Samedi 2 mai 2009
La quatrième personne du singulier
La poésie
Qu’est-ce que c’est, dit Bernard Noël
C’est autre chose, dit Christian Hubin
Qui parle ? dit Nietzsche
et Mallarmé répond c’est le néant du mot qui tremble
Ferlinghetti écrit la poésie c’est la voix de la quatrième personne du singulier. On ne parle plus guère de la Beat Generation dont Lawrence Ferlinghetti fut le chantre et l’éditeur, et qui seul survit. On parle encore de Kerouac mais peu de Ginsberg et pas de Bob Kaufman qui en fut le plus bouleversant matelot. Elle s’est perdue aux bords de ses propres routes mais les semences y voyagent encore, les souches restent, à l’état rélictuel, dans de petites poches de résistance qui sont celles du tiers paysage, d’un tiers quelque chose. Le rap et le slam, avant récupération, en sont des rejets, une misère vagabonde, chantante et révoltée. Voilà pour expliquer le titre de ce salon.
Toute la poésie est aux terrains vagues où ce dont personne ne croit avoir besoin partage avec tout ce qui n’a pas encore parlé, l’espace du poème. Seuls, écrit le célèbre jardinier Gilles Clément, restent ces terrains vagues et le bord négligé des routes et les défaites publiques pour les herbes vagabondes chassées partout de nos paysages et de nos jolis jardins de magazines.* Seuls aujourd’hui, protègent la diversité, les jardins au ban donnés, parmi les pirates et les simples. Pendant qu’on imagine comment se partager entre états les nuages qui passent dans le ciel, au sol on répand le gazon uniforme engloutisseur de sources. Nous tentons comme nous le pouvons de cultiver des lisières où tant de choses sont à nommer, où le vide est peuplé de rivages ignorés, d’espèces non répertoriées, où le participe futur d’aventure triomphe. Où on reste nostalgique du futur. Où on rêve d’astrophysique en épluchant ses radis. La raréfaction, nous y sommes, terre et langue, alors soignons nos terrains vagues et si décharge publique tant mieux. On jette tant de choses plus nécessaires que ce qu’on garde. Déchargeons-nous, déchargeons, ces mots sont excitants, un peu mal famés, avec le Pet d’Apollinaire et ses deux ailes comme dit en souriant Valérie Rouzeau. On prend. C’est gratuit. Ça ne prend rien c’est même donné par prendre. Comme la mayonnaise. Et c’est ce qui échappe à la prise des définitions. On ne va pas pleurer toujours, du moins on ne va pas toujours dire je pleure pour je pleure. On va dire qu’est-ce que c’est ce sel ? Ce doit être bien important pour que les larmes et la mer recueillent l’éternité de soif d’un grain de sel.
Alors cette année, après Porté Disparu et les interrogations sur les difficultés et les vaillances de l’édition indépendante, nous allons jouer, dans ce terrain incertain, aux semences non homologuées par les grands semenciers. Car après tout se dit le poète, le monde, ce qu’on appelle le monde n’est peut-être que la métaphore d’appeler le monde. Pour ça nous faut de la camaraderie de différences, du chacun dans son ton pour petit unisson de trois jours. Car cette année, le salon ouvrira ses portes comme chaque année, pendant 15 jours mais les rencontres d’artistes et d’écritures se concentreront sur un grand week-end afin que les solitudes se joignent mieux et qu’apparaissent mieux au public les herbes et les zozios du jardin où nous convoquons et invoquons monts et vaux avec faune et lune.
Pour que la vie invente.
Dans la danse nous tenterons d’inviter des voix dissemblables pour fertiliser notre lopin de liberté.
Sous réserve
Nicolas Pesques, Emanuelle Pagano, Jacques Demarq, Valérie Rouzeau, Fabienne Raphoz, Jean-Pascal Dubost, Patrick Beurard-Valdoye...
Et si les vents nous sont favorables
L’astrophysicien poète Jean-Pierre Luminet, le jardinier d’étoiles
Et le jardinier d’herbes et de simples, Gilles Clément.
Ainsi que la librairie Bonnes Nouvelles de Grenoble pour que le vif argent de leur utopie contamine nos désarrois.
En quelque sorte : Un territoire mental d’espérance, un jardin.
*
* Quand je m’approche pour chercher la diversité dans ces endroits (les territoires gérés, forestiers ou agricoles) elle n’existe pas. Elle est ailleurs, dans les lieux dont on ne s’occupe pas : les bords de route, les délaissés, les morceaux de friches, les landes et les tourbières, là où il est difficile d’exploiter le terrain avec des machines. C’est cet ensemble que j’appelle tiers paysage, ensemble précieux si l’on songe à ce qu’il représente en tant que patrimoine de diversité génétique.
Je ne sais pas si l’individu est programmé biologiquement ; je ne le pense pas. Je pense que la vie invente, vraiment , et que c’est le sens même de l’évolution.
Gilles Clément, in Toujours la vie invente (édition de l’aube)
télécharger le pdf du programme [PDF 1.2 Mo]
http://galerieespaceliberte.free.fr/salons.html(photo et texte))
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