Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Une exploration artistique de la biographie
LE MONDE | 13.03.2014 à 09h44 | Roxana Azimi
Le hall du musée de la Reina Sofia, à Madrid. | CC Flickr / micora
Si les grandes institutions européennes se contentent souvent de blockbusters paresseux, un musée fait de la résistance : le Reina Sofia à Madrid. Depuis l'arrivée à sa tête de Manuel Borja-Villel, l'établissement a brillé par ses expositions thématiques savantes et exigeantes. Conçue par l'historien de l'art français Jean-François Chevrier, « Formas biograficas. Construccion y mitologia individual » (Formes biographiques, construction et mythologie individuelle) ne déroge pas à la règle.
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Dense et érudite, mixant habilement littérature et arts visuels, elle explore une forme taboue depuis le structuralisme : la biographie. A ne pas confondre – prévient le commissaire – avec le biographisme, enchaînement bien réglé de faits.
La vie des créateurs réunis ici n'a rien de linéaire. Elle relève de l'autoconstruction, se fonde sur une négation de l'état civil. Aussi le sous-titre de l'exposition est-il capital : « construction et mythologie personnelle, deux paradigmes de l'art moderne ». Un art que Jean-François Chevrier fait démarrer avec Gérard de Nerval, incarnation du délire biographique.
DOULOUREUSES CONCRÉTIONS
De son vrai nom Labrunie, le poète emprunte son patronyme à un terrain que possédait son oncle maternel, et se forge une généalogie délirante. Dans les années 1940, Albert Béguin forge à son sujet l'expression « mythologie personnelle », reprise vingt ans plus tard par le commissaire d'exposition Harald Szeemann pour qualifier le sculpteur Etienne-Martin.
De ricochet en ricochet, la poétique nervalienne est rejouée par le poète Antonin Artaud, avant de trouver un point d'appui chez Franz Kafka et son « plan d'enquêtes autobiographiques ». « C'est là-dessus que je m'édifierai ensuite, comme un homme dont la maison est branlante veut en construire une solide à côté, si possible en se servant des matériaux de l'ancienne », écrit-il.
Cette construction de rechange trouve un écho dans les Demeures d'Etienne-Martin, inspirées de sa maison d'enfance dans la Drôme. Elle résonne naturellement chez Philip Guston. Pour éviter la fragmentation de son être, le peintre américain s'agrippe aux objets de son atelier, tandis qu'Ed Templeton recolle sa vie en de grands assemblages photographiques. Qui dit biographie dit drame, que Louise Bourgeois tente d'exorciser.
VALIE EXPORT IMAGINE LA PENDAISON DE SA MÈRE
Dans un cruel dessin, l'Autrichienne Valie Export imagine la pendaison de sa mère, « le rêve d'une petite fille ». Comme pour se détacher des attaches familiales et sociales, Henrik Olesen représente ses parents comme de ridicules bâtons, juste bons à punir. Si pathos il y a, comme dans les douloureuses concrétions d'Alina Szapocznikow, Jean-François Chevrier évite de le surjouer, préférant à l'emphase une scénographie tout en retenue.