Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Mort de Tonton David, l’un des pionniers du reggae français
Le chanteur, révélé au grand public par le tube «Chacun sa route» en 1994, est mort ce mardi des suites d’un AVC à l’âge de 53 ans.
« Chacun sa route, chacun son chemin. Chacun son rêve, chacun son destin. » Le refrain de l'indémodable tube du film « Un Indien dans la ville » résonne tristement aujourd'hui. La route de Tonton David s'est achevée brusquement à seulement 53 ans. Un destin brisé, des rêves inachevés. Le tonton du reggae et du raggamuffin français, qu'il a contribué à populariser, est décédé ce mardi des suites d'un accident vasculaire en gare de Metz (Moselle) dimanche. Il était hospitalisé depuis deux jours à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
C'est l'un de ses « neveux » et amis, le chanteur Pierpoljak, qui a annoncé le premier en début d'après-midi la terrible nouvelle sur son compte Instagram : « Je viens d'apprendre que mon ami Tonton David est mort. Tonton. Je suis dévasté. » Princess Erika, Nuttea, Taïro, lui ont emboîté le pas. Mais en l'absence de confirmation, certains ont retiré leurs réactions… Malheureusement, son manager et son fils ont fini par annoncer officiellement son décès ce mardi soir.
Il était grand dans tous les sens du terme, Tonton David, et il restera comme le précurseur du reggae, du ragga et du dancehall à la française, celui qui a, avec Sinsemilia, ouvert la voie à Babylon Circus, Dub Inc., Tryo…
Né à la Réunion, David Grammont, de son vrai nom, fils du musicien créole Ray Grammont, a grandi à Paris puis en région parisienne. Après avoir découvert le raggamuffin lors d'une escale à Londres, il a montré dès la fin des années 1980 avec Nuttea et leur sound system High Fight International qu'on pouvait l'importer et le chanter en français.
Lancé en solo, il a vite fait parler de lui et de son style avec « Peuples du monde » dans la compilation « Rapattitude », en 1990, puis avec son premier album, l'excellent « Blues des racailles ». Le succès est arrivé avec le deuxième, « Allez leur dire », porté par le tube radio « Sûr et certain » et ses paroles elles aussi increvables : « Mais je suis sûr que l'on nous prend pour des cons, mais j'en suis certain. Quelque chose ne tourne pas rond. » Un tube qui lui a permis de participer pour la première et dernière fois aux Enfoirés, en 1993.
Le reggae l'a aidé à trouver son chemin
Mais c'est avec « Chacun sa route », en 1994, le thème du film « Un Indien dans la ville » créé avec Manu Katché et Geoffrey Oryema qu'il a été propulsé parmi les nouvelles stars de la chanson. « On a vendu beaucoup de singles et très peu d'albums parce que c'était une B.O. bidon, nous avait-il avoué cinq ans plus tard. Ce fut une très mauvaise expérience. Ma revanche, c'est que ce soit le seul morceau que j'ai écrit sur ce disque qui fasse un carton. »
En 1999, lors de la sortie de son quatrième album, il avait aussi parlé de son passé « tumultueux » au Parisien. « Je suis d'une génération qui a laissé des plumes. J'avais 14 ans en 1981, quand la drogue dure est arrivée en masse dans les quartiers populaires. Ça paraît dingue mais, à l'époque, l'héroïne était à la mode! On était fan de Spaggiari, de Mesrine. Avec des copains, on est même allés voir porte de Clignancourt, là où il est mort… A l'époque, je rêvais plutôt d'être le mec le plus riche du monde, de faire le braquage du siècle. J'étais perdu. »
Le reggae l'a aidé à trouver son chemin. « Avec son message pacifiste, son authenticité, il m'a permis d'apprendre à m'exprimer avec mes mots. » Il a sorti six albums jusqu'en 2009. Et s'il n'a jamais connu de succès aussi forts, il a toujours sorti de bons disques qui lui ont permis de trouver tournées à ses pieds. « Je n'ai jamais été un mec à la mode, avait-il aussi reconnu. Je suis devenu une sorte d'amuseur bien content de son sort. » Et qui ne mettait plus tous ses œufs dans le même panier.
Il y a une quinzaine d'années, il avait pris la clé des champs pour s'installer en Moselle avec sa femme et ses quatre enfants. « Paris ne me fait plus rêver », clamait-il. Début 2017, le Parisien l'avait retrouvé à Longeville-lès-Saint-Avold, fan de foot et du Sarreguemines FC, club local alors en CFA2, mais aussi propriétaire de deux chevaux, toujours aussi long sur patte, les tresses à peine grisonnantes. Il promettait un retour sur disque « après la présidentielle, car je ferai des trucs assez politiques ». Et avait toujours le rire aux lèvres : « Mon planning est plein : la musique, les chevaux, le PMU, le foot à Sarreguemines et ma femme qui me fait la gueule. Mais elle ne m'empêchera pas d'aller au stade! »
« Les gens l'adorent encore, ses chansons sont des classiques »
L'album n'est pas sorti, mais Tonton David a continué de faire danser. Si l'on en croit un tweet de Dieudonné, il aurait même participé à son bal des quenelles fin juin dernier au domicile du polémiste. Mais c'est à Lacanau (Gironde) qu'il a donné son dernier concert, en août 2020. « Le contexte sanitaire était particulier, compliqué avec la crise du Covid, mais nous avons réussi à maintenir quelques concerts à Lacanau, explique Fred Lachaize, le fondateur et grand patron du festival Reggae Sun Ska. C'était un petit show devant trois cents personnes en plein air en bord de mer. Mais quelle soirée ! »
« Aujourd'hui encore, Tonton David est extrêmement populaire, poursuit Fred Lachaize. C'est une figure emblématique du reggae français. C'était un mec avec qui on était sûr de passer une bonne soirée, avec son franc-parler et sa bonne humeur légendaire. J'avais amené quelques bouteilles de Médoc et on a passé du bon temps. Les gens l'adorent encore, ses chansons sont des classiques que tout le monde connaît. Il est indémodable. Et d'ailleurs, cette date était un tour de chauffe car il comptait remonter sur scène, refaire de la musique. »
En octobre dernier, Tonton David avait d'ailleurs posté une photo en studio, laissant augurer d'un nouvel enregistrement à venir…