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Je ferai de ces mots notre trésor unique

Louis Aragon (1897 - 1982) - Le crève-coeur

Les amants séparés

Comme des sourds-muets parlant dans une gare
Leur langage tragique au coeur noir du vacarme
Les amants séparés font des gestes hagards
Dans le silence blanc de l'hiver et des armes
Et quand au baccara des nuits vient se refaire
Le rêve si ses doigts de feu dans les nuages
Se croisent c'est hélas sur des oiseaux de fer
Ce n'est pas l'alouette O Romeos sauvages
Et ni le rossignol dans le ciel fait enfer.

Les arbres, les hommes et les murs
Beiges comme l'air beige et beiges
Comme le souvenir s'émurent
Dans un monde couvert de neige
Quand arriva mais l'amour y
Retrouve pourtant ses arpèges
Une lettre triste à mourir
Une lettre triste à mourir.

L'hiver est pareil à l'absence
L'hiver a des cristaux chanteurs
Ou le vin gèle perd tout sens

Ou la romance a des lenteurs
Et la musique qui m'étreint
Sonne sonne sonne les heures
L'aiguille tourne et le temps grince
L'aiguille tourne et le temps grince

Ma femme d'or mon chrysanthème
Pourquoi ta lettre est elle amère
Pourquoi ta lettre si je t'aime
Comme un naufrage en pleine
Fait-elle a la façon des cris
Mal des cris que les vents calmèrent
Du frémissement de leurs rimes
Du frémissement de leurs crimes

Mon amour il ne reste plus
Que les mots notre rouge a lèvres
Que les mots gelés où s'englue
Le jour qui sans espoir se lève
Reve traine meurt et renait
Aux douves du château de Gesvres
Où le clairon pour moi sonnait
Où le clairon pour toi sonnait

Je ferai de ces mots notre trésor unique
Les bouquets joyeux qu'on dépose aux pieds des saintes
Et je te les tendrai ma tendre ces jacinthes
Ces lilas suburbains le bleu des véroniques
Et le velours amande aux branchages qu'on vend
Dans les fleurs de Mai comme les cloches blanches
Du muguet que nous n'irons pas cueillir avant
Avant Ah tous les mots fleuris la devant flanchent
Les fleurs perdent leurs fleurs au souffle du vent

Et se ferment les yeux pareils à des pervenches
Pourtant je chanterai pour toi tant que résonne
Le sang rouge en mon coeur qui cent fois t'aimera
Ce refrain peut paraître un traderidera
Mais peut-etre qu'un jour les mots que murmura
Ce coeur usé ce coeur banal seront l'aura
D'un monde merveilleux dont toi seule sauras
Que si le soleil brille et l'amour frissonne
C'est que sans croire meme au printemps des l'automne
J'aurai dit traderidera comme personne





Infos du livre audio - extrait de l'Album: De L'Innocence Du Poème à La Chanson , dit par Jean-Louis Barrault



https://www.artpoetique.fr/poemes/les_amants_separes.php

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