Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Grand dossier sur le siècle des Lumières dans Le Nouvel Observateur
La chronique de Jacques Julliard
D'une révolution l'autre
Bien avant que la tête de Capet ne roule au pied de l'échafaud, les Lumières avaient jeté bas les valeurs de l'ordre ancien. Les idées neuves se nommaient : science, raison, liberté de conscience, progrès
L'Ancien Régime intellectuel n'a pas pris fin en 1789 mais en 1715. Dans les trente-cinq années qui précèdent la mort de Louis XVI, remarque Paul Hazard dans un livre classique, on assiste à un basculement sans précédent par sa radicalité et sa rapidité de toutes nos manières de penser. Tout à coup, la hiérarchie, la discipline, l'ordre, l'autorité, les dogmes s'effacent devant des valeurs nouvelles qui se nomment science, raison, liberté de conscience. C'est sans doute dans le domaine religieux que le bouleversement est le plus profond, au moins pour les classes dirigeantes. Le droit divin cède le pas au droit naturel. La grande vaincue, avant la monarchie, c'est l'Eglise catholique. « La majorité des Français pensait comme Bossuet, tout d'un coup, les Français pensent comme Voltaire : c'est une révolution » (1).
Si Voltaire est la figure la plus représentative du siècle des Lumières, c'est pourtant Rousseau qui lui fournit sa forme définitive aux yeux des générations futures. Toutes les grandes passions modernes, toutes nos névroses contemporaines aussi prennent leur source dans son oeuvre : l'adolescence et la pédagogie ; les intellectuels et la sincérité ; la démocratie et l'égalité ; l'individualisme et la recherche du bonheur. Et même l'idée de progrès, ou plutôt celle de perfectibilité qu'il introduit dans le deuxième « Discours ». Mais le xviiie a trop cru à la nature pour avoir compris, à l'exception de Turgot et de Condorcet, le rôle que le progrès allait jouer au siècle suivant. A l'époque, la nature est une idée de gauche et la culture, une idée de droite. Aujourd'hui, en dépit de l'écologie, c'est l'inverse.