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Des femmes comme je les aime - Page 16

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    J'ai lu: "La traversée du mal" de Germaine Tillion

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    Germaine Tillion, ethnographe depuis le début des années 30, exerce une science qui, affolée par le terrorisme et la torture, n’est pas, d’évidence, une école d’optimisme. Traquer le secret du fonctionnement et les raisons d’être d’un groupe social ne porte pas nécessairement à l’indulgence.

    Source: Editions Arléa

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Je viens de lire: le Télérama Hors-série consacrée à Marie-Antoinette

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    Une expo, un film, une bio et même un hors-série Télérama… Victime d’un mépris haineux pendant la Révolution, la dernière reine de France nous revient en icône moderne, genre héroïne glamour à la Lady Di. Gardons la tête froide : la vérité est entre les deux.

    Marie-Antoinette, par Mme Vigée-Lebrun en 1783.

    Marie-Antoinette, icône moderne ? Il y a seulement vingt ans, qui aurait imaginé voir ainsi celle qu'avec mépris les pamphlétaires de son temps surnommaient « l'Autrichienne » accéder au rang de star – héroïne glamour pour Sofia Coppola, sujet d'une biographie signée de la Britannique Antonia Fraser (1) ? L'engouement populaire pour le destin tragique de Marie-Antoinette, exécutée en octobre 1793 alors qu'elle n'était plus la reine de France, atteint aujourd'hui des sommets. Reposant, en partie, sur un élan de compassion parfaitement anachronique, qui fait même comparer Marie-Antoinette à Lady Di , l'une et l'autre victimes expiatoires de leur époque, l'une et l'autre femmes « rebelles », modernes, ayant payé au prix fort l'affirmation de leur singularité.

    Cet excès irraisonné d'empathie apparaît comme la réponse outrée à l'aversion démesurée qu'elle provoqua longtemps. C'est que Marie-Antoinette revient de loin. Il n'est besoin, pour s'en convaincre, que de se plonger dans les libelles et pamphlets haineux qu'elle suscita, dès les premières années de son mariage (1770) avec le futur Louis XVI, qui n'était encore que le Dauphin. Chantal Thomas a fait ce travail et a publié, en 1989, l'année du bicentenaire de la Révolution, les fruits de cette immersion dans les archives : ce fut La Reine scélérate (2), belle étude historique qui tient le registre des agressions verbales d'une violence inouïe dont fit l'objet Marie-Antoinette. Injures teintées de xénophobie, de misogynie, de fantasmes sexuels, qui contribuèrent à véhiculer l'image erronée d'une souveraine frivole, dépensière, traîtresse, incestueuse.

    Le propos rigoureux et argumenté de Chantal Thomas n'était certes pas d'idéaliser Marie-Antoinette, mais simplement de rectifier l'image, de lui rendre ses justes couleurs. En se gardant de toute sensiblerie. En évitant aussi le piège de la manipulation historique et idéologique qui consisterait, à travers la réhabilitation de la reine, à mettre en cause l'héritage de l'événement révolutionnaire et les valeurs fondatrices de la République issues de ces années terribles. Entre glorification et diabolisation, l'équilibre réside dans une vérité historique à laquelle ont contribué aussi, au cours des dernières années, les travaux biographiques d'Evelyne Lever (3) et les réflexions de Mona Ozouf sur la Révolution et la fin de la royauté (4). Marie-Antoinette est bel et bien un individu d'Ancien Régime. Une ­figure complexe « attachée à une image ancienne de la royauté que dans le même temps elle bafoue et contribue à discréditer », explique Mona Ozouf dans le hors-série que Télérama consa­cre à Marie-Antoinette. Une personnalité qu'aucun cliché ne saurait résumer.

    Nathalie Crom

    (1) Ed. Flammarion.
    (2) Ed. du Seuil et en poche dans la coll. Points.
    (4) “Varennes, la mort de la royauté”, éd. Gallimard.
    (3) Ed. Fayard. On doit aussi à Evelyne Lever la très belle édition de la “Correspondance de Marie-Antoinette” (éd. Tallandier).
     
    A VOIR

    Marie-Antoinette, exposition par Robert Carsen : 300 oeuvres (peintures, sculptures, objets d'art...) pour évoquer la vie et le siècle de la souveraine. Du 15 mars au 30 juin aux Galeries nationales du Grand Palais, Paris VIIIe. Tél. : 01-44-13-17-17.

    A LIRE

    Télérama Hors-série "Marie Antoinette, rétrospectice au Grand Palais", 7,80 €.

    http://www.telerama.fr/scenes/26006-une_tete_qui_nous_revient.php

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    Sophie Marceau, je l'adore

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    Avis de bonheur dans la vie de Sophie Marceau : elle est amoureuse et son statut de star populaire n’a jamais été aussi légitime. On la retrouve en héroïne de guerre, résistante implacable et chef d’un commando de saboteuses dans Les Femmes de l’ombre.

    Paru le 01.03.2008, par Richard Gianorio

    On l’a quittée en femme fatale fardée quasi hollywoodienne dans Anthony Zimmer puis La Disparue de Deauville, son deuxième film comme réalisatrice. Cette fois-ci, c’est avec le visage émacié et la mine austère que Sophie Marceau joue une femme pour qui la séduction est le cadet des soucis. Les Femmes de l’ombre, film de Jean-Paul Salomé, en font une résistante de la Seconde Guerre mondiale, chef intransigeant et téméraire d’un commando de saboteuses en mission spéciale, pilotées par le SOE, un des services secrets de Winston Churchill. Louise, son personnage, est vaguement inspirée d’un épisode de la vie de Lise Villameur, héroïne de l’ombre qui appartenait à un groupe de femmes formées en Angleterre et ayant opéré en France pour le compte des Alliés.

    Toutes proportions gardées, Sophie Marceau est aussi une résistante à sa façon. Elle ne s’est jamais laissé enrôler. Mégastar au contraire d’une carriériste –, faisant ce que bon lui semblait, se trompant parfois, mais ne sortant jamais de la ligne droite qu’elle s’était tracée. C’est une incorruptible et une endurante qui a laissé sur le carreau bien des sprinteuses du show-biz. La caste des professionnels, qu’elle a si souvent déconcertée, lui ouvre désormais grand les bras : Sophie Marceau, reine des suffrages populaires, n’a même pas eu à rentrer dans le rang, c’est le temps qui lui a donné raison.

    Ce temps apprivoisé en a fait une quadra magnifique, d’une beauté qui, on en met sa main au feu, ne doit rien au bistouri. Au dernier Festival de Cannes, lors du gala de l’amfAR, quelqu’un a mis 300 000 dollars sur la table pour un cliché d’elle à demi nue réalisé par Mario Testino. Un amateur au goût sûr.
    Celui qui profite aujourd’hui de ce que les Japonais avaient désigné comme un « trésor national français » s’appelle Christophe Lambert. Sophie Marceau se sont rencontrés sur le tournage de La Disparue de Deauville. Ils ne se cachent pas, pas plus qu’ils ne s’exhibent. On est persuadé que l’ex-Tarzan de Greystoke fait rire la petite Vic de La Boum qui fut une star bien avant lui…

    "Le corps et l'esprit ont leurs limites"

    Madame Figaro. – Jean-Paul Salomé, le réalisateur des Femmes de l’ombre, dit que vous êtes « assez dure parfois et rieuse à d’autres moments ». Vous reconnaissez-vous dans cette description ?
    Sophie Marceau. – Ce sont mes couleurs. On me dit souvent que je suis dure. Pour le personnage de Louise, cette froideur était une chose entendue : elle a reçu une éducation provinciale, elle n’exprime pas ses sentiments, elle ne se plaint pas. C’est une femme engagée qui prend les armes et affronte l’adversité très frontalement. C’est la guerre, et face à un événement monstrueux, le sang-froid et l’urgence de la survie l’emportent sur tout.

    Une femme solitaire qui affronte un milieu hostile de face, cela vous ressemble…
    – On ne choisit pas un personnage par hasard, même s’il est évidemment impossible de rattacher mon histoire à celle de l’Occupation. Je sais que l’état de guerre vous oblige à faire des choses inhabituelles. Ma mère, par exemple, se souvient encore très bien de son institutrice normande, une héroïne qui prenait tous les risques pour protéger ses élèves pendant les bombardements. Mais j’ai remarqué lors de la préparation de ce film qu’il existe encore une réticence des gens à parler de cette période. Ils sont embarrassés quand on leur demande ce qu’ils ont fait pendant la guerre, certains par modestie, d’autres par culpabilité, je présume.

    En tournant ce film, avez-vous imaginé que vous auriez pu résister pendant l’Occupation ?
    – Qui peut dire? Je ne suis sûre que d’une chose : je crois que personne ne peut résister à la torture. Le corps et l’esprit ont leurs limites.

    Avez-vous été sensible à la dimension féministe de votre personnage ?
    – Généralement, ces femmes résistantes ne tiraient pas de gloire de leurs actes de bravoure. Celles que j’ai rencontrées ne se vantaient jamais.

    Et les actrices, sont-elles vantardes ?
    – Les actrices sont marrantes. Et tellement plus franches que les acteurs. Par exemple, je crois que les acteurs n’assument jamais vraiment la part féminine qu’on leur prête. Le nombre d’entre eux qui ont honte de se montrer maquillés ! Les actrices sont plus en accord avec ce métier.

    Revendiquez-vous à l’inverse une part masculine ?
    – Je suis féminine dans le sens où je ne revendique pas, je ne me vante pas, je ne me mets pas particulièrement en valeur. Je crois que les femmes la ramènent moins que les hommes. Elles n’ont pas le besoin de fanfaronner et de se mettre systématiquement en avant. Mais tout ça, ce sont des généralités, bien sûr; il y a le masculin, le féminin, et puis des contrastes, des complémentarités et des interférences.

    "Je ne suis pas attirée par le pouvoir"

    Que vous évoque le titre du film, Les Femmes de l’ombre, vous, une actrice surexposée…
    – Pourtant je ne me sens pas loin de ça. J’aime imaginer qu’il y a plein de héros de l’ombre, d’hommes et de femmes qui contribuent à leur façon à l’amélioration du monde.

