Seul dans un monde peuplé de solitudes suis-je condamné au soliloque ? Je veux entrer dans une Parole qui libère, qui soit à la fois présence dans l’absence et force dans la faiblesse. « Dieu était là et je ne le savais pas »*, constate Jacob après son terrible combat avec l’ange. C’est souvent après coup que l’évidence de la présence de Dieu s’impose. Alors, fini de me complaire dans ma solitude. Je peux rejoindre mes frères. Dieu est là, sa Parole devient audible. Il faut relire tous les psaumes, tous les prophètes, au cœur de la Bible ils sont autant de paroles de pauvres qui crient vers Dieu, vers celui qui les rassemble en un seul peuple libre. Ce n’est plus le Dieu que je fabrique à ma mesure pour tromper ma solitude, mais le Dieu de la parole commune, de ce bien commun qui irrigue toute vraie vie. Celle d’une parole partagée, une parole qui fait corps. Je la célèbre au chœur avec mes frères où les voix s’unissent en une seule prière, dans la vie associative où la solidarité fait la force. Je la retrouve dans la vie de tous ceux qui rejoignent des compagnons de route, en quête de la beauté d’un monde voulue par le Créateur, un monde libre à partager, ouvert à tous. Une terre à respecter, à défendre, à soigner ensemble. À habiter par la Parole méditée, le service du prochain, la contemplation du beau et la bonté du geste. « La vie est belle, continuons le combat », ne cessait de répéter un ami prêtre-ouvrier près de mourir. La vie, le merveilleux don de la vie, le merveilleux don de la Parole de vie, si fragile, est aussi un combat à mener ensemble.
* Livre de la Genèse, ch. 28, v. 16
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