Signature : Manuel Jover - 5 juin 2013
Tout au long du XVIe siècle, les peintres flamands ont assimilé les nouveautés maniéristes venues d’Italie à leurs propres traditions, nous explique Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du Musée départemental de Flandre à Cassel, qui consacre au sujet une ambitieuse exposition.
Habituellement, quand on parle de maniéristes flamands, on pense aux peintres dits « romanistes », à Frans Floris, bref aux principaux représentants de l'italianisme en Flandre. Votre vision semble être beaucoup plus large...
Sandrine Vézilier-Dussart : Oui, jusqu'à présent, on avait surtout eu des expositions consacrées à des cercles ou à des courants ponctuels, comme les « maniéristes anversois », pour reprendre le terme consacré par l'historien d'art Max Friedländer, ou les romanistes. Il m'a semblé plus intéressant et audacieux d'essayer de saisir le maniérisme comme phénomène plus global, traversant la peinture flamande sur presque tout le XVIe siècle.
Quelles sont les caractéristiques de ce maniérisme « à la flamande »?
La Flandre jouissait d'une tradition picturale très forte, celle des Primitifs. Contrairement à ce qui se passe en Italie, où le maniérisme rompt avec les règles de la Renaissance classique, en Flandre il n'y a pas rupture mais continuité entre les Primitifs et les peintres du XVIe siècle. Les rapports avec l'Italie ont une importance certaine, mais il ne s'agit pas d'influence pure et dure. Les Flamands prélèvent dans l'art italien des éléments qu'ils assimilent, qu'ils incorporent à leur propre tradition. Même chez les plus italianisants, comme Jan Gossaert, Jan Van Hemessen, Frans Floris, la veine flamande éclate, par exemple, dans la robustesse et la rondeur des corps, mais aussi par la couleur et par ce mélange si typiquement flamand de réalisme méticuleux et d'irréalité, voire de fantastique. Du reste, les sources ne sont pas seulement italiennes, il y a aussi des interférences avec l'École de Leyde, avec la sphère germanique, ou même avec Fontainebleau. On retrouve en Flandre l'artificialité, les poses antinaturelles, contrariées, les attitudes exagérément contorsionnées, qu'il s'agisse des maniéristes anversois, qui affectionnent l'étirement des cous, l'élongation des silhouettes, les postures précieuses, ou des romanistes, amateurs de fortes corpulences, de puissantes musculatures.
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