Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Un Cœur sous une soutane(pour le jeudi poésie du défi 241 des Croqueurs de mots)
Pour les jeudis en poésie des 19 et 26 novembre :
Dans l’ordre que nous voudrons, nous écrirons ou nous choisirons
des poèmes portant sur les deux thèmes suivants :
Un doux zéphir
Un vent mauvais (comme celui de Verlaine).
- Intimités d'un séminariste. -
O Thimothina Labinette ! Aujourd'hui que j'ai revêtu la robe sacrée, je puis rappeler la passion, maintenant refroidie et dormant sous la soutane, qui l'an passé, fit battre mon cœur de jeune homme sous ma capote de séminariste !...
1er mai 18...
... Voici le printemps. Le plant de vigne de l'abbé*** bourgeonne dans son pot de terre : l'arbre de la cour a de petites pousses tendres comme des gouttes vertes sur ses branches ; l'autre jour, en sortant de l'étude, j'ai vu à la fenêtre du second quelque chose comme le champignon nasal du sup***. Les souliers de J*** sentent un peu ; et j'ai remarqué que les élèves sortent fort souvent pour... dans la cour ; eux qui vivaient à l'étude comme des taupes, rentassés, enfoncés dans leur ventre, tendant leur face rouge vers le poêle, avec une haleine épaisse et chaude comme celle des vaches ! Ils restent fort longtemps à l'air, maintenant, et, quand ils reviennent, ricanent, et referment l'isthme de leur pantalon fort minutieusement, - non, je me trompe, fort lentement, - avec des manières, en semblant se complaire, machinalement, à cette opération qui n'a rien en soi que de très futile...
2 mai.
Le sup*** est descendu hier de sa chambre, et, en fermant les yeux, les mains cachées, craintif et frileux, il a traîné à quatre pas dans la cour ses pantoufles de chanoine !...
Voici mon cœur qui bat la mesure dans ma poitrine, et ma poitrine qui bat contre mon pupitre crasseux ! Oh ! je déteste maintenant le temps où les élèves étaient comme de grosses brebis suant dans leurs habits sales, et dormaient dans l'atmosphère empuantie de l'étude, sous la lumière du gaz, dans la chaleur fade du poêle !... J'étends mes bras ! je soupire, j'étends mes jambes... je sens des choses dans ma tête, oh ! des choses !...
4 mai...
... Tenez, hier, je n'y tenais plus : j'ai étendu, comme l'ange Gabriel, les ailes de mon cœur. Le souffle de l'esprit sacré a parcouru mon être ! J'ai pris ma lyre, et j'ai chanté :
Approchez-vous, |
O ! si vous saviez les effluves mystérieuses qui secouaient mon âme pendant que j'effeuillais cette rose poétique ! je pris ma cithare, et comme le Psalmiste, j'élevai ma voix innocente et pure dans les célestes altitudes !!! O altitudo altitudinum !...
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7 mai...
Hélas ! Ma poésie a replié ses ailes, mais, comme Galilée, je dirai, accablé par l'outrage et le supplice : Et pourtant elle se meut ! - Lisez : elles se meuvent ! - J'avais commis l'imprudence de laisser tomber la précédente confidence... J*** l'a ramassée, J***, le plus féroce des jansénistes, le plus rigoureux des séides du sup***, et l'a portée à son maître, en secret ; mais le monstre, pour me faire sombrer sous l'insulte universelle, avait fait passer ma poésie dans les mains de tous ses amis !
Hier, le sup*** me mande : j'entre dans son appartement, je suis debout devant lui, fort de mon intérieur. Sur son front chauve frissonnait comme un éclair furtif son dernier cheveu roux : ses yeux émergeaient de sa graisse, mais calmes, paisibles ; son nez semblable à une batte était mû par son branle habituel : il chuchotait un oremus : il mouilla l'extrémité de son pouce, tourna quelques feuilles de livre, et sortit un petit papier crasseux, plié...
Grananande Maarieie !...
Mèèèree Chééérieie !
