Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Beethoven n'a pas composé de Lettre à Elise
Mots clés : Lettre à Elise, Beethoven
Alain Duault08/07/2011 | Mise à jour : 14:39
LES PETITES HISTOIRES DE LA GRANDE MUSIQUE - En 1810, le compositeur installé à Vienne écrit, en pensant à une certaine Thérèse Malfatti, une Bagatelle en la mineur. Mais par quel mystère cette brève oeuvre pour piano est-elle devenue, un demi-siècle plus tard, la célèbre Lettre à Elise ?
Enfoncé dans un gros pardessus de drap noir, des bottes crottées et avachies traînant sur le pavé, son chapeau écrasé sur ses cheveux en bataille, il marche lentement, lourdement, dans les rues de Vienne, désertes à cette heure tardive. Il s'arrête par instants, se tient aux murs, semble chercher dans l'obscurité épaisse quelque chose qu'il ne distingue pas. Il a dans la tête comme une masse cotonneuse, pesante. Cet homme qui erre dans la ville silencieuse en cherchant les remparts qu'il ne retrouve pas au milieu de cette nuit, c'est Ludwig van Beethoven. Nous sommes en mai 1810: il a 40 ans. Depuis quelques années, il est enfermé dans ce brouillard intérieur d'une surdité qui empire. Pourtant, il sait comme personne voir dans le ciel rayé de nuages ces figures qui inspirent sa musique. Car ce qu'il n'entend pas, il sait le faire résonner dans les symphonies qu'il compose et qui étonnent déjà ceux qui les découvrent. Cet homme-là a des mondes en lui. Et ces mondes se nouent, se conjuguent, s'embrasent.
Mais alors qu'il vient de composer sa cinquième symphonie, avec ces si fameuses quatre notes qui l'ouvrent (po po po pom) et dont il explique qu'elles représentent les coups du destin («Ainsi frappe le destin à la porte», écrit-il en réponse à son ami Schindler qui l'interrogeait sur leur signification), cet homme que nous suivons cette nuit-là, errant dans les rues de Vienne, est un homme malheureux.