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Disparu pendant 200 ans, un tableau de Notre-Dame de Paris retrouvé dans une église de Givors(à une demi heure de chez moi)

Disparu pendant 200 ans, un tableau de Notre-Dame de Paris retrouvé dans une église de GivorsL'Adoration des Mages de Saint Nicolas de Givors a été identifié comme un may de Notre-Dame © Jacques Del Pino - Ville de Givors

Un passionné d'histoire de l'art a récemment retracé le parcours d'une œuvre de l'église Saint-Nicolas de Givors (Rhône). Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que cette immense toile était un May, un tableau peint pour orner les murs de Notre-Dame de Paris au XVIIe siècle !

Les anglophones diraient de cette toile, exposée à l’église Saint Nicolas de Givors, qu’elle était « hidden in plain sight », à la vue de tous et pourtant cachée. Son caractère particulier n’a pourtant pas échappé à Benoît Faure-Jarrousson de la Société d’histoire de Lyon, qui a retracé le parcours de cette immense Adoration des Mages et a découvert qu’il s’agissait d’un May de Notre-Dame de Paris, comme il l’a annoncé le 2 avril dernier. Ces œuvres monumentales, offertes tous les 1er mai par la corporation des orfèvres de Paris à la cathédrale, ont été saisies lors de la Révolution française puis dispersées partout en France lors de la restauration de Notre-Dame par Viollet-le-Duc au XIXe siècle. Ce tableau en particulier était porté disparu depuis 1810.

Une enquête à travers le temps

Il faut toujours lire les petites lettres en bas…du tableau. C’est en tout cas ce qu’a fait Benoît Faure-Jarrousson, qui a remarqué deux inscriptions mystérieuses en bas de cette œuvre de 3 mètres sur 4, lors d’une rénovation de l’église. « A. Lagneau » et « A. Magimel », lit-il. Bizarre, aucun peintre référencé ne correspond à ces initiales. En fouillant dans les Archives nationales, le mystère s’éclaircit : il ne s’agit pas des peintres, mais des commanditaires ! Le passionné d’histoire de l’art retrouve en effet un contrat signé de la main d’Antoine Lagneau et d’Antoine Magimel qui indique leur appartenance à la corporation des orfèvres de Paris. Le texte stipule qu’ils offrent un tableau de Joseph Vivien (1657-1734) à la cathédrale Notre-Dame de Paris, comme le voulait la tradition de leur confrérie à l’époque. Cette Adoration des mages est donc une réalisation de 1697 du portraitiste, qui sort ici des thèmes qu’il traitait habituellement. Outre la redécouverte de l’histoire de ce tableau, celui-ci permettra donc sans doute de documenter davantage l’œuvre de Vivien, très réputé de son temps et célèbre pour son avant-gardisme dans l’utilisation du pastel.

Cet immense tableau, porté disparu depuis 1810, devra subir une restauration © Jacques Del Pino - Ville de Givors

Cet immense tableau, porté disparu depuis 1810, devra subir une restauration © Jacques Del Pino – Ville de Givors

Si l’on ne sait pas exactement quand cette toile est arrivée à Givors, son dernier référencement daté se trouve dans le catalogue d’un marchand d’art parisien en 1810. À partir de cette date, il convient de ne parler qu’au conditionnel. Le journal « Le Figaro » estime, par exemple, que la toile aurait pu appartenir au cardinal Fesch, l’oncle de Napoléon, qui en aurait fait don à l’église de Givors entre les années 1820 et 1890. Les responsables de l’église Saint-Nicolas ont indiqué que le tableau avait souffert de dégradations, notamment liées à des infiltrations. L’œuvre devra donc être restaurée avant d’être à nouveau exposée au sein de l’église, tandis que les recherches sur son histoire se poursuivent. Par ailleurs, bien que le régisseur de Notre-Dame de Paris ait exprimé son souhait de venir voir l’œuvre à Givors, le maire de la ville Mohammed Boudjellaba est formel. « On le gardera chez nous ! », a-t-il déclaré au journal « Le Progrès ».

 

Les Mays de Notre-Dame, chefs-d’œuvre sacrés

Ces œuvres immenses étaient d’une grande importance dans la vie culturelle, religieuse et politique de la France entre 1630 et 1707. Tous les ans, à l’occasion du 1er mai, d’où leur surnom, la confrérie Anne-Saint-Marcel des orfèvres parisiens commande à un jeune peintre prometteur une immense toile représentant un passage des Actes des Apôtres de saint Luc, qu’elle offre ensuite à la cathédrale. Pour cette corporation, il s’agit d’un acte de dévotion à la Vierge Marie, mais pour les artistes qui les réalisent, il s’agit surtout d’une belle occasion pour se faire connaître. L’exposition d’une de ses œuvres dans le centre névralgique de la vie religieuse française est en effet une opportunité à ne pas manquer, ce qui crée une véritable atmosphère de concours autour des commandes de Mays. Ces œuvres monumentales font par ailleurs office de modèles pour la peinture religieuse de l’époque, et finissent par constituer un corpus de 73 tableaux. Pour Delphine Bastet, docteure en histoire de l’art ayant soutenu sa thèse sur le sujet, « ils constituent un décor sacré au service du roi et de la politique religieuse du royaume ». Les commandes de Mays s’interrompent en 1707, au moment de la dissolution de la corporation des orfèvres, par manque de moyens financiers.

Le crucifiement de Saint-André, 1647, Charles Le Brun, fait partie des 73 Mays offerts à Notre-Dame © Wikimedia Commons

Le crucifiement de Saint-André, 1647, Charles Le Brun, fait partie des 73 Mays offerts à Notre-Dame © Wikimedia Commons

Lorsque la Révolution française éclate, les peintures, au même titre que tous les biens de l’Église sont saisis et seuls 51 sont préservés dans un musée, qu’il s’agisse du Louvre ou du musée des Augustins. Un second coup fatal est porté aux Mays par Viollet-le-Duc, lors de la rénovation de Notre-Dame qui commence en 1843. La grande majorité des œuvres restantes est dispersée aux quatre coins de la France, dans des églises et des musées, notamment le Louvre et le musée d’Arras. Cet ensemble d’œuvres, l’un des plus fournis en termes d’art sacré français, suscite de plus en plus d’attention au sein de la communauté des historiens. Un ouvrage de Delphine Bastet sur le sujet paraîtra d’ailleurs sous peu, aux éditions Arthena.

Louis Chéron, Le prophète Agabus prédisant à saint Paul ses souffrances à Jérusalem (détail), 1687

Louis Chéron, Le prophète Agabus prédisant à saint Paul ses souffrances à Jérusalem (détail), 1687

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