Il ravalait ma poésie ! il crachait sur ma rose ! il faisait le Brid'oison, le Joseph, le bêtiot, pour salir, pour souiller ce chant virginal ; Il bégayait et prolongeait chaque syllabe avec un ricanement de haine concentré : et quand il fut arrivé au cinquième vers,... Vierge enceininte ! il s'arrêta, contourna sa nasale, et ! il éclata ! Vierge enceinte ! Vierge enceinte ! il disait cela avec un ton, en fronçant avec un frisson son abdomen proéminent, avec un ton si affreux, qu'une pudique rougeur couvrit mon front. Je tombai à genoux, les bras vers le plafond, et je m'écriai : O mon père !...
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- Votre lyyyre, ! votre cithâre ! jeune homme ! votre cithâre ! des effluves mystérieuses ! qui vous secouaient l'âme ! J'aurais voulu voir ! Jeune âme, je remarque là dedans, dans cette confession impie, quelque chose de mondain, un abandon dangereux, de l'entraînement, enfin ! -
Il se tut, fit frissonner de haut en bas son abdomen puis, solennel :
- Jeune homme, avez-vous la foi ?...
- Mon père, pourquoi cette parole ? Vos lèvres plaisantent-elles ?... Oui, je crois à tout ce que dit ma mère... la Sainte Église !
- Mais... Vierge enceinte !... C'est la conception ça, jeune homme ; c'est la conception !...
- Mon père ! je crois à la conception !...
- Vous avez raison ! jeune homme ! C'est une chose...
... Il se tut... - Puis : Le jeune J*** m'a fait un rapport où il constate chez vous un écartement des jambes, de jour en jour plus notoire, dans votre tenue à l'étude ; il affirme vous avoir vu vous étendre de tout votre long sous la table, à la façon d'un jeune homme... dégingandé. Ce sont des faits auxquels vous n'avez rien à répondre... Approchez vous, à genoux, tout près de moi ; je veux vous interroger avec douceur ; répondez : vous écartez beaucoup vos jambes, à l'étude ?
Puis il me mettait la main sur l'épaule, autour du cou, et ses yeux devenaient clairs, et il me faisait dire des choses sur cet écartement des jambes... Tenez, j'aime mieux vous dire que ce fut dégoûtant, moi qui sais ce que cela veut dire, ces scènes-là !... Ainsi, on m'avait mouchardé, on avait calomnié mon cœur et ma pudeur, - et je ne pouvais rien dire à cela, les rapports, les lettres anonymes des élèves les uns contre les autres, au sup***, étant autorisées, et commandées, - et je venais dans cette chambre, me f... sous la main de ce gros !... Oh ! le séminaire !...
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10 mai -
Oh ! mes condisciples sont effroyablement méchants et effroyablement lascifs ! À l'étude, ils savent tous, ces profanes, l'histoire de mes vers, et, aussitôt que je tourne la tête, je rencontre la face du poussif D***, qui me chuchote : Et ta cithare, et ta cithare ? et ton journal ? Puis l'idiot L*** reprend : Et ta lyre ? et ta cithare ? Puis trois ou quatre chuchotent en chœur :
Grande Marie...
Mère chérie !
Moi, je suis un grand benêt : - Jésus, je ne me donne pas de coups de pied ! - Mais enfin, je ne moucharde pas, je n'écris pas d'ânonymes, et j'ai pour moi ma sainte poésie et ma pudeur !...
12 mai...
Ne devinez-vous pas pourquoi je meurs d'amour ? |
J'ai fait ces vers là hier, pendant la récréation ; je suis entré dans la chapelle, je me suis enfermé dans un confessionnal, et là, ma jeune poésie a pu palpiter et s'envoler, dans le rêve et le silence, vers les sphères de l'amour. Puis, comme on vient m'enlever mes moindres papiers dans mes poches, la nuit et le jour, j'ai cousu ces vers en bas de mon dernier vêtement, celui qui touche immédiatement à ma peau, et, pendant l'étude, je tire, sous mes habits, ma poésie sur mon cœur, et je la presse longuement en rêvant...
15 mai. -
Les événements se sont bien pressés, depuis ma dernière confidence, et des événements bien solennels, des événements qui doivent influer sur ma vie future et intérieure d'une façon sans doute bien terrible !