    Vous croyez aux actes désintéressés ?
    – Je crois qu’un extrême en appelle un autre. La grande impudeur qui caractérise la société d’aujourd’hui va appeler une réflexion et une dignité…

    Vous n’êtes pas à l’aise en pleine ère bling-bling ?
    – Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ? Je n’ai aucune antipathie ni pour l’un ni pour l’autre, mais j’aimerais savoir quel est le message véhiculé. De quoi veut-on nous convaincre? J’aimerais qu’on revienne à plus de discrétion plutôt que d’assister à cette confusion qui ressemble beaucoup à de la dispersion…

    Avez-vous été courtisée par des hommes de pouvoir ?
    – Oui mais je ne suis pas attirée par le pouvoir. Je ne pourrais pas être « la femme de ». Quand un président m’invite en tête à tête, je n’y vais pas. Je me souviens aussi d’avoir déjeuné une fois avec Jean-Marie Messier. La semaine d’après, tout le monde racontait que j’étais sa maîtresse, ce qui m’avait d’autant plus choquée que j’étais enceinte de ma fille. Non, il ne faut pas frayer avec ces gens-là…

    On dit que François Mitterrand vous adorait…
    – Adorer, c’est exagéré, mais il aimait la compagnie des actrices. Lui, il était moins direct, moins franc du collier, beaucoup plus manipulateur. À cette époque, j’étais jeune et naïve, je ne me posais pas la question de ses arrière-pensées. Je crois que cela lui faisait plaisir de passer un moment à se promener dans un jardin en compagnie d’une jeune femme à qui il racontait des histoires. Il fallait juste l’écouter. Et puis une fois, je l’ai contredit et comme il détestait la contradiction, je n’ai plus jamais été invitée…

    De l’avis général, vous vous êtes beaucoup infléchie. Peut-on parler de lâcher-prise ?
    – Oui, il y a quelque chose de cet ordre, se détacher des convictions toutes faites et des habitudes qui font que parfois, sans même s’en rendre compte, on se rigidifie.

    S’avance-t-on beaucoup si on présume que votre amoureux, Christophe Lambert, est un excellent guide sur le chemin de l’abandon ?
    – Je vis une belle histoire. Avec lui, nous avons déjà plusieurs vies en commun; avec lui, rien n’est ennuyeux ou attendu. Notre relation est précieuse.

    Et publique.
    – Je ne cache rien même si je me protège pour ne rien galvauder. Ça doit être fluide… même si je ne suis pas si cool que ça non plus : je suis très consciente de tout ce qui m’environne.

    Le temps joue en votre faveur : votre statut reste inchangé et, de plus, il semble que vous n’ayez pas été dénaturée par ce métier…
    – J’aime profondément le cinéma même si je sais très bien que je suis assise sur des cubes : rien n’est “jamais acquis. Je n’aime pas le confort, je n’aime pas me sentir installée mais, paradoxalement, je ne suis pas une aventurière non plus : je suis très sédentaire dans mon organisation et j’ai besoin de repères, surtout en ce qui concerne la famille.

    Qu’est-ce qui vous fait peur aujourd’hui ?
    – Les peurs affectives exceptées, je n’ai pas peur de perdre. J’aime le jeu…

    (1) En salle le 5 mars.

    http://madame.lefigaro.fr/celebrites/en-kiosque/1169-sophie-marceau-on-ne-choisit-pas-un-personnage-par-hasard/3

     

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    Françoise Sagan: les héritiers

    par Amélie Dor
    Lire, février 2008

     Ils sont six à se confier, six hommes - et pas une femme. Loin de trahir un complot macho, cette surreprésentation masculine reflète le prestige de Sagan parmi les écrivains mâles! Les cadets l'ont lue. Les aînés l'ont aussi rencontrée. Quelles influences et quels souvenirs leur a-t-elle inspirés? Leurs réactions.

    Eric Neuhoff
    (Dernier livre paru: Pension alimentaire, Albin Michel,

    F rançoise Sagan? Elle a fait fantasmer des générations entières de jeunes écrivains qui rêvaient de devenir comme elle, riche, célèbre, et de faire la fête. Tout en écrivant d'excellents livres et en ayant un talent fou. Tout romancier en herbe qui envoyait un manuscrit espérait secrètement que le livre aurait le même succès que Bonjour tristesse. Et elle était unique, personne aujourd'hui ne peut se revendiquer d'elle, avec une vie aussi importante que l'oeuvre. Et la fête au coeur de son oeuvre. Sagan et la fête, c'est un peu comme Proust et l'asthme, ou Blondin et l'alcool, l'un ne va pas sans l'autre. Même si ses derniers romans étaient un peu bâclés, tous les premiers, Bonjour tristesse, Dans un mois, dans un an, Aimez-vous Brahms..., étaient formidables et tiennent encore la route aujourd'hui.»

    Christian Authier
    (Dernier livre paru: Une si douce fureur, Stock, 2006)

    «Blondin et Sagan sont les deux écrivains qui allient la mélancolie et la légèreté de manière remarquable. Ils sont des emblèmes de ma sensibilité et me touchent infiniment. Chez Sagan, tous les clichés ont une part de vérité. Elle a son propre style jusque dans les titres de ses romans qui sont comme des oxymores pleins de promesses. J'aime son écriture classique et indémodable, son côté petite-cousine de Scott Fitzgerald, avec cette élégance dans la façon de présenter les blessures tout en étant dans l'élan.»

    Bernard Chapuis
    (Dernier livre paru: Vieux garçon, Stock, 2006)

    «Chez Sagan, cas assez rare, le personnage est aussi important que l'écrivain. Fille de bonne famille, pas en rupture de ban, mais différente, elle avait de la tenue et un humour qui pouvait être assez caustique. Elle avait de l'éducation, et une culture transmise par sa famille, pas vraiment bourgeoise, bien qu'issue des beaux quartiers. C'était un sacré personnage, d'une étonnante liberté. Dans les années 1950, elle était unique. D'autres jeunes femmes buvaient, fumaient, et faisaient la fête, mais pas comme elle; d'autres portaient des pantalons, mais pas à sa façon. Ce n'était pas de la provocation gratuite, c'était simplement de la liberté, une grâce insolente. Il faut se rappeler que les codes sociaux en vigueur à l'époque étaient d'une rigueur dont on n'a pas idée aujourd'hui: une divorcée n'était plus invitée à dîner en ville, par exemple. Et elle avait cette liberté de ton, de parole et de comportement. Je l'ai rencontrée deux fois chez mon amie Inès de La Fressange. Elle était de compagnie agréable, flanquée de son "chien de races", un bâtard qui ne la quittait pas. En société elle était accorte, souriante, agréable. Personne aujourd'hui n'a son élégance, son talent, ni son indépendance. Notre époque est trop narcissique, ce que Françoise Sagan n'était pas. Si elle a été regrettée, c'est aussi à cause de son incroyable potentiel d'humour. Elle était la soeur, la copine et la complice. Son amitié avec Bernard Frank me fait penser à celle que l'on devine à la lecture de la correspondance de Sand et de Flaubert, une vraie générosité, une franche camaraderie. Un de ses plus beaux textes reste pour moi sa préface à la correspondance de Sand et Musset (Lettres d'amour, Hermann). Elle était géniale quand elle parlait de livres, de l'amitié. Les deux mots qui me viennent à l'esprit sont amitié et générosité. C'était une cigale intelligente. Mais l'hiver est passé...»

    Marc Lambron
    (Dernier livre paru: Mignonne, allons voir si la rose..., Grasset, 2006)

    «C'est un cas typique où la légende a précédé la lecture. Parce que mes parents lisaient Paris Match à l'époque et qu'il y avait une chronique photo régulière. Sagan a été la première à faire de la "peopolisation littéraire", en existant par l'image et par les interviews. Elle était une légende vivante. L'imaginaire saganesque est formidable, avec ses frasques, les voitures, les accidents... Je ne l'ai lue que plus tard, comme critique littéraire, et je l'ai découverte comme auteur avec ses derniers livres, Les faux-fuyants, La laisse: j'ai trouvé ces textes en totale harmonie avec la légende, avec un vrai charme au sens fort du mot. Je n'ai pu redire que tardivement ce que tout le monde avait déjà dit sur elle. A ce jour, j'avoue, je n'ai toujours pas lu Bonjour tristesse. J'ai eu la chance de la rencontrer grâce à Bernard Frank. Pour un provincial comme moi, approcher une telle légende était le summum. Je me souviens d'un réveillon chez elle quand elle habitait rue de l'Université. Je n'étais pas informé de son addiction. Elle, en robe noire et collier de perles, était entourée de philosophes, de chanteurs, de banquiers et d'amis proches, et des membres de sa famille. C'était l'avant-guerre et la fin de siècle réunis. Cela tenait du bal et de la boum, avec des musiques des années 1960, et beaucoup de slows. Même Bernard Frank dansait le slow, et Sagan était là comme dans un de ses romans, discrète, mais auteur de cette fiction. Puis elle s'est retirée pour lire dans sa chambre. On change d'année, je m'efface, semblait-elle nous dire. Ses amis sont encore éblouis quand ils parlent de sa désinvolture, de ce devoir d'esprit qu'elle a maintenu jusqu'au bout. C'est un petit monstre qui vient à la fin de l'époque des grands monstres. C'est aussi le premier écrivain sans guerre, ce qui n'est pas rien. Elle commence à écrire en temps de paix. C'est la culture de l'été et de la jeunesse, un miroir des Trente Glorieuses dans ce qu'elles avaient de détaché et d'heureux, et qui s'est achevée dans le pourri et le moisi. Bonsoir tristesse...»

    Adrien Goetz
    (Derniers livres parus: Intrigue à l'anglaise, Grasset, 2007 et Le soliloque de l'empailleur, Le Promeneur, 2008)

    «Pour le lecteur de Saint-Simon que je suis, Sagan appartenait à ce groupe surprenant de vieilles dames qui avaient choisi des pseudonymes de duchesses d'Ancien Régime pour se faire un nom: Duras, Sagan ou celle qui resta selon moi la plus jeune et mourut en 2005, à 95 ans, Aurélie Nemours, dont j'aime tant les tableaux. Du haut de leurs tabourets, ces duchesses jouaient à être indignes. Pour découvrir la jeune fille qu'elle avait été, il a fallu que j'entende un enregistrement de Bertrand Poirot-Delpech à la télévision. C'était bouleversant de la voir ensuite apparaître à l'écran et dire: "Quand je serai morte, j'aimerais qu'on repasse ça", ce que, je crois, personne ne s'est soucié de faire en 2004. Surtout, je suis tombé, dans une maison de vacances, comme il se doit, sur un exemplaire de Bonjour tristesse qui sentait le sel de mer et la crème solaire, et je l'ai tout de suite aimé. Au hasard des bouquinistes, j'ai lu un ou deux autres romans, dont je n'ai rien vraiment retenu. Puis, ce sont les titres de ses livres que j'ai trouvés séduisants. Je ne les ai pas tous lus. Certains ne sont pour moi que des têtes de chapitres dans ce joli livre autobiographique intitulé Derrière l'épaule. Je ne crois pas que ses romans m'aient "influencé", c'est pourquoi j'aimerais maintenant la relire - et lire d'elle ce qui ne se trouve plus dans les librairies.» A.D.

