"Voici l'histoire d'un meurtre politique de masse." C'est par
ces mots que Timothy Snyder entame le récit de la catastrophe
au cours de laquelle, entre 1933 et 1945, 14 millions de civils,
principalement des femmes, des enfants et des vieillards, ont
été tués par l'Allemagne nazie et l'Union soviétique
stalinienne. Tous l'ont été dans un même territoire, que l'auteur
appelle les "terres de sang" et qui s'étend de la Pologne
centrale à la Russie occidentale en passant par l'Ukraine, la
Biélorussie et les pays Baltes. Plus de la moitié d'entre eux
sont morts de faim. Deux des plus grands massacres de
l'histoire, les famines préméditées par Staline, principalement
en Ukraine, au début des années 1930, qui ont fait plus de 4
millions de morts, et l'affamement par Hitler de quelque 3
millions et demi de prisonniers de guerre soviétiques, au début
des années 1940, ont été perpétrés ainsi. Tous deux ont
précédé l'Holocauste et, selon Timothy Snyder, aident à le
comprendre. Les victimes des deux régimes ont laissé de
nombreuses traces. Tombées après la guerre de l'autre côté du
rideau de fer, elles sont restées dans l'oubli pendant plus de
soixante ans et ne sont revenues au jour qu'à la faveur de la
chute du communisme. Timothy Snyder en offre pour la
première fois une synthèse si puissante qu'un nouveau chapitre
de l'histoire de l'Europe paraît s'ouvrir avec lui. Ce faisant, il
redonne humanité et dignité à ces millions de morts privés de
sépultures et comme effacés du souvenir des vivants. Par sa
démarche novatrice, centrée sur le territoire, son approche
globale, la masse de langues mobilisées, de sources
dépouillées, l'idée même que les morts ne s'additionnent pas,
Timothy Snyder offre ici un grand livre d'histoire en même
temps qu'une méditation sur l'écriture de l'histoire.