Thimothina Labinette, je t'adore !
Thimothina Labinette, je t'adore ! je t'adore ! laisse-moi chanter sur mon luth, comme le divin Psalmiste sur son Psaltérion, comment je t'ai vue, et comment mon cœur a sauté sur le tien pour un éternel amour !
Jeudi, c'était jour de sortie : nous, nous sortons deux heures ; je suis sorti : ma mère, dans sa dernière lettre, m'avait dit : "... tu iras, mon fils, occuper superficiellement ta sortie chez monsieur Césarin Labinette, un habitué à ton feu père, auquel il faut que tu sois présenté un jour ou l'autre avant ton ordination..."
... Je me présentai à monsieur Labinette, qui m'obligea beaucoup en me reléguant, sans mot dire, dans sa cuisine : sa fille, Thimothine, resta seule avec moi, saisit un linge, essuya un gros bol ventru en l'appuyant contre son cœur, et me dit tout à coup, après un long silence : Eh bien, monsieur Léonard ?...
Jusque là, confondu de me voir avec cette jeune créature dans la solitude de cette cuisine, j'avais baissé les yeux et invoqué dans mon cœur le nom sacré de Marie : je relevai le front en rougissant, et, devant la beauté de mon interlocutrice, je ne pus que balbutier un faible : Mademoiselle ?...
Thimothine ! tu étais belle ! Si j'étais peintre, je reproduirais sur la toile tes traits sacrés sous ce titre : La Vierge au bol ! Mais je ne suis que poète, et ma langue ne peut te célébrer qu'incomplètement...
La cuisinière noire, avec ses trous où flamboyaient les braises comme des yeux rouges, laissait échapper, de ses casseroles à minces filets de fumée, une odeur céleste de soupe aux choux et de haricots ; et devant elle, aspirant avec ton doux nez l'odeur de ces légumes, regardant ton gros chat avec tes beaux yeux gris, ô Vierge au bol, tu essuyais ton vase ! les bandeaux plats et clairs de tes cheveux se collaient pudiquement sur ton front jaune comme le soleil ; de tes yeux courait un sillon bleuâtre jusqu'au milieu de ta joue, comme à Santa Teresa ! ton nez, plein de l'odeur des haricots, soulevait ses narines délicates ; un duvet léger, serpentant sur tes lèvres, ne contribuait pas peu à donner une belle énergie à ton visage ; et, à ton menton, brillait un beau signe brun où frissonnaient de beaux poils follets : tes cheveux étaient sagement retenus à ton occiput par des épingles ; mais une courte mèche s'en échappait... je cherchai vainement tes seins ; tu n'en as pas : tu dédaignes ces ornements mondains : ton cœur est tes seins !... Quand tu te retournas pour frapper de ton pied large ton chat doré, je vis tes omoplates saillant et soulevant ta robe, et je fus percé d'amour, devant le tortillement gracieux des deux arcs prononcés de tes reins !...
Dès ce moment, je t'adorai : J'adorais, non pas tes cheveux, non pas tes omoplates, non pas ton tortillement inférieurement postérieur : ce que j'aime en une femme, en une vierge, c'est la modestie sainte, ce qui me fait bondir d'amour, c'est la pudeur et la piété ; c'est ce que j'adorai en toi, jeune bergère !...
Je tâchais de lui faire voir ma passion ; et, du reste, mon cœur, mon cœur me trahissait ! je ne répondais que par des paroles entrecoupées à ses interrogations ; plusieurs fois, je lui dis Madame, au lieu de Mademoiselle, dans mon trouble ! Peu à peu, aux accents magiques de sa voix, je me sentais succomber ; enfin je résolus de m'abandonner, de lâcher tout ; et, à je ne sais plus quelle question qu'elle m'adressa, je me renversai en arrière sur ma chaise, je mis une main sur mon cœur, de l'autre, je saisis dans ma poche un chapelet dont je laissai passer la croix blanche, et, un œil vers Thimothine, l'autre au ciel, je répondis douloureusement et tendrement, comme un cerf à une biche :
- Oh ! oui ! Mademoiselle... Thimothina !!!!
