Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Mort de Claude Bernard, galeriste de Giacometti et Bacon
Le galeriste Claude Bernard est décédé le 16 novembre 2022, à l’âge de 93 ans. ©Stéphane Barsacq
Le marchand d’art moderne et contemporain Claude Bernard est mort aujourd’hui, le 16 novembre 2022, à l’âge de 93 ans. Discret, drôle et très élégant, il a représenté dans sa galerie parisienne les plus grands artistes de la deuxième moitié du XXe siècle (de Giacometti à Bacon) tout en mettant en avant la création contemporaine.
Plusieurs critiques d’art et journalistes, de Philippe Dagen à Roxana Azimi, ont essayé comme moi, mais en vain, de persuader Claude Bernard de nous laisser écrire sa biographie. Il refusait sans cesse, prétextant qu’écrire le récit de sa vie le ferait mourir. Pour ma part et suite à mon insistance, il m’avait fait porter la liste de toutes les expositions qu’il avait organisées à sa galerie du 7-9 de la rue des Beaux-Arts à Paris avec l’aide de sa sœur Nadine Haim, espérant que cela calmerait mes ardeurs. Depuis 1957 s’y étaient tenus en effet les plus beaux rassemblements d’œuvres modernes, où la foule se pressait les soirs de vernissages.
Botero, Dubuffet, Szafran, Giacometti
Côté peinture et dessin, Balthus, Bissier, Peter Blake, Bonnard, Botero, Cremonini, Dubuffet, Estève, Laget, Leroy, Music, Rebeyrolle, Truphémus ou Szafran rejoignaient sur ses cimaises et sur ses stands de foire Antonio Segui (qui a actuellement les honneurs d’un bel accrochage jusqu’au 26 novembre). César, Giacometti, Hiquily, Nevelson, Ipousteguy, Jeanclos, Roel D’Haese, pour la sculpture, cohabitaient avec Denis Monfleur pour la plus jeune génération. À l’occasion de l’exposition « Francis Bacon en toutes lettres » au Centre Pompidou en 2019, il avait enfin accepté de livrer ses souvenirs, depuis son premier achat d’un tableau du peintre anglais à la Hanover Gallery, jusqu’à un dîner réunissant Bacon, Lucian Freud et David Hockney. De celui-ci, d’ailleurs, il avait accepté de prêter son portrait lors de la rétrospective au Centre Pompidou.
Esthète et mélomane
De Venise (qu’il aimait beaucoup) à la Touraine (où il avait organisé dans sa propriété de La Besnardière de nombreux concerts de musique classique en lien avec le festival de la Grange de Meslay dans les années 1980), Claude Bernard l’esthète et le mélomane savait alterner les plaisirs. Il était friand des plaisirs de la vie, familier des grands restaurants et des meilleurs opéras internationaux. Lui-même jouait du clavecin et possédait plusieurs orgues à la campagne. Proche de Jean Guillou, il était fier de montrer à Villedômer celle du XVIIIe siècle qui avait été rapportée d’Espagne.
Il aimait également raconter que Sam Szafran avait décidé de dessiner ses premiers philodendrons après avoir vu ceux qui ornaient son jardin d’hiver. Maniant l’humour et les piques acerbes, Claude Bernard savait captiver son monde, quitte à le faire sursauter devant tant d’arrogance. Il se souvenait des mille détails de soixante-dix ans de carrière et savait les raconter. Avec lui, les plus grands artistes paraissaient proches et l’art à portée de la main.