    David Foenkinos
    (Dernier livre paru: Qui se souvient de David Foenkinos?, Gallimard, 2007)

    «Ala différence de ceux qui ont découvert Bernard Frank dans le sillage de Françoise Sagan, je suis venu à elle par Bernard Frank. C'est lui qui a été déterminant dans mon écriture, alors qu'elle est pour moi en périphérie. Mais j'ai lu tant de choses sur lui que j'ai l'impression de la connaître aussi. Quand, très vite, elle est devenue célèbre, il a cessé d'écrire des romans; il a été journaliste, a écrit des essais. Il disait: "Françoise Sagan est célèbre pour nous deux." Sa vie de romancier est restée dans l'ombre. J'ai lu Sagan comme tout le monde, mais ce n'est pas un écrivain qui compte pour moi. Même dans le style de vie, je serais plutôt son opposé: je ne suis pas le genre à acheter une maison après avoir raflé la mise au casino, mais plutôt à voir quinze banquiers avant!»

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52062/idR=200

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    Le cas Taslima Nasreen embarrasse New Delhi

    De notre correspondante à New Delhi Marie-France Calle
    07/02/2008 | Mise à jour : 21:55 |

    040f88a5bfa1e8baafe202a733637066.jpgTaslima Nasreen s'est attiré la colère des islamistes indiens par ses positions sur le statut des femmes musulmanes. Crédits photo : ASSOCIATED PRESS

    Menacé par les intégristes islamistes, l'écrivain très controversé vit caché dans la capitale indienne. Cette «Rushdie au féminin» ne viendra pas à Paris recevoir le prix Simone-de-Beauvoir.

    Taslima Nasreen ne viendra pas en France chercher le prix Simone-de-Beauvoir qui lui a été décerné le 9 janvier, au Couvent des cordeliers à Paris. Poursuivie par la vindicte de quelques groupuscules extrémistes musulmans indiens, la femme écrivain la plus controversée du sous-continent vit, depuis la fin novembre, en un endroit tenu secret, dans la grande banlieue de Delhi. Sous haute surveillance, et pas vraiment de son plein gré. «J'apprécie le geste de la France et je suis reconnaissante de l'invitation à me rendre à Paris (…) mais je préfère rentrer chez moi, à Calcutta, pour y retrouver tout mon univers», a fait savoir Taslima du fond de sa cachette.

    Exilée, depuis 1994, de son Bangladesh natal où plusieurs fatwas la menaçaient de mort, cette «Rushdie au féminin», comme on la surnomme parfois, a erré dix ans durant dans une Europe où elle ne s'est jamais sentie chez elle. En 2004, elle avait trouvé en Calcutta plus qu'un asile, et en l'Inde une seconde patrie. Malgré la Partition de 1947, qui a coupé le Bengale en deux, Calcutta reste, aujourd'hui encore, la capitale culturelle de tous les Bengalis, qu'ils soient bangladais ou indiens.

    140 millions de musulmans

     

    Le 22 novembre dernier, Taslima Nasreen a pourtant été forcée de quitter le Bengale-Occidental après de violentes manifestations organisées par des groupes musulmans contre sa présence. Voyant poindre le spectre d'émeutes intercommunautaires, le gouvernement communiste de Calcutta a d'abord appelé l'armée en renfort. Puis il a exfiltré Taslima. Elle s'est retrouvée à Jaipur, au Rajasthan. Mais cet État redoutant, lui aussi, des tensions entre hindous et musulmans, elle a été «déportée» en pleine nuit à Delhi, où le gouvernement central s'est résolu à prendre en main sa sécurité. Bien embarrassées, les autorités indiennes viennent de lui renouveler son visa pour six mois, réveillant la colère des islamistes qui demandent son expulsion. Delhi a toujours refusé à Nasreen la nationalité indienne qu'elle réclame depuis 2005.

    Pour l'Inde, Taslima Nasreen, bangladaise, musulmane et en rupture de ban avec l'islam, c'est de la dynamite. Cette immense démocratie multiculturelle, multiconfessionnelle, abrite bien des réfugiés politiques, dont le dalaï-lama, avec son gouvernement tibétain en exil. Elle accueille aussi des Birmans, des Sri Lankais… Mais, pour Taslima, c'est une autre histoire : l'Inde compte quelque 140 millions de musulmans sur plus d'un milliard d'habitants, et pas question de courir le moindre risque de rompre l'équilibre précaire qui prévaut depuis soixante ans entre hindous et musulmans.

    D'autant que la sulfureuse Nasreen n'en est pas à ses premiers déboires avec des islamistes indiens. En août dernier, elle a été violemment attaquée par des activistes d'un parti musulman à Hyderabad (Sud) où elle s'était rendue pour le lancement de l'un de ses ouvrages en telugu, la langue de l'Andhra Pradesh. Dans la foulée, un imam avait lancé contre elle une fatwa, exigeant une nouvelle fois son expulsion. À la suite de cet incident, des militants musulmans ayant porté plainte pour atteinte à l'islam, l'écrivain iconoclaste risque jusqu'à trois ans de prison pour «avoir attisé la discorde, la haine et la malveillance  » entre groupes religieux.

    Pour Mahmood A. Madani, qui siège au Sénat à Delhi et dirige le Jamiat Ulema e-Hind, la plus importante formation musulmane en Inde, le problème n'est pas le féminisme de Taslima, ses tirades contre la burqa ou le statut des femmes dans la religion musulmane. «Nous sommes favorables à tous les débats intellectuels. Mais nous refusons la manière indécente dont elle parle du prophète Mahomet  », a-t-il affirmé à l'hebdomadaire Outlook. Jugeant que Taslima a offensé les sentiments de plusieurs millions d'individus.

    Le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes a été créé cette année à l'occasion du 100e anniversaire de la naissance de l'écrivain-philosophe, auteur, entre autres, du Deuxième Sexe. Une œuvre de référence pour les féministes du monde entier, où Beauvoir dénonce les préjugés à l'encontre des femmes. Rien d'étonnant à ce que Taslima Nasreen en ait été l'une des lauréates.

    Ce prix, Nicolas Sarkozy avait souhaité le lui remettre en main propre lors de sa visite d'État en Inde, fin janvier. Preuve que la France est le pays des libertés. Tollé discret, certes du côté des autorités de New Delhi. Et ferme dissuasion. Ni le moment ni l'endroit n'étaient propices à une leçon sur les droits de l'homme à la française. Nicolas Sarkozy n'a pas insisté, se contentant de se réjouir de la bonne volonté des responsables indiens, qui lui ont donné l'assurance que Nasreen pourrait se rendre à Paris… si elle le souhaitait.

    http://www.lefigaro.fr/international/2008/02/08/01003-20080208ARTFIG00058-le-cas-taslima-nasreen-embarrasse-new-delhi.php

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    Un roman retrouvé de Marguerite Duras?

    717598c766e94f0c784e9fdadcb6b5f6.jpgFrançoise Dargent
    13/02/2008 | Mise à jour : 17:57

    (François Bouchon/ Le Figaro)

    Un mystérieux roman signé M. Donnadieu, publié en 1941, intrigue les passionnés de l'auteur de «L'Amant». L'écrivain Dominique Noguez, qui a trouvé l'ouvrage chez un bouquiniste, soutient que Marguerite Duras aurait pu l'écrire, pendant la guerre, à des fins alimentaires. Qu'en pensent les spécialistes? Voici l'étonnante histoire d'un roman en quête d'auteur

    La traque a duré dix ans. Une décennie est le temps qu'il a fallu à l'écrivain Dominique Noguez pour mettre la main sur un roman au parfum d'inédit, peut-être un ouvrage de jeunesse de Marguerite Duras. Lorsqu'il tombe, il y a deux ans, sur une mise en vente sur Internet de ce livre signé M. Donnadieu dont un ami lui a déjà parlé en 1996, Dominique Noguez n'hésite pas une seconde. Il pense alors tenir enfin l'un de ces fameux romans de gare que Marguerite Duras aurait écrit pendant la guerre. Nous sommes en 2006. Noguez passe commande. Quelques jours plus tard, il rend visite au libraire de livres anciens tenant boutique près du marché d'Aligre à Paris. Le roman l'attend sous la forme d'un petit volume sans prétention de 195 pages imprimées, à la couverture jaunie. Son titre écrit à l'encre verte, Heures chaudes, et plus encore cette lettre, M. devant Donnadieu, imprimée comme une promesse d'énigme à résoudre, relancent d'emblée la curiosité de l'acquéreur. «Je l'ai payé 25 €. Au vendeur qui s'étonnait, j'ai dit que Donnadieu était le vrai nom de Marguerite Duras. Il a fait une drôle de tête», se souvient Dominique Noguez.

    L'écrivain a pris un plaisir évident à raconter comme une farce cette aventure dans le dernier numéro de La Revue littéraire (n° 33). Il rapporte comment il a endossé l'habit de détective littéraire et comment il s'est laissé prendre au jeu, traquant les indices dans cet ouvrage publié en 1941 par «Les Livres nouveaux», éditeur parisien qui périclita peu de temps après. «Une colonne pour et une colonne contre. J'ai fait très simplement en prenant des notes tout au long de la lecture. À la fin, j'ai été surpris de constater que les deux colonnes étaient égales.»

    Une certaine météorologie des passions

     

    Les indices tombés dans l'escarcelle de la colonne durassienne sont débusqués par un fin connaisseur. On doit notamment à cet auteur féru de cinéma expérimental un recueil intitulé Duras Marguerite (Flammarion) dans lequel est passée au crible son œuvre littéraire et cinématographique. Dominique Noguez croit d'emblée reconnaître la patte de l'auteur de L'Amant dans le titre qui laisse présager du climat de l'histoire. Dans le tableau, cet indice signale un auteur sensible à une certaine « météorologie de la passion». Tout devient possible. La citation apposée sur la couverture est ainsi directement portée au bénéfice de la colonne des «pour». «Vous saurez qu'en ce pays on ne voit guère d'amours médiocres. Toutes les passions y sont démesurées. » Cette épigraphe de Racine pourrait avoir été écrite par Marguerite Duras.

    Dominique Noguez se replonge dans les biographies pour ferrer sa «romancière des amours extrêmes». Celle de Laure Adler le conforte: l'auteur y rappelle que Duras fréquentait assidûment la Comédie-Française, qu'elle aimait plus que tout le tragédien. Devenue cinéaste, ne citera-t-elle pas Bérénice comme une source d'inspiration pour son court-métrage Césarée? Las, le miracle Racine ne dépasse pourtant pas la couverture et c'est finalement du côté de Delly que Noguez se range après avoir lu cette histoire d'amour triangulaire. Pourquoi Delly? Parce que son livre Magali «a joué un rôle capital dans ma jeunesse. C'était le plus beau/le seul que j'eusse lu…» a écrit un jour Marguerite Duras.

    Pour Noguez, l'indice est à prendre en considération. Il repasse l'intrigue d'Heures chaudes à la moulinette durassienne. Mona, l'héroïne, serait Magali qui attise la passion de Pierre pourtant fiancé à Lucienne Vadier. Dans la foulée, il continue à noircir la colonne des « pour » : Pierre est bien le prénom du frère de Marguerite, Lucienne Vadier a bien les mêmes initiales que Lol. V et le tout se passe bien à Sète comme certaines scènes du Marin de Gibraltar. Opiniâtre, il tient jusqu'à la fin, jusqu'à la dernière phrase du roman où l'auteur chute sur une tournure durassienne, un « sans réaction aucune » très littéraire qui ponctue le roman et ferme victorieusement la colonne des «pour».

