Vais-je rester seul, toujours ? Non. Parce qu’à force de tendre l’oreille, dans le noir, caché derrière la porte où Dieu se tient tapi, j’ai fini par entendre ce que Dieu me disait. Le Père à qui j’ai remis ce qui m’embrouillait la tête, le Père près de qui j’ai préféré me taire a fini par parler. Il m’a dit une Parole, ou bien plutôt, un Verbe. Une voix en moi habitant mon silence. Un murmure, une rumeur qui n’a fait que grandir. La clameur des petits. La plainte des gens pauvres. Les larmes de la veuve, les cris des opprimés. J’ai entendu Jésus se levant en mon sein. J’ai entendu le Christ se réveillant en moi pour briser mon silence.
C’était lui qui pleurait dans les pleurs des enfants, c’était lui qui souffrait dans la rage de ceux que l’injustice écrase. J’ai reconnu, dans le monde souffrant, Jésus crucifié se rappelant à moi. Tout ce vide creusé hier s’est soudain trop rempli. Débordement de rage contre toute injustice, débordement de vie pour contrer toute mort, débordement de joie… parce que je suis libre. Libre de sortir de la pièce reculée où le Père, par son Fils, m’avait, un temps, caché.
Libre : parce que je sais désormais où aller et que faire. Il me faut aimer, les petits en premier. Parce que leur voix est celle de Jésus même. Et je prie aujourd’hui que l’Esprit saint achève la mission qu’en moi, par la voix de Jésus, le Père m’a confiée : « Deviens ce que je suis : ne sois que charité ! »