 l’Algérie où il exerce sa profession jusqu’en 1984. Il y réalise essentiellement des projets hôteliers et touristiques ainsi que des équipements publics et universitaire.

Amnistié en juin 1971 par le président de la République Georges Pompidou, réintégré à l’ordre des architectes français en 1978, Fernand Pouillon regagne la France en 1984. En 1985, le président François Mitterrand l’élève au rang d’officier de la Légion d’honneur.

Il meurt le 24 juillet 1986 dans le château de Belcastel situé en Aveyron.


SOURCES Wikipédia PACA Culture
PHOTOS Archives & Dominique Milherou Tourisme-Milherou.com
 
http://www.tourisme-marseille.com/fiche/immeubles-fernand-pouillon-marseille/

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