    Dans la balance des «pour» et des «contre»

     

    À ce stade, notre détective devrait donc sauter de joie et rendre la nouvelle publique: Heures chaudes a de fortes chances d'être un roman caché de Marguerite Duras. Mais la colonne des «contre» est là, rappelant à un lecteur qui se serait emballé que quelques indices, aussi troublants soient-ils, ne sont pas suffisants pour clore l'enquête. D'autant quela colonne des «contre» clignote à côté des «pour» comme une alarme à incendie. Il y a d'abord l'avalanche des clichés et des poncifs relevés dans le style, les références littéraires qui, passé Racine, ne mentionnent que des écrivains oubliables. Il y a enfin ce petit côté machiste qui plane sur l'œuvre avec un amant malheureux fustigeant «la femme éternelle menteuse». Marguerite Duras, misogyne primaire? La chose est si difficile à croire qu'elle en devient décourageante.

    L'affaire aurait pu s'arrêter là si Dominique Noguez n'avait pas décidé de jouer avec cette découverte. En 2007, il décide de faire une conférence lors des journées Duras à l'abbaye d'Ardenne, au siège de l'Imec (Institut pour la mémoire de l'édition contemporaine). Il affronte là un public de spécialistes, forcément alléchés par la perspective de découvrir un inédit de la grande romancière. Certains se souviennent de cette phrase lue dans le recueil Outside (Albin Michel) : «Il y a eu aussi tous ces romans que nous avons faits pendant la guerre, une bande de jeunes, jamais retrouvés non plus, écrits pour acheter du beurre au marché noir, des cigarettes, du café.» Alimentaire mon cher Noguez ! chuchote le fantôme de Duras à l'oreille du détective qui conclut pourtant devant l'auditoire dépité que M. pourrait être aussi bien Marcel, Maurice ou Marius. Mais quel que soit son prénom, ce ou cette Donnadieu-là a aujourd'hui rejoint Marguerite Duras à l'abbaye d'Ardenne. Admirateur trompé mais pas rancunier, Dominique Noguez a en effet versé les photocopies d'Heures chaudes à l'Imec.

    http://www.lefigaro.fr/livres/2008/02/13/03005-20080213ARTFIG00542-un-roman-retrouve-de-marguerite-duras-.php

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Editez Sagan!

    par Alexandre Fillon
    Lire, février 2008

     Son oeuvre n'est aujourd'hui plus disponible. La faute à la dispersion des droits parmi différentes maisons d'édition et à une gestion avec le fisc encore difficile. Cependant, une embellie semble se dessiner. L'Herne montre l'exemple. Et Gallimard pourrait l'accueillir dans la Pléiade.

    Françoise Sagan dans les librairies françaises, en ce début d'année 2008, c'est un peu «bonjour tristesse»! A part le best-seller de 1954, toujours édité en Pocket et qui s'écoule à un peu moins de 30 000 exemplaires par an après une poussée à plus de 150 000 exemplaires en 2004, année du décès de son auteur, il n'y a plus grand-chose à se mettre sous la dent. Ironie du sort, on trouve aujourd'hui plus de livres sur Sagan que du Sagan!

    Sur les quarante titres publiés de son vivant, huit seulement sont disponibles! Outre le susdit Bonjour tristesse, Aimez-vous Brahms..., Un chagrin de passage et Derrière l'épaule figurent au catalogue Pocket. Les trois livres publiés chez Gallimard, Avec mon meilleur souvenir (1984), De guerre lasse (1985) et Un sang d'aquarelle (1987) sont dans les rayons en Folio et dans la collection Blanche.

    Seul ou presque au milieu du désert, un volume de la collection Bouquins compile (pour moins de 29 euros) les principaux romans de la dame ainsi qu'une pièce de théâtre, Château en Suède. On peut regretter l'absence d'Un orage immobile, classique que l'on jurerait écrit en 1830, l'une des facettes les plus surprenantes de sa bibliographie, coédité par Pauvert et Julliard en 1983. Il existe pourtant une forte demande d'une jeune génération de lecteurs, comme l'explique Marie-Dominique Lelièvre, auteur de Sagan à toute allure.

    Directrice des droits étrangers de Gallimard, Anne-Solange Noble rappelle que Avec mon meilleur souvenir et De guerre lasse ont suscité quinze traductions, notamment aux Etats-Unis, en Angleterre, en Grèce, au Japon, en Suède, en Chine, en Espagne ou en Allemagne. Très célèbre à l'étranger, Françoise Sagan fut copieusement lue en Russie et dans les anciennes Républiques russes, dont la Géorgie et l'Ukraine. Curieusement, elle a été l'un des seuls écrivains français contemporains importés pendant la guerre froide.

    Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, déplore que la bibliographie de sa mère soit si dispersée. Sagan, on s'en souvient, avait eu des démêlés épiques avec le fisc et s'était brouillée avec Flammarion, le principal éditeur de ses livres, notamment ceux des années 1970.

    En procès avec plusieurs maisons ayant «gelé» les livres inscrits à leurs catalogues, l'héritier aimerait «redonner un coup de pouce à l'oeuvre», qu'on la trouve enfin de nouveau en librairie. Tributaire de la clémence du ministère des Finances de Bercy à propos de la dette fiscale laissée par sa mère, Denis Westhoff ne cache pas qu'il a pressé Antoine Gallimard d'envisager un volume de la prestigieuse Pléiade...

    Tout n'est pas si noir. Aux éditions de L'Herne, Laurence Tacou a déjà ouvert le bal en exhumant quatre textes de voyage, parus dans le magazine Elle dans les années 1950 et aujourd'hui réunis dans la collection Carnets sous le titre clin d'oeil de Bonjour New York.

    L'Herne ne va pas s'arrêter en si bon chemin et prévoit de condenser en un seul volume Réponses (édité par Jean-Jacques Pauvert en 1974) et Répliques (Quai Voltaire, 1992), deux recueils d'aphorismes incisifs tirés des multiples entretiens que Sagan accorda à la presse.

    Infatigable, L'Herne annonce aussi pour le printemps la parution de deux recueils d'articles, l'un sur le cinéma et l'autre sur l'air du temps, ainsi que d'un album de photos avec de nombreux inédits, Bonjour Sagan. Pour celle que l'état civil connaissait sous le nom de Françoise Quoirez, l'année 2008 a un parfum de renaissance.

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52063/idR=200

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Bonjour... Sagan

    par Tristan Savin
    Lire, février 2008

    En 1954, Hélène Lazareff, fondatrice du magazine Elle, a l'heureuse idée de commander une série de reportages à la jeune prodige qui vient de se faire remarquer avec Bonjour tristesse. Ses articles sont naturellement intitulés Bonjour Naples, Bonjour Venise, Bonjour Capri... L'humour et la franchise de l'enfant terrible pétillent dans ces textes enfin exhumés, préfacés par son fils Denis Westhoff. A Venise, «On regarde les pigeons que la célébrité, jointe à la stupidité de leur espèce, a rendus effroyablement prétentieux et encombrants». Est-ce parce qu'elle écrit pour un journal féminin? Chacune des villes est comparée à une femme: Naples «blonde et lézardée», Venise «fardée», tandis que «le coeur de New York bat plus vite que celui de ses hommes». Quant à Capri, on le sait, il est très désagréable de la quitter. Il en va de même pour ce joli livre bien trop court. Dont la suite est heureusement annoncée.

    Bonjour New York

    Françoise Sagan
    L'Herne
    Prix : 9,5 € / 62,32 FF.

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52058/idR=200

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Une oeuvre encore amplement incomprise

    par Philippe Delaroche
    Lire, février 2008

     Comment et pourquoi Sagan a fait date dans l'histoire des lettres et des moeurs: les regards croisés du psychanalyste Philippe Porret, qui montre avec quelle habileté l'auteur de Bonjour tristesse sut décrire le choc de l'adolescence, et de Philippe Delaroche, rédacteur en chef de Lire.

    Son nom, le scandale joliment orchestré qui la lança dans la carrière, son apparente désinvolture mâtinée d'une pudeur tenace, cette expression altière qui suggérait qu'elle n'avait pas à redouter le lendemain, ni misère, ni maladie, et moins encore l'abandon, le plaisir qu'elle prenait à éprouver et à partager toutes les griseries à sa portée, jusqu'à se dévisser la tête à force d'ivresse, à force d'argent facile, à force de portes où il n'y avait qu'à frapper, à force de s'entourer de brillantes compagnies, à force d'amours prometteuses inévitablement contrariées, à force de vitesse, à force de rencontrer de nouvelles limites que, dans une heure ou dans un jour, elle se ferait une joie de franchir pour enfin devenir ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre: tout, dans l'existence et dans l'oeuvre de Françoise Sagan dit oui à la vie. Aussi résolument qu'elle disait oui dans sa vie. Aussi sûr que cuistres et vieilles badernes qualifièrent ses ouvrages de sous-littérature.

    Mieux qu'une banale célébration de la jeunesse, elle qui n'a jamais eu le mauvais goût de céder au jeunisme, ce combustible des dictatures d'hier qui fait la fortune des capitalismes d'aujourd'hui, l'oeuvre de Sagan immortalise un autoportrait inavoué, génialement saisi à la sortie de l'adolescence. De plus, elle montre quel tournant est en train de se négocier dans les moeurs de la société d'où elle est issue, celle des gens «évolués» ainsi qu'ils se qualifiaient eux-mêmes. Et son talent, en la matière, est éclatant. C'est la conviction du psychanalyste et écrivain Philippe Porret, 54 ans, auteur d'Une écoute lumineuse, la biographie d'une psychanalyste dont la fantaisie n'aurait pas déplu à Sagan. D'origine néo-zélandaise et Parisienne d'adoption, à 80 ans passés, Joyce McDougall demeure en effet «une dame excentrique, légèrement scandaleuse, qui ne parle pas la langue de bois, bohème et voyageuse». Elle n'en a pas moins jeté un regard nouveau, entre autres apports, sur les addictions...

    Ce n'est pas Sagan dans le texte qu'a d'abord rencontrée Philippe Porret, mais Sagan dans l'opinion: «Quand ma famille est rentrée d'Algérie en 1963, j'avais presque dix ans. Mes soeurs étaient adolescentes. L'une d'elles a rapporté Bonjour tristesse. Ma mère a poussé les hauts cris. Je n'ai jamais su si elle lui avait défendu le livre après l'avoir lu (ce que je crois) ou en raison de la mauvaise réputation qui l'entourait. Je me souviens encore aujourd'hui m'être dit: "C'est bizarre, ce bonjour et ce tristesse." Le rapprochement de ces deux mots antinomiques faisait étincelle.»

