Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
LA PRESSE NATIONALE PARLE DE CETTE EXPO QUE j'ai vue en juillet
«Déjà-vu» : retour vers les objets du passé
Si vous faites partie de la génération Z, vous ignorez tout du Minitel. Quoique… A l’instar du tout premier Macintosh des années 90 – carré et blanc – des téléphones gadgets colorés en forme de boucle des seventies, ou même du tout premier grille-pain Seb, cette boîte carrée d’un triste gris, flanquée d’un clavier marron tout aussi morne, est un vestige d’époque qui somnole souvent dans la poussière des greniers. Ou alors au fin fond des placards de cuisines d’un autre temps. Et vous avez sûrement des grands-parents – ou parents tout court d’ailleurs – qui n’ont jamais pu se passer de leur première cocotte Coquelle ou de leur tabouret Tam Tam, entre autres objets de design domestique qui ont, du coup, un air familier.
C’est ce qui frappe quand on arrive dans les grandes salles labyrinthiques du musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Etienne (MAMC) où est présentée, jusqu’au 22 août, une exposition précisément baptisée «Déjà-vu. Le design dans notre quotidien». Tiens, le pouf sur lequel est assise mamie dans sa maison de Seine-et-Marne ! En plein dans les sixties avec le pouf Sacco, pardi ! Et ces chaises à l’assise en forme de coquille ? La Fiberglass Chair, née aux Etats-Unis dans les années 50. Ouah, et cette calculatrice géante… Vue dans un film peut-être ? Cette Programma 101, née en 1965, et considérée comme le tout premier ordinateur utilisé par la Nasa.
Ce ne sont que des objets, mais ils sont au nombre de 300 (sélectionnés par la commissaire de l’expo, Imke Plinta, parmi les 20 000 que compte la collection du MAMC), et si ancrés dans l’inconscient collectif qu’illico, on entame un voyage intérieur spatiotemporel, de la France d’après-guerre à l’Amérique de Mad Men en passant par Retour vers le futur. On replonge aussi dans les années 80, avec pour la bande-son un Disco au sein duquel se font entendre le jazz type Coffee and Cigarettes et le rock façon The Wall de Pink Floyd, pour se remémorer les premiers appareils de communication numériques filaires, comme ce fameux Minitel. Et cela, avant de s’élancer dans les années 90, où les designers se réinventent en regardant un brin en arrière avec des réceptacles aux couleurs aussi pop que dans les années 60. «L’idée de ce parcours était de rendre un bout de l’histoire du design accessible au grand public, tout en expliquant le contexte de création», explique Imke Plinta, également urbaniste et consultante. Revue de détail avec quelques-unes de ces pièces autant «déjà vues» que cultes.
• La chaise Fiberglass de Charles et Ray Eames (1950-1953)
Quand le couple de designers américains Eames, Charles et son épouse Ray, crée cette chaise devenue iconique, il a en tête une assise qui offrira un maximum de modularité. D’où cette coque qu’il confectionne, d’abord en acier, avant de se tourner vers la fibre de verre, matériau plus léger et plus agréable au toucher. «Cette chaise est devenue générique car son ergonomie d’assise est très bien pensée», commente Imke Plinta. Ses atouts : son adaptation à l’anatomie et un concept relevant de la multiplication de divers piètements (l’ensemble de pieds et de traverses de la chaise), dont l’un est inspiré par la Tour Eiffel.
C’est dans le quartier de Venice, à Los Angeles, que le couple fonde Eames Office en 1943. Son leitmotiv : «Produire de la qualité pour le plus grand nombre et au prix le plus bas». Les premières couleurs de la chaise Fiberglass sont le grège, un mélange de gris et de beige, ou des nuances légèrement transparentes. Suivront des couleurs plus vives comme le jaune, le bleu ou le rouge. C’est l’entreprise américaine de meubles Herman Miller qui la mettra en production aux Etats-Unis avant que Vitra, fabricant suisse de mobilier design, n’en reprenne la fabrication et la commercialisation, au prix de 695 euros actuellement, et la propose aussi en polypropylène. Considérées comme vintage et iconiques, les pièces originales peuvent atteindre plus de 1 000 euros l’unité. Si l’on en croit une publicité de Herman Miller datant de 1961, la chaise Eames était alors vendue 35 dollars aux Etats-Unis.
• La cocotte Coquelle de Raymond Loewy (1958)
Le designer industriel et graphiste français Raymond Loewy est considéré comme le pionnier du design industriel. Au MAMC, on retrouve des objets ménagers qu’il a conçus comme la fameuse cocotte Coquelle – dessinée pour la société d’ustensiles de cuisine Le Creuset, et qui connaîtra un franc succès – ou la machine à coudre Elna Lotus (1964), la première aux fonctions tout-en-un à investir l’espace domestique. «A l’époque, ce qui est révolutionnaire chez la cocotte Coquelle imaginée par Loewy, c’est sa forme, éclaire la commissaire de l’exposition. Elle était rectangulaire à l’extérieur pour un rangement plus simple, agrémentée d’un manche sur le couvercle, mais ronde et en fonte émaillée à l’intérieur, pour une meilleure cuisson.» Côté couleurs, Loewy s’attache au jaune, à l’orange ou au turquoise : «Il voulait exprimer solidité et élégance.» C’est en 1958 que la cocotte Coquelle de l’entreprise Le Creuset est présentée pour la première fois, à l’occasion du Salon des arts ménagers de Paris.
