Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Noémie Lvovsky, tout jeu, tout flamme
PORTRAITLa réalisatrice et actrice de 57 ans trace depuis trois décennies son sillon singulier au cœur du septième art hexagonal. Son mélange de force, de fantaisie et de fragilité explose à l’écran dans « Viens je t’emmène », d’Alain Guiraudie, en salle le 2 mars.
« Comment tu te sens avec les scènes de nu et les scènes de sexe ? » Noémie Lvovsky se souvient très bien de sa première conversation avec le cinéaste Alain Guiraudie. C’était au téléphone, alors qu’elle se trouvait sur une petite route de campagne où l’on captait peu le réseau. Ils discutaient du personnage d’Isadora que le réalisateur lui proposait de jouer dans Viens je t’emmène (sortie le 2 mars), une prostituée libre dans ses désirs et expansive dans son plaisir.
Noémie Lvovsky voulait vraiment tourner avec Alain Guiraudie, dont elle aime le travail radical, longtemps resté confidentiel jusqu’au succès de L’Inconnu du lac (2013), un thriller qui se déroule dans le milieu de la drague gay. Mais elle lui a quand même proposé d’abord de la voir déshabillée, qu’il sache à quel corps il avait affaire puisqu’il voulait le filmer sans rien en dissimuler. Son interlocuteur a décliné : « Si c’est O.K. pour toi, ça me va. »
Elle a un peu insisté, avec ce grand sourire qui plisse ses yeux et tient éloignées ses fragilités. Elle a souligné qu’elle n’obéissait pas aux canons de beauté habituels. Elle a évoqué son âge – 54 ans à l’époque –, un appétit qu’elle ne bridait pas, son désintérêt pour le sport. « Ça me va, lui a répété le cinéaste très à gauche. Je dirais même que c’est un choix presque politique ! » Trois ans après, elle insiste encore sur ce « presque », qui l’a bouleversée.
Liberté et générosité
Car le cinéma français n’est pas très bienveillant à l’égard des comédiennes de plus de 50 ans qui assument d’avoir l’air de comédiennes de plus de 50 ans. Dans cet univers où il est si malvenu de vieillir, Noémie Lvovsky n’a pas renoncé à rester elle-même – une réalisatrice et une actrice de 57 ans. Elle n’avait jamais joué nue. Elle n’avait jamais joué le sexe cru ni même pensé le jouer un jour. Mais, comme toujours lorsqu’elle accepte un rôle pour un cinéaste qu’elle admire, elle a fait confiance.
Elle dit être entrée dans la tête du réalisateur et s’être immiscée dans son cœur. Elle a regardé celle qu’elle devait jouer avec ses yeux à lui. Elle s’est approprié ce regard avant de s’y abandonner. Elle n’a rien négocié, rien exigé, ni « ne montre pas mes seins », ni « ne montre pas mes fesses ». Elle a juste énormément discuté en amont, au point que le metteur en scène s’en était un peu inquiété – « Noémie se prend énormément la tête, c’est dans sa nature. J’ai cherché à l’amener à jouer de façon plus cash, moins psy. »
« Le désir de jouer, que je croyais enfoui, était intact. Porter un masque, un costume, dire les mots d’un autre… La fiction permet d’approcher plus près d’une forme de vérité. » Noémie Lvovsky
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