    C'est en 1968 que Philippe Porret, à quinze ans, lit Bonjour tristesse. Juste après le roman de François Mauriac, Thérèse Desqueyroux: «Il y avait quelque chose d'empesé dans l'écriture de Mauriac. Mais je l'aimais bien. Il mettait l'accent sur la morale du lien, le lien comme il devrait être ou comme il aurait dû être. En passant à Bonjour tristesse, j'ai découvert un tout autre climat: hors de la morale, une façon inédite jusque-là en littérature d'envisager les choses. J'avais été frappé par la capacité de la jeune fille à mener jusqu'au bout et sans faiblesse son plan, ce plan qui lui tombe dessus et sur lequel elle n'a aucun atermoiement.»

    Par la suite, Philippe Porret a lu les autres oeuvres de Sagan. Et puis il est revenu, régulièrement, à Bonjour tristesse. Pourquoi? Ce premier roman fait date. Sur trois registres: l'invention littéraire, l'histoire des moeurs (au temps où les enfants de divorcés rasent les murs) et la clinique de l'adolescence. Car Sagan est l'écrivain qui a formulé de façon concise, aussi chirurgicale que poétique, les émotions ambivalentes qui jalonnent le périlleux passage à l'âge adulte, à commencer par les sentiments d'extrême vulnérabilité et de toute-puissance.

    En une poignée de mots, la romancière met en lumière les trois phases de la mue*. Primo, la séparation et l'altérité: «Quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres.» Secundo, la dualité entre le moi qui observe et le moi qui manigance: «Etant simplement moi, n'étais-je pas libre d'éprouver ce qui arrivait? Pour la première fois de ma vie, ce "moi" semblait se partager...» Tertio, la capacité - découverte entre deux couches du nouveau «moi» - de causer du tort sans culpabilité: «C'était là mon premier contact avec la cruauté: je la sentais se nouer en moi, se resserrer au fur et à mesure de mes idées.»

    Mais cet échantillon ne dit pas tout du talent de Sagan, pas plus qu'il ne souligne sa radicale nouveauté. On sait quel mauvais tour la polarisation sur sa personne a joué à la réception de son oeuvre. «Après Bonjour tristesse, poursuit Philippe Porret, son oeuvre a été perçue comme celle d'un écrivain mineur. Sagan n'a jamais reçu de prix littéraire. On a estimé qu'en dépit de son talent elle ne parlait pas des choses qui font vibrer: l'amour, la mort, etc. Sagan est dans le jeu. Cécile, l'héroïne de Bonjour tristesse, prend les choses comme elles viennent et, en cela, elle dit quelque chose du désir. Elle est libre parce qu'elle ne s'embarrasse pas de conflits ou de ratiocinations, type "tempête sous un crâne". C'est son absence de sentiments moraux qui choque. Là, Sagan fait un pas d'écart par rapport à la culture occidentale, qui a toujours ménagé sa place au tragique.»

    Pas plus qu'elle n'indiqua qu'il était indécent, même après Auschwitz, de jouir de la vie - cheveux au vent en Aston Martin, écumant les casinos ou écrivant des dialogues sans pétard métaphysique apparent à distance respectable des bidonvilles de Nanterre - la romancière ne fit sienne la méditation d'un saint Paul: «Le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais.» (Epître aux Romains VII, 20) C'est le vouloir-vivre à la puissance maximum, son diable au corps. On comprend que René Julliard ait reconnu en elle la cadette de Radiguet.

    Faut-il rappeler de quelle époque elle s'est échappée? Sagan est la petite fille de la «drôle de défaite», la fillette des années de l'Occupation (pas noires pour tout le monde) et, par-dessus tout, l'adolescente des lendemains qui tardaient à chanter. Si elle frappe si fort les touches du clavier de sa machine à écrire, si elle ne coupe pas les cheveux en quatre, c'est à proportion de l'impatience qui tenaille celles et ceux sa génération, et que relaieront bientôt les plus jeunes.

    «Si l'on peut trouver dans sa vie de quoi renvoyer à saint Paul, au tragique, estime Philippe Porret, il est manifeste que son oeuvre s'en écarte. Mais c'est précisément son écriture qui est étonnante, aussi étonnante que le malentendu dont son oeuvre est l'objet. Pourquoi, quand il s'agit de l'évaluer, la rapprocher de celle de Colette? S'il est possible de rapprocher leurs modes de vie, ça me paraît discutable sous l'angle de la plume. Est-ce en raison d'un effet de date? La même année, en 1954, Colette meurt et Sagan se fait connaître avec Bonjour tristesse. Il y a chez Sagan un génie de la formule, éclatant dans le choix de ses titres, qu'on ne rencontre pas chez Colette. En revanche, il y a un génie de l'intrigue chez Colette qu'on ne sent pas chez Sagan. Mais cette dernière ne témoigne pas seulement d'une rare élégance et d'un sens de la formule, elle est la première de cette époque-là à écrire sans absolument faire de psychologie. Par principe. Pas par combat. Et c'est en cela qu'elle fait date.»

    La psychologie? Le «cancer du roman français», disait Maurice Blanchot - ce qui n'avait pas empêché en 1954 le juré du prix des Critiques de voter pour André Dhôtel (Le maître de pension, Grasset) quand ses pairs lui préféraient l'inconnue Sagan, par ailleurs beaucoup moins ingénue qu'il n'y paraissait. Fâchée avec certaines réalités fiscales et autres, attitude commune à tant d'artistes et écrivains (ainsi feu Jacques Laurent, à qui le fisc fit regretter d'avoir omis de libeller ses talons de chèque!), Sagan a-t-elle oeuvré comme une adolescente attardée? Aurait-elle été malgré elle le prototype de l' «adulescente». Rien n'est plus faux, objecte Philippe Porret: «Tout en reconnaissant sa valeur, il est arrivé par exemple à Françoise Giroud d'abonder dans cette idée que Sagan serait une enfant attardée, ou une enfant obstinée. Surtout, elle lui reprochait l'absence de pathétique. Or c'est dans ce refus du pathos qu'éclate la modernité de Sagan.»

    Curieusement, son oeuvre a tardé à trouver la considération et la place qui lui reviennent. Sagan incomprise? Même par les siens. Le dictionnaire des oeuvres Laffont-Bompiani, auquel collabora pourtant l'ami Jacques Brenner, et qu'accueille la collection Bouquins chez Laffont, créée et dirigée par le regretté Guy Schoeller, l'ex-mari de Sagan, omit pendant dix ans de mentionner Bonjour tristesse. Lacune réparée depuis l'édition de 1994, trente ans après le lever de rideau! L'auteur de la notice, Philippe Barthelet, y salue ses «remarquables qualités d'analyse des profondeurs de l'âme et des passions» et une «lucidité sans défaillance». Voilà qui put faire sourire Sagan. Quoique d'obédience proustienne, ne se gardait-elle pas d'analyser, elle qui prenait tant plaisir à créer? C'est le sentiment de Philippe Porret: «Ce qu'il y a d'unique chez Sagan, c'est sa façon de jouer avec les mots, de les articuler. Par exemple, elle prend un mot du corps (le sang, le rire, les yeux); elle l'accouple à un mot puisé dans un autre registre: aquarelle pour le sang, la soie pour les yeux, incassable pour le rire. Elle crée une réalité singulière, inédite.»

    Ce plaisir de jouer, ce goût de la surprise et du contre-pied (Château en Suède quand on attendait Château en Espagne), n'est-ce pas le propre du vif enfant qui chuchote à chacun, y compris au soir de sa vie, qu'il n'est peut-être pas indispensable de se trouver précisément là où tout le monde, - c'est-à-dire personne ou quelque puissance de mort - l'attend?

    * Cf. l'analyse de Philippe Porret, in Le malaise adolescent dans la culture (pp. 50-53), collectif, Campagne Première (diffusion PUF).

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52060/idR=200

  • Denis Westhoff:«Ma mère n'était pas paresseuse»

    par Jérôme Dupuis
    Lire, février 2008

     Il est le fils unique de Françoise Sagan. Ce photographe de 45 ans gère aujourd'hui l'oeuvre - et les dettes colossales - que lui a léguée sa mère. Il raconte de l'intérieur et sans langue de bois la vie quotidienne de l'auteur de Bonjour tristesse. Du faste des sixties à la ruine des dernières années.

    Quelles sont les premières images que vous gardez de votre mère?

    Denis westhoff Lorsque je suis né, en 1962, ma mère était au faîte de sa gloire. A la maison, elle recevait en permanence la visite d'éditeurs, d'agents, d'amis, aimantés par sa gentillesse, son intelligence et sa disponibilité. Nous n'avions pas du tout les mêmes horaires. Comme elle se couchait très tard et écrivait la nuit, elle dormait le matin. Je n'ai donc jamais pris mon petit déjeuner avec elle. Nous avions du personnel qui m'amenait à l'école et me préparait mes repas. L'été, nous partions ensemble en Normandie et dans le Lot.

    Qui était exactement votre père, Bob Westhoff?

    D.w. Il était l'avant-dernier d'une famille de onze enfants qui vivait à Minneapolis. Pour échapper au carcan familial, il s'est engagé à 16 ans dans l'armée de l'air, en falsifiant ses papiers. Il a été affecté au Texas puis au Japon, avant de devenir instructeur en Indochine. Il a été évacué juste avant Dien Bien Phu et s'est retrouvé sur une base lugubre en Alaska. Je crois que c'est là qu'il a commencé à boire. Comme il était très bel homme, il est ensuite devenu mannequin sur le paquebot France. Arrivé à Paris, il a accompagné des amis en lune de miel au manoir normand de ma mère. Ce fut un coup de foudre. Ma mère étant enceinte de moi, ils ont décidé de se marier. Et ont divorcé après ma naissance, ma mère ne supportant pas l'idée d'avoir une bague au doigt. Ce qui ne les a pas empêchés de vivre ensemble encore six ans, avant de se séparer vraiment...

    Quelle vie avez-vous alors menée avec votre mère?

    D.w. C'était une existence très fastueuse. Je me souviens, dans l'appartement de la rue Guynemer, face au Luxembourg, de réceptions avec 150 personnes. Je croisais Orson Welles, Ava Gardner ou Georges Pompidou, qui venait régulièrement. Des maîtres d'hôtel servaient champagne et caviar. Ma mère avait horreur de la solitude et, dans tous les appartements que nous avons eus, il y avait une chambre pour son ami, l'écrivain Bernard Frank. Elle a aussi recueilli pendant un temps Françoise Jeanmaire, une Sud-Africaine ravissante et tourmentée, croisée chez Régine. Pendant les vacances, nous allions au manoir du Breuil, près de Honfleur, acheté un matin grâce à ses gains de la nuit au casino. Je me souviens d'après-midi d'été entiers où je jouais dans le jardin, pendant que le cliquetis de sa machine à écrire retentissait dans sa chambre verte. Elle ruisselait de sueur... Plus tard, elle a écrit au feutre Tempo sur des cahiers Clairefontaine; et, à la fin de sa vie, minée par ses soucis de santé, elle dictait ses livres à sa secrétaire ou les enregistrait sur un petit magnétophone. Contrairement à l'image que l'on a d'elle, ma mère n'était pas paresseuse. Elle avait besoin d'être «fouettée» par un éditeur pour s'y mettre. Mais alors, elle était très rigoureuse, s'imposait des horaires et s'isolait loin des invités et du téléphone.