Miserere ! miserere ! - Dans mon œil ouvert délicieusement vers le plafond tombe tout à coup une goutte de saumure, dégouttant d'un jambon planant au-dessus de moi, et, lorsque, tout rouge de honte, réveillé dans ma passion, je baissai mon front, je m'aperçus que je n'avais dans ma main gauche, au lieu d'un chapelet, qu'un biberon brun ; - ma mère me l'avait confié l'an passé pour le donner au petit de la mère chose ! - De l'œil que je tendais au plafond découla la saumure amère : - mais, de l'œil qui te regardait, ô Thimothina, une larme coula, larme d'amour, et larme de douleur !...
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Quelque temps, une heure après, quand Thimothina m'annonça une collation composée de haricots et d'une omelette au lard, tout ému de ses charmes, je répondis à mi-voix : - J'ai le cœur si plein, voyez-vous, que cela me ruine l'estomac ! - Et je me mis à table ; oh ! je le sens encore, son cœur avait répondu au mien dans son appel : pendant la courte collation, elle ne mangea pas : - Ne trouves-tu pas qu'on sent un goût ? répétait-elle ; son père ne comprenait pas ; mais mon cœur le comprit : c'était la Rose de David, la Rose de Jessé, la Rose mystique de l'écriture ; c'était l'Amour !
Elle se leva brusquement, alla dans un coin de la cuisine, et, me montrant la double fleur de ses reins, elle plongea son bras dans un tas informe de bottes, de chaussures diverses, d'où s'élança son gros chat ; et jeta tout cela dans un vieux placard vide ; puis elle retourna à sa place, et interrogea l'atmosphère d'une façon inquiète ; tout à coup, elle fronça le front, et s'écria :
- Cela sent encore !...
- Oui, cela sent, répondit son père assez bêtement : (il ne pouvait comprendre, lui, le profane !)
Je m'aperçus bien que tout cela n'était dans ma chair vierge que les mouvements intérieurs de sa passion ! je l'adorais et je savourais avec amour l'omelette dorée, et mes mains battaient la mesure avec la fourchette, et, sous la table, mes pieds frissonnaient d'aise dans mes chaussures !...
Mais, ce qui me fut un trait de lumière, ce qui me fut comme un gage d'amour éternel, comme un diamant de tendresse de la part de Thimothina, ce fut l'adorable obligeance qu'elle eut, à mon départ, de m'offrir une paire de chaussettes blanches, avec un sourire et ces paroles :
- Voulez-vous cela pour vos pieds, Monsieur Léonard ?
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16 mai -
Thimothina ! je t'adore, toi et ton père, toi et ton chat :
Thimothina :
...Vas devotionis, |
17 mai. -
Que m'importent à présent les bruits du monde et les bruits de l'étude ? Que m'importent ceux que la paresse et la langueur courbent à mes côtés ? Ce matin, tous les fronts, appesantis par le sommeil, étaient collés aux tables ; un ronflement, pareil au cri du clairon du jugement dernier, un ronflement sourd et lent s'élevait de ce vaste Gethsémani. Moi, stoïque, serein, droit, et m'élevant au-dessus de tous ces morts comme un palmier au-dessus des ruines, méprisant les odeurs et les bruits incongrus, je portais ma tête dans ma main, j'écoutais battre mon cœur plein de Thimothina, et mes yeux se plongeaient dans l'azur du ciel, entrevu par la vitre supérieure de la fenêtre !...
- 18 mai :
Merci à l'Esprit Saint qui m'a inspiré ces vers charmants : ces vers, je vais les enchâsser dans mon cœur ; et, quand le ciel me donnera de revoir Thimothina, je les lui donnerai, en échange de ses chaussettes !...
Je l'ai intitulée La Brise :
Dans sa retraite de coton Quand le zéphyr lève son aile O brise quintessenciée ! Jésus ! Joseph ! Jésus ! Marie ! La littérature comme tout(s) ce (ux) que j’aime (2 e partie de ce blog) Et que j'évoque dans ce blog Inspire ce que j’écris (1 ère partie de ce blog) Dont mes 14 livres à acheter et offrir pour NOEL En passant par les bannières sur ce blog |