ÉDITO
Écrire l'histoire
Lundi 10 janvier, lors de la présentation de ses vœux au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, le pape a critiqué la « cancel culture ». On peut traduire cette expression par « culture de l’annulation ou culture de la dénonciation ». Celle-ci se manifeste sous la forme d’appel au boycott ou à l’ostracisation d’une personne qui a tenu des propos ou posé des actes jugés offensants, racistes, sexistes… C’est cette même « cancel culture » qui a conduit à déboulonner, ici ou là, des statues de « grands hommes », à cause de leur part d’ombre.
Cette culture a pris de l’ampleur grâce aux réseaux sociaux. Elle dénonce des injustices sociales et raciales subies par des minorités, pour que les choses changent. Elle veut aussi contribuer à l’écriture d’une histoire qui fait droit à ces mêmes minorités souvent oubliées dans les manuels d’histoire. Tout cela n’est pas une mauvaise chose. Ce n’est donc pas cela que critique le pape.
Ce qu’il dénonce, c’est une manière de vouloir réécrire l’histoire qui ne vient pas compléter ou corriger les récits existants, mais qui cherche à imposer une autre vision des choses. C’est ainsi que la « cancel culture » milite pour évincer de la mémoire collective des personnes qu’elle n’estime pas dignes d’être honorées ou portées dans le souvenir, quitte à ignorer le contexte dans lequel elles ont vécu. On assiste ainsi « à l’élaboration d’une pensée unique contrainte à nier l’histoire », selon le pape. Au lieu de compléter l’écriture de l’histoire, la « cancel culture » l’appauvrit.
L’histoire ne peut s’écrire ni par oukases, ni à coups de force sous l’œil des caméras, sinon on tombe dans l’idéologie qui est une porte ouverte à la violence. La vérité de l’histoire est toujours plurielle, symphonique. L’apport des différentes minorités, avec leurs sensibilités propres, est donc bienvenu. Une diversité que la « cancel culture » a précisément du mal à honorer.
Réagir à cet édito
|