    Pourquoi a-t-elle si souvent changé d'éditeurs?

    D.w. Après Julliard, qui l'a publiée jusqu'en 1968, elle est passée chez Flammarion. Mais, persuadée d'avoir découvert des anomalies dans ses comptes d'auteur, elle a fini par se fâcher avec Henri Flammarion. La séparation fut violente. Conseillée par un agent, elle a ensuite navigué entre plusieurs éditeurs, au gré de ses besoins d'argent, avant de se fixer chez Plon.

    Il est vrai que ses rapports à l'argent n'étaient pas simples...

    D.w. Il ne fallait surtout pas laisser un chéquier entre ses mains! Ma mère a gagné énormément d'argent. Elle était la seule, avec Malraux, à percevoir 20% de droits sur ses livres. Mais elle avait un immense train de vie. Du coup, Flammarion réglait directement ses impôts. Ensuite, son argent était géré par une banquière de chez Rothschild, Marylène Detcherry. C'est cette femme qui encaissait l'argent, payait le personnel, réglait le loyer de nos appartements, etc. Lorsque ma mère avait besoin de liquidités, un coursier venait lui apporter son «argent de poche»... Les problèmes sont arrivés lorsque ma mère a quitté Flammarion et que sa «banquière» n'a plus travaillé pour elle. On lui a alors redonné un chéquier...

    Sa légende tient aussi à son goût de la vitesse...

    D.w. Ma mère conduisait vite et bien, un peu à la manière d'un ambulancier, sans à-coups. Elle n'a eu que deux accidents dans sa vie: l'un en 1957, au volant de son Aston Martin, et l'autre avec sa Maserati, à cause d'une flaque d'huile sur la route. Elle a même failli courir la fameuse course italienne, le «mille miles». Grâce à son ami, Enzo Ferrari, elle avait fait des essais sur le circuit de Maranello. Mais la course a été annulée cette année-là. Bien sûr, à la toute fin de sa vie, elle était moins maître de ses réflexes, sa vue était moins bonne, et je prenais parfois le volant.

    Qui étaient les gens qui l'impressionnaient?

    D.w. Elle admirait les gens plus rapides qu'elle, les grandes intelligences. Elle avait une vraie complicité avec Sartre, qu'elle invitait à déjeuner à la Closerie des Lilas. Je me souviens que parmi les livres qu'elle m'a conseillés, outre La chartreuse de Parme et Le choix de Sophie, il y avait Les mots. François Mitterrand l'impressionnait aussi beaucoup. Il y avait entre eux un grand respect, fondé sur des valeurs communes, en particulier la liberté. Il venait régulièrement manger chez nous, rue du Cherche-Midi. D'ailleurs, un beau jour, ma mère, qui avait une éducation bourgeoise, a décidé que je devais faire mon service militaire pour connaître la «vraie vie»; elle a appelé directement Charles Hernu, ministre de la Défense de Mitterrand, pour accélérer mon départ à l'armée...

    Les récents livres d'Annick Geille (Un amour de Sagan, Pauvert) et de Marie-Dominique Lelièvre (Sagan à toute allure, Denoël) ont révélé un certain nombre des relations homosexuelles de votre mère. Le saviez-vous?

    D.w. Au risque de paraître naïf, je ne m'en étais pas rendu compte, même si je savais que la relation avec son amie styliste Peggy Roche était particulière. Je connaissais Annick Geille, bien sûr, mais c'est en lisant son livre, il y a deux mois, que j'ai appris qu'elle avait été l'amante de ma mère! Vous savez, comme beaucoup d'enfants sans doute, je ne m'intéressais pas à la vie sexuelle de ma mère...

    Comment se sont passées les dernières années?

    D.w. Ma mère n'avait plus vraiment d'appartement à elle et son état de santé s'est dégradé. Elle éprouvait des difficultés à écrire. Surtout, elle était minée par ses problèmes d'argent. Suite à des retards d'impôts et à sa condamnation dans l'affaire Elf, cent pour cent de ce qu'elle gagnait était saisi, y compris une petite pension de quelques centaines d'euros. Elle qui aimait tant la liberté supportait mal d'être dépendante d'une amie, qui l'hébergeait avenue Foch. Il y avait bien eu une petite lueur d'espoir, au printemps 2004, lorsque le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, alerté par sa situation, avait envoyé un émissaire en Normandie pour essayer de trouver une solution. Elle devait le revoir à l'automne. Mais ma mère s'est éteinte pendant l'été...

    Que vous a-t-elle laissé en héritage?

    D.w. Un million d'euros de dettes! Et pas un seul manuscrit, car elle avait coutume de les offrir. Je suis son fils unique et j'aurais pu refuser la succession, mais l'idée que les droits sur son oeuvre allaient être vendus aux enchères par l'Etat m'était insupportable. J'ai donc décidé d'accepter la dette et la gestion future de son oeuvre.

    Où en êtes-vous aujourd'hui?

    D.w. Avec mon avocat, Me Jean Aittouares, nous avons rencontré les services de Donnedieu de Vabres, puis ceux de Thierry Breton, à Bercy, à l'automne 2005. Comme aucune solution ne se dessinait, j'ai finalement écrit à Nicolas Sarkozy, début 2006. Il m'a répondu par un petit mot chaleureux. Du coup, après son élection à la présidence de la République, je lui ai de nouveau écrit et il m'a dirigé vers Eric Woerth, au ministère du Budget. Nous avons entamé les négociations et proposé un échéancier, pour étaler les remboursements. Nous sommes en effet confrontés à un cercle vicieux, dans la mesure où nous sommes évidemment imposés sur les droits générés aujourd'hui. Nous attendons une réponse de Bercy courant février.

    A combien se monte la dette aujourd'hui?

    D.w. Nous avons commencé à combler le passif. Mais nous devons encore en être aux alentours de 600 000 euros. Peut-être le projet d'adaptation de Bonjour tristesse par Hollywood, en discussion actuellement, pourrait-il contribuer à assainir la situation. Ensuite, je m'attellerai au plus important: que l'oeuvre de ma mère soit enfin disponible en librairie...

    Propos recueillis par Jérôme Dupuis

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52061/idR=200

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Sagan: une biographie à vitesse grand V

    par Tristan Savin
    Lire, février 2008

    Journaliste à Libération, Marie-Dominique Lelièvre s'est fait une spécialité des portraits «pleine page», titre du recueil de ses meilleurs articles. On attendait avec impatience sa biographie de Sagan, annoncée comme un petit événement, trois ans après la disparition de l'auteur de Bonjour tristesse. Selon l'alléchante quatrième de couverture, notre consoeur a rencontré les intimes de l'écrivain, ses médecins, ses secrétaires, sa gouvernante, sa banquière. Elle a mené trois ans d'enquête. Ne manquent, parmi les témoins clés, que Juliette Gréco, Véronique Campion (amie d'enfance de Sagan) et Denis Westhoff, le fils unique de l'écrivain et son ayant droit, qui certifie l'avoir seulement croisée il y a une dizaine d'années.

    Marie-Dominique Lelièvre cite abondamment Florence Malraux (personnage capital), à qui elle dédicace Sagan à toute allure. Se mettant elle-même en scène dans son «voyage au pays de Sagan», riche en anecdotes, la portraitiste boit du thé au Meurice avec «une femme dont les illustres gènes sont stockés au Panthéon». Marie-Dominique Lelièvre pousse loin l'identification avec son sujet: elle couche dans le lit de Sagan et porte son cachemire Bompard pour mieux la raconter. Elle insiste sur ses addictions multiples, avec un luxe de détails - pas un centime ne manque.

    Elle est surtout crédible et passionnante quand elle tente de comprendre les blessures de son héroïne. Elle dresse un portrait sans complaisance. Comme si l'intention était de susciter un parfum de scandale... La biographe se fait humble, en revanche, lorsqu'il est question d'analyser les textes de l'écrivain avec finesse.


    Sagan à toute allure

    Marie-Dominique Lelièvre
    DENOEL
    354 pages.
    Prix : 20 € / 131,19 FF.

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52059/idR=200

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Un coup de foudre

    par Tristan Savin
    Lire, février 2008

    A la fin des années 1970, Annick Geille, alors la plus jeune rédactrice en chef de France, rencontre le grand écrivain dans l'intention de lui demander une nouvelle inédite pour Playboy. Coup de foudre, saumon fumé, vodka polonaise. Les deux femmes ne se quitteront plus, plusieurs mois durant. La journaliste, pourtant jeune mère, s'éprend de Sagan, de son sourire de fillette, de sa gaieté inconsolable. Mais la cour de la princesse des lettres est une cruelle arène pour qui n'en manie pas les codes. Jalousies, trahisons et manipulations auront raison de la jouvencelle émerveillée, finalement jetée dans les bras de Bernard Frank, chroniqueur génial mais désabusé. Devenue romancière, Annick Geille aura mis trente ans à publier ses souvenirs, remarquables de précision, de lucidité et de pudeur - malgré quelques longueurs. Une aventure fitzgeraldienne dont l'héroïne, Sagan, dispense des moments de bonheur - ou de cruauté teintée de sagesse quand elle s'écrie: «L'amour, laisse-moi rire! Une exaltation de soi-même.»

    Un amour de Sagan

    Annick Geille
    Pauvert
    380 pages.
    Prix : 20 € / 131,19 FF.

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52057/idR=200

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Monsieur: "J'ai signé la liste des 121»

    En décembre 2001, Françoise Sagan adressait, par fax, au rédacteur en chef de Libération, ce courrier conservé par son secrétaire Jean Grouet...

    38e9cf571d23a141bf32651276a39401.jpgMonsieur,

    Je m'étonne de ne pas voir mon nom, ni celui de Bernard Frank dans la liste des signataires des 121. Nous fûmes pourtant sur ce sujet, interrogés le même jour par la police française et je fus, pour ma part, plastiquée un peu plus tard. Ce que rapporta la presse d'alors.

    Ma réputation de futilité étant bien assise, je vous serais reconnaissante d'en citer à l'occasion les exceptions.

