Monet, Pissarro et Gauguin : le musée des Beaux-Arts de Rouen a réuni les plus grands des Impressionnistes pour une exposition qui montre comment cette ville devint un atelier à ciel ouvert pour ces peintres dans leur quête de lumière et de couleurs. Des ruelles, un fleuve, des quais, une cathédrale monumentale mais aussi un milieu d'amateurs d'art : les Impressionnistes ont trouvé à Rouen la matière et les commodités nécessaires à leurs recherches. C'est ici que Claude Monet (1840-1926), le maître de ce courant pictural a peint dans les années 1892 à 1894 une série d'une trentaine de cathédrales considérée aujourd'hui comme "une des grandes ruptures de l'histoire de l'art", selon Laurent Salomé, conservateur du musée. Onze d'entre elles, venues des musées du monde entier, ont été rassemblées pour cette exposition qui compte au total 130 oeuvres. L'une baptisée simplement "La Cathédrale de Rouen, 1894" et appartenant au Narodni musej de Belgrade n'avait plus été exposée en France depuis les années 1930. Avec ses cathédrales aux formes estompées, Monet connaîtra le triomphe en 1895, lors d'une exposition à la galerie Durand-Ruel à Paris, à peine un quart de siècle après la controverse qui avait donné naissance à l'Impressionnisme, sous le feu alors des critiques. Son succès fut un choc pour les autres peintres impressionnistes à commencer par Camille Pissarro (1830-1903), le deuxième grand personnage de l'exposition. "Il a éprouvé le besoin au moins de se positionner sinon de rivaliser", assure Laurent Salomé. De cette émulation naîtra une impressionnante série de ponts de Rouen travaillée à partir d'une chambre d'hôtel sur les quais. "L'anarchiste Pissarro développe une vision humaniste et peint volontiers la rive gauche déjà ouvrière où certains bourgeois de la rive droite n'ont jamais mis les pieds", dit Laurent Salomé. Si Monet et Pissarro ont fait de longs séjours à Rouen ce n'est pas le cas du troisième personnage de l'exposition, Paul Gauguin (1848-1903), qui n'y résida que quelques mois, en 1884. A la différence de ses maîtres, Gauguin ne s'intéresse pas aux grands édifices monumentaux leur préfèrant son univers proche, sa rue, des jardins et les petites routes de campagne. Les toiles colorées fruits de ce passage un peu oublié montrent un peintre qui cherche une voie propre au delà de l'Impressionnisme. "A Rouen il forge son esthétique personnelle qui annonce déjà ses périodes Pont-Aven et Tahiti", assure Laurent Salomé. L'exposition vaut aussi par les oeuvres d'autres peintres moins connus comme Paul Huet ("Vue générale de Rouen", 1831), Charles Lapostolet ("Le port de Rouen", 1881) ou Charles Angrand ("Le pont de pierre", 1881). La plus étonnante est peut-être une gouache datant de 1832 du Britannique William Turner, représentant une cathédrale qui fait irrésistiblement penser à celles de Monet, mais avec 60 ans d'avance. Cette exposition constitue le point d'orgue d'un festival impressionniste qui irriguera toute la Normandie durant l'été à l'initiative de l'agglomération de Rouen présidée par Laurent Fabius (PS). Degas sera à l'honneur au Havre, Millet à Cherbourg, Boudin à Honfleur, tandis que de multiples initiatives verront le jour en marge de la peinture depuis des déjeuners sur l'herbe jusqu'à un savant colloque sur l'impressionnisme et la littérature. (Une ville pour l'Impressionnisme, Monet Pissarro et Gauguin à Rouen, musée des beaux-arts de Rouen, jusqu'au 26 septembre).
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