• Le pouf Sacco de Piero Gatti, Cesare Paolini et Franco Teodoro (1968)
«Pièce phare du design italien, le pouf Sacco fait partie des objets les plus copiés au monde, relate Imke Plinta. Il entrait dans ce que l’on recherchait à la fin des années 60 : plaisir et détente. D’où son positionnement vers le bas et le fait qu’il épouse complètement les formes du corps. Ce fauteuil est l’expression de la décontraction, et s’inscrit dans ce que l’on peut appeler l’âge d’or du design italien.» Alors que les trois designers italiens à l’origine de cette pièce iconique ont d’abord en tête de la remplir d’eau, ils se tournent finalement vers des billes en polystyrène, recouvertes de toile en polyamide. C’est à Turin que le trio trouve l’éditeur de leur création : Zanotta, entreprise qui produira le mobilier le plus emblématique de la scène italienne au cours des années 60, 70 et 80. «Aujourd’hui, on retrouve beaucoup de fauteuils inspirés par le pouf Sacco comme la chauffeuse Togo de la société française Ligne Roset ou alors, bien plus tard, au début des années 2000, les créations de la marque néerlandaise Fatboy», complète Imke Plinta.
• L’électroménager de SEB (de 1930 à 1977)
L’entreprise Seb, société d’emboutissage de Bourgogne, est créée en 1944. Le design de ses grille-pain, yaourtières, friteuses ou couteaux électriques est l’œuvre d’Yves Savinel et Gilles Rozé. «Seb s’était rendu compte que pour rendre ses produits plus populaires et ergonomiques, elle devait faire appel à des designers, en plus des ingénieurs. C’est là que Savinel et Rozé entrent en jeu», raconte Imke Plinta.
Au même titre que Moulinex, créée en 1937 et qui entend «libérer les femmes» de la cuisine, Seb imagine toutes sortes de gadgets allant du batteur pour mayonnaise au grill-minute avec plaque interchangeable. Mais son électroménager se répand très vite et fait les beaux jours de salons comme celui des Arts ménagers. «Au cours des années 60 et 70, Seb mène des recherches autour de la forme de ses produits et adopte les couleurs dans l’air du temps : le rouge, le jaune et le marron. Ailleurs en Europe, des marques comme Braun ou Krups restent sur des tons plus neutres. Il faut aussi noter que Seb [qui rachètera Moulinex en 2001, ndlr] contribue, à l’époque, à l’essor de la société de consommation avec cette multiplication d’ustensiles électroménagers», explique la commissaire d’exposition.
• L’avènement du portatif à la fin des années 60
Que ce soit le téléviseur Portavia 111 (1966), la radio Solid State (1970) ou même certains tourne-disques, la fin des années 60 marque un engouement pour tout ce qui se porte, en toute légèreté. «On imagine des radios avec lesquelles on se balade, portées comme des sacs à main. On cherche aussi à être plus élégant, plus fin.» Dans nos intérieurs, les objets deviennent plus mobiles, en écho aux élans de liberté qui traversent les sociétés occidentales.
«Par exemple, un gramophone [appareil ancien permettant de jouer mécaniquement un morceau de musique] était déjà mobile dans une certaine mesure, mais c’était un objet lourd et loin d’être discret, alors que cette époque est beaucoup plus tournée vers le minimalisme.» Côté téléviseur et autres objets plus technologiques, à l’instar du Portavia de Roger Tallon, on se veut futuriste : «Le téléviseur devient nomade car les modes de vies sont en train de changer. La population s’attache de plus en plus aux espaces extérieurs. On utilise des matières plus légères, on s’imagine dans l’espace, sur d’autres planètes», pointe Imke Plinta. En 1987, dans un numéro de la revue Transdesign, le téléviseur Portavia est décrit comme suit : «Un dessin ovoïde, son écran teinté se prolongeant sans rupture dans la forme globale, son allure d’objet nomade en phase avec de nouveaux modes de vie, au ras du sol, dans des espaces aérés et modulables.»
• L’ordinateur Macintosh : une évolution de 1984 aux années 2000
En partant du Minitel (1980) et de la calculatrice Programma 101 (1965), Imke Plinta a voulu poursuivre l’histoire du développement technologique en intégrant les premiers ordinateurs signés Macintosh. «Ces appareils, dont la manipulation était plus simple et popularisés par la personnalité de Steve Jobs, m’ont permis d’évoquer les innovations technologiques sur lesquelles on ne peut faire l’impasse quand on parle de design, explique la commissaire. Apple faisait partie de ces entreprises en constante innovation, de l’ère Steve Jobs suivie par celle de l’ingénieur Jonathan Ive à partir du milieu des années 90». Les iMac G3 édités en 1998, ces grosses boîtes aux couleurs diverses, ont notamment marqué la conscience collective par leur aspect futuriste.