    Avec mes meilleurs sentiments

    Françoise Sagan

    http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=52056/idR=200

  • Françoise Sagan: dernières révélations

    f3b65e6ab24976758904b117880bffe5.jpgpar Tristan Savin
    Lire, février 2008

     Trois ans après sa disparition, le «charmant petit monstre» fait de nouveau l'actualité, à travers un film de Diane Kurys dont la sortie en salle est prévue au printemps, l'adaptation par Florian Zeller de Château en Suède pour la télévision et plusieurs ouvrages. Le purgatoire n'aura pas été long. Sauf de son vivant: vingt ans de souffrances et d'oubli en librairie, après vingt ans de succès mondial. Lire a mené l'enquête pour faire la lumière sur un écrivain dont la vie flamboyante ne doit pas occulter l'oeuvre.

    "Je ner pas beacou de chose à te dire parce que jan é pas beaucou invanté dans ma tête ma chère maman.» Ce mot d'enfant de cinq ans pourrait résumer à lui seul Françoise Sagan: franche mais portée sur le mensonge, espiègle, peu diserte quand il est question de parler de soi. On peut aussi y voir la définition - précoce - d'un écrivain. Françoise est née Quoirez, dans le Lot, en juin 1935. Son père, ingénieur, dirige une compagnie d'électricité. Sa mère, frivole, toujours gaie, laisse à sa gouvernante les tâches domestiques et l'éducation des enfants. L'éditeur Jean Grouet fit la connaisance de Sagan à ses débuts, avant de devenir son secrétaire: «Elle aimait beaucoup ses parents. Elle habitait encore chez eux trois ans après le succès de Bonjour tristesse. Son père était insupportable, un peu hussard, Françoise le trouvait très drôle. Sa mère était exquise... mais un peu réac.» Ils avaient des principes bourgeois, rapporte aujourd'hui Denis Westhoff, le fils unique de Sagan (voir l'entretien page 32): «On ne prononçait pas de gros mots, on ne devait pas dire du mal de quelqu'un. A table, il était interdit de parler de politique, de religion ou d'argent.»

    Françoise n'est pas seulement la petite dernière des trois enfants Quoirez. Sa naissance, miraculeuse aux yeux de ses parents, survient après la perte d'un bébé. Du coup, père et mère lui passent tous ses caprices. Sa soeur Suzanne confie à la biographe Marie-Dominique Lelièvre: «Elle était une enfant pourrie-gâtée. Toute sa vie, elle a joui d'une totale impunité.» A neuf ans, elle peut conduire la voiture de son père. La secrétaire de monsieur Quoirez doit lui apprendre à taper à la machine. L'écriture, la vitesse. La légende commence à germer. Sa mère racontera plus tard à son petit-fils, Denis: «A deux ans, elle s'emparait d'un livre pour essayer de le lire. Mais elle ne le tenait pas dans le bons sens. Très tôt, elle a inventé des contes de fées et s'est mise à écrire un roman de chevalerie, en vers. Elle pouvait citer Le Cid par coeur.» La petite princesse adore amuser ses proches avec ses jeux de mots. Paradoxe, pour une intellectuelle: c'est aussi un garçon manqué, un meneur de bande. Adulte, gâtée par le succès, elle restera un Petit Poucet androgyne, qui sème des trous de cigarettes partout sur son passage.

    Ses meilleurs amis, qui constitueront sa garde rapprochée toute sa vie, ont pour nom Florence Malraux et Bernard Frank. Même âge, mêmes origines bourgeoises, même amour des livres. A cette différence près: ils sont juifs. La lucidité, face aux horreurs du monde, aux mensonges des adultes, les rapproche tous les trois. «J'avais tout compris à douze ans», déclarera Bernard Frank. Françoise aussi. Mais elle semble taraudée par la culpabilité: «Elle disait que son père avait été résistant, ce qui n'était pas vrai. Elle m'en a toujours voulu de l'avoir démentie à ce sujet au cours d'un dîner», rapporte Jean Grouet. Avant de lâcher, dans un sourire complice: «Elle était menteuse.» Sur ce point, la honte est légitime: la fillette imaginative resta hantée toute sa vie par la découverte des camps de la mort, à travers un film d'actualité projeté dans un cinéma quand elle avait dix ans. Comment ne pas faire le rapprochement avec le début de l'occupation allemande lorsqu'elle avait cinq ans? Comment composer avec une famille qu'elle perçoit comme banalement antisémite?

    Expulsée du couvent des Oiseaux pour «dégoût de l'effort», la jeune fille extralucide au visage de musaraigne fuira à sa manière un milieu trop rigide. D'abord en séchant les cours de la Sorbonne, à la rentrée 1953. Et en écrivant, sous Maxiton, son premier roman, en partie inspiré par Gatsby le magnifique. Puis en changeant de patronyme. «Tu ne mets pas mon nom sur ton livre», lui aurait dit son père. Elle en choisit un dans A la recherche du temps perdu. Et brouille déjà les pistes: s'identifie-t-elle au dandy Boson de Talleyrand-Périgord, prince de Sagan? Ou à la princesse de Sagan?

    La femme pressée
    En 1954, François Nourissier était lecteur chez Denoël. Il reçoit le manuscrit de Bonjour tristesse mais ne l'ouvre pas. Quelques jours plus tard, il finit par le lire sur les conseils d'une amie. Trop tard. Sagan vient de signer chez Julliard. Elle a demandé 25 000 francs, au hasard, mais René Julliard lui en a offert le double. L'éditeur a flairé en elle un nouveau Raymond Radiguet, qui avait fait la fortune de la maison. Rien n'est laissé au hasard: le bandeau du livre, sorti le 15 mars 1954, porte la mention «Le diable au coeur». Le succès est immédiat, grâce au prix des Critiques. Parmi les jurés: Georges Bataille, Marcel Arland, Maurice Nadeau, Jean Paulhan et Roger Caillois. La lauréate est trop jeune, 19 ans, pour toucher le chèque de 100 000 francs. Qu'à cela ne tienne, on les lui verse en espèces.

    Une semaine plus tard, le Prix Nobel de littérature, François Mauriac, évoque dans sa chronique du Figaro la «férocité lucide» de la «terrible petite fille», dont le talent littéraire «n'est pas discutable». L'autre consécration vient du clan des Hussards, quand Jacques Chardonne écrit à Roger Nimier: «Cette jeune fille est de bonne famille. La famille des grands écrivains.» La presse grand public s'empare du phénomène. Le Vatican met à l'index ce «poison qui doit être tenu à l'écart des lèvres de la jeunesse». Le scandale fait vendre: en un an, 500 000 exemplaires vont partir. Michel Déon, reporter à Paris Match, visite le prodige en vacances - et tombe amoureux. Premier «écrivain people», Sagan lance la mode Saint-Tropez avec Juliette Gréco, avant Brigitte Bardot. Elle passe ses nuits chez Régine, s'affiche avec Trintignant, se lie avec Jacques Chazot, Jules Dassin. Otto Preminger adapte son roman au cinéma.

    Etait-ce la bonne vivante que l'on a dit? Jean Grouet se souvient des fameux repas de la bande à Sagan: «Elle se foutait complètement de manger et demandait toujours l'avis de Bernard Frank pour le vin. Elle était habile pour conduire, pas pour cuisiner.» Ses bolides symbolisent son mode de vie et contribuent à fixer la légende: Jaguar X/440, Mercedes, Gordini, Ferrari 250 GT achetée grâce au succès de La chamade. Mais - à l'instar de Roger Nimier - c'est avec une Aston Martin qu'elle a son accident, en 1957. Coma, fractures du crâne, du bassin, du thorax... Une rescapée. «Rien ne paraît désespérément souhaitable que l'imprudence», écrivait-elle un an plus tôt dans Un certain sourire. Le rapprochement avec La fureur de vivre est facile. Mais l'écrivain a pris James Dean de vitesse: son succès le devance d'un an. «Sans Sagan, la vie serait mortelle d'ennui», écrit Bernard Frank.

    Dans l'existence de Françoise Sagan, la drogue a très tôt côtoyé l'ivresse de la vitesse. Elle en est aussi la conséquence. A la clinique, pour calmer ses douleurs, on lui a administré de la morphine, des mois durant. Après une première cure de désintoxication, elle se met à boire. «Je suis une bête qui épie une autre bête, au fond de moi», note-t-elle dans Toxique. Elle confiera à son ami Massimo Gargia avoir continué à se droguer à cause du succès: «La curiosité de la presse l'a écrasée. La drogue lui donnait du courage. Elle était timide, à ses débuts», précise Gargia. Celle qui incarnait la femme libre de l'après-guerre est devenue dépendante.

    L'adrénaline lui sert de moteur. Le jour de ses vingt et un ans, elle découvre le jeu. L'impassibilité vitale du joueur lui convient: il faut dissimuler ses sentiments. Elle en abuse au point de se faire interdire de casino en France. «J'ai une vision très romanesque de ma ruine éventuelle», confie-t-elle à Télérama. Son chiffre fétiche: le huit. Après avoir tout misé sur lui, en 1958, elle gagne 80 000 francs en une nuit. A huit heures du matin, elle achète ainsi le manoir du Breuil, à Equemauville, près de Honfleur. Elle vit d'excès, y compris dans le travail, devient dramaturge (Roger Vadim adaptera Château en Suède), critique cinéma à L'Express, joue les figurantes aux côtés d'Ingrid Bergman et d'Yves Montand dans l'adaptation d'Aimez-vous Brahms..., écrit le scénario de Landru pour Claude Chabrol. Sagan cherche les émotions fortes, elle les aura toutes. En 1961, elle signe le manifeste des 121, approuvant l'insoumission des appelés en Algérie (voir l'encadré page 24). Peu après, l'immeuble de ses parents, boulevard Malesherbes, est plastiqué. Denis Westhoff se souvient du témoignage de son grand-père: «Il avait aperçu un étrange paquet dans le hall. Il le laisse, monte chez lui. Juste après avoir fermé la porte de l'appartement, il entend une explosion. Tous les carreaux de l'immeuble ont volé en éclats. Ce jour-là, ma mère s'était absentée...» Rescapée, à nouveau.

    L'insupportable solitude
    Ses frasques amoureuses, également menées tambour battant, défraient la chronique, de son idylle avec l'homme d'affaires Pierre Bergé à son projet de mariage avec le play-boy italien Massimo Gargia. «Je l'ai rencontrée en 1965, se souvient ce dernier. Coup de foudre. Elle était très jolie, très gentille. Elle voulait s'amuser avec moi. On ne parlait surtout pas de littérature! Elle voulait oublier ses problèmes...» Elle a aussi du goût pour les femmes. En 1955, Florence Malraux organise une rencontre avec Juliette Gréco. L'égérie de Saint-Germain-des-Prés chante déjà Prévert, Queneau et Sartre. Sagan lui écrit quatre chansons, dont Sans vous aimer, première déclaration chantée d'anamour, dix ans avant Serge Gainsbourg. C'est aussi le titre d'un livre de Michaël Delmar (voir l'extrait p. 37) consacré à la rencontre de la chanteuse avec l'auteur de La femme fardée. «Nous étions deux jeunes femmes insouciantes et nous aimions l'amour. Nous le faisions souvent et pas toujours avec le même partenaire», y déclare Juliette Gréco. «Françoise a toujours eu dans le privé ce mélange de gravité innée et d'humour acide. On a immédiatement trouvé un langage commun et partagé une complicité d'enfants.»

    L'écrivain lui offre un tigre en peluche. «Je l'ai gardé longtemps, jusqu'à ce que les mites le dévorent.» Delmar a fréquenté l'entourage de Sagan pendant vingt ans: «Je ne l'ai pas connue autrement que lesbienne. Elle a longtemps vécu avec la styliste Peggy Roche, qui ressemblait à Juliette. C'est frappant. Sagan ne le reconnaissait pas facilement, elle n'aborde pas non plus la question des rapports féminins dans ses romans, contrairement à Colette. Pour elle, c'était honteux.» Prêche-t-il pour sa paroisse? Massimo Gargia dément: «Elle a eu beaucoup d'hommes. Elle a même eu une histoire avec Delon. Ce n'était pas une lesbienne, contrairement à Garbo, qui ne supportait pas l'organe masculin. Françoise était très portée sur le sexe, très active, avec beaucoup d'imagination. Elle m'emmenait dans les hôtels de passe. Toutes les expériences l'amusaient. Elle voulait même faire du parachute...» On s'est longtemps interrogé sur la nature de la relation entre Françoise Sagan et l'écrivain Bernard Frank, qui a presque toujours logé chez elle. Le mieux placé pour répondre est sans doute son ami Jean Grouet, qui l'a soigné jusqu'à sa disparition en 2006: «Bernard était pudique, il ne m'en parlait pas mais je suis certain qu'il ne s'est jamais rien passé entre eux. Ils n'étaient pas le genre l'un de l'autre. Ils s'engueulaient souvent mais s'adoraient. Pour ma part, Sagan a été la femme de ma vie, de manière spirituelle. Le jour où je lui ai juré que je ne coucherai jamais avec elle, elle m'a montré la porte...» Quand ils ont fait connaissance, Grouet assistait Vadim sur le tournage d'un film avec Bardot. Françoise travaillait avec le réalisateur à un projet de ballet, Rendez-vous manqué. «Elle m'a dit: "Vous connaissez la danse? Moi non plus. On va faire semblant." Elle voulait Picasso pour le décor. Mais gratuitement. J'ai réussi à le joindre et il a refusé. Elle a finalement pris Bernard Buffet.»

    Capricieuse, Sagan s'avère également une séductrice manipulatrice, parfois perverse. Annick Geille (voir ci-contre), séduite par son «allure de garçonnet avec sa chemise de cow-boy et son ceinturon de cuir», en fera les frais. Françoise est infidèle, elle ne peut jamais se passer de compagnie. Michaël Delmar, que Sagan avait interrogé sur l'influence des astres, rappelle qu'elle est née le même jour que Sartre, à trente ans d'écart: «Ils sont Gémeaux, donc très joueurs. Elle est dans la duplicité, elle se masque, reste fuyante.» La franchise de ses textes parle pour elle. L'amour? C'est comme l'argent: «Il se dépense. Et plus tard, il se pense.» Après avoir analysé l'un de ses livres, Romain Gary écrira: «Françoise est complètement dépourvue de culpabilité.1»

    Coup de théâtre: un beau jour, Sagan épouse l'éditeur Guy Schoeller, plus âgé mais réputé grand séducteur. Explication de Massimo Gargia: «Il la protégeait, comme un père.» Schoeller dira plus tard au biographe Jean-Claude Lamy: «On n'a jamais pu la prendre en flagrant délit de bêtise.» Leur entente est brève, un homme d'affaires ne peut pas suivre sa femme au casino... L'espiègle Lili (le mot est de Sartre) se marie en 1962 à un beau sculpteur américain. Jean Grouet l'a fréquenté à l'époque: «Bob Westhoff était homosexuel. Il a vécu avec François Gibault, le biographe de Céline. Françoise s'est retrouvée enceinte de lui, il lui fallait se marier vite. C'était un bon père. Mais il est mort à cause de l'alcool.»

    Ancien soldat, acteur puis mannequin, ce personnage de roman fut, aussi, l'un des traducteurs de Sagan en langue anglaise. De leur union naquit un fils, Denis. «Elle voulait vraiment cet enfant, elle n'aurait pas pu vivre sans en faire un,» estime Massimo Gargia. Modeste, sensible et courtois, l'enfant a aujourd'hui 45 ans et ressemble à sa mère, surtout quand il sourit. Il conserve le souvenir d'une femme toujours présente: «Elle savait en permanence où j'étais. Elle s'inquiétait pour moi.» Irresponsable pour elle-même, elle ne l'était pas avec lui et l'éleva selon ses principes: «Quand elle a réalisé que je traînais un peu trop dans les bars, elle a tenu à ce que je fasse mon service militaire.» Sans omettre une bonne instruction: «Elle m'a fait lire ses romans préférés, en commençant par La chartreuse de Parme. A la maison, il y avait des livres partout.»

    L'écriture, malgré tout
    La légende de la «mademoiselle Chanel de la littérature», comme l'a surnommée Frank, a souvent occulté l'oeuvre, pourtant placée dès les débuts sous les auspices de Proust et de Stendhal. Bertrand Poirot-Delpech l'avait rappelé: Sagan est d'abord, et surtout, un écrivain. Et ses livres n'ont pas vieilli, soulignait dans Lire en 2004 notre regretté confrère Jean-Jacques Brochier. Réputée oisive, Sagan publia un livre tous les dix-huit mois - sans compter les scénarios, les poèmes, les chansons. On ne la voyait pas écrire car elle remplissait ses cahiers Clairefontaine la nuit. A partir de 1970, elle dicte ses textes et n'hésite pas à convoquer sa secrétaire à quatre heures du matin. Laure Adler se souvient de ses débuts aux côtés de l'éditeur Christian Bourgois, en 1991: «J'ai travaillé avec Sagan sur son roman La laisse. Elle était très demandeuse, aimait être lue, discutée, corrigée. Pour elle, les critiques étaient nécessaires, vitales. La forme littéraire n'était pas le fruit du deuxième ou du troisième jet mais de ce work in progress, ce chantier en construction. Elle réécrivait beaucoup, redemandait des relectures et corrigeait encore au moment où le texte partait à l'impression. On avait une impression de grande incertitude, d'humilité. En fait, c'était une petite fille. Perdue.» Le genre de femme qu'on a envie de protéger, tellement elle semble s'excuser de sa gloire. Le phénomène Sagan? «Il s'agit avant tout d'un phénomène sociologique», répondait l'intéressée. Pourtant, elle intimidait Simone de Beauvoir. A cause de l'acuité de son regard, peut-être... «Rien ne lui échappait. J'avais l'impression qu'elle percevait tout», se souvient Annick Geille. Sagan aurait même fait la conquête d'Ava Gardner, révèle Marie-Dominique Lelièvre: «Par la force de l'esprit, elle avait séduit une des plus belles femmes du monde.»

    L'intelligence revient sans cesse à son propos. La définition qu'elle en donnait dans Répliques, le recueil d'entretiens édité par Grouet, est celle du coeur: «Avec de l'imagination, on se met à la place des autres, et alors on les comprend, donc on les respecte. L'intelligence, c'est, d'abord, comprendre au sens latin du terme.» Elle applique elle-même ce principe, atteste Laure Adler: «Elle avait un rapport simple, modeste et direct avec les gens. Elle se mettait à égalité avec vous. Même si vous n'étiez rien.» Annick Geille nuance: «Elle avait un tel souci de ne blesser personne qu'elle déployait des trésors d'hypocrisie pour faire croire au moindre raseur que son commerce était divin.» Pourtant, quand Sagan s'ennuie trop, c'est-à-dire souvent, il lui arrive d'abandonner ses invités pour bouquiner. Cette curieuse solitude imprègne toute son oeuvre. Les écrits lui servent de refuge. «Quand nous habitions ensemble à Rome, rapporte Gargia, elle passait des heures à lire devant le Colisée.» Parmi ses «milliers de livres préférés»: Les palmiers sauvages de Faulkner, Adolphe de Benjamin Constant et Les mots de Sartre. Elle se rêve en héroïne proustienne - d'où son attirance pour les noms à consonance aristocratique, comme les Rothschild. Mais depuis le duc de Guermantes, l'époque a changé: avec Bernard Frank, elle forme une sorte de couple à la Scott et Zelda Fitzgerald. Zelda n'est-il pas le nom de l'héroïne de sa pièce Il fait beau jour et nuit? Sagan a toujours aimé le théâtre. Et la chanson. Elle admire Billie Holiday, Orson Welles, Tennessee Williams. Elle se lie avec eux lors de ses séjours américains et en brosse de mémorables portraits dans Avec mon meilleur souvenir. Elle s'entend avec les écorchés car, au fond, elle leur ressemble. «Aux yeux des filles de ma génération, poursuit Laure Adler, c'était l'icône de la liberté sexuelle, de la rapidité d'écrire (avec grâce), elle conduisait à tombeau ouvert, aimait le sable chaud et les beaux mecs. Mais dans la réalité, elle n'avait pas ce côté solaire qu'on a tant décrit. Elle n'était pas sûre d'elle - et ce n'était pas de la fausse modestie, elle ne composait pas. Elle était dans la déchirure de l'être.» Et n'était rigoureuse que dans l'écriture.

    Aimer perdre
    Vingt ans après Bonjour tristesse, toujours en avance sur son époque, Sagan mène une existence de punkette boulimique. Amphétamines, anxiolytiques, cocaïne, piqûres de morphine, crises de delirium tremens, asile. Elle devient intime avec la veuve d'un gangster, fréquente des toxicomanes. La brigade mondaine perquisitionne chez elle. L'égérie de Sartre se réveille avec la nausée. Entre-temps, elle s'est fâchée avec Flammarion. «Il a retiré tous ses livres de la vente, allant jusqu'à casser les plaques d'impression», raconte Denis Westhoff. Massimo Gargia la retrouve en 1985: «Elle était déjà fatiguée à quarante ans, n'avait plus la force de sortir. Elle ne supportait plus les boîtes de nuit, les mondanités. Elle n'aimait pas ce milieu de la jet-set, au fond. Comme Bardot, elle préférait vivre dans la simplicité, le désordre.»

    Les années Mitterrand seront son chant du cygne. A l'époque, Laure Adler est conseiller culturel de l'Elysée: «Ils étaient très liés, Mitterrand et elle. Nous avons fait ensemble des voyages en hélicoptère. Elle arrivait en retard et faisait attendre tout le monde, y compris le Président. Cela l'amusait. Ils avaient une relation très tendre - pas amoureuse. Il me parlait d'elle avec admiration, il avait lu tous ses livres.» Cette amitié vaudra à Sagan de nombreux déboires. Et contribuera à brouiller un peu plus son image auprès du public. En 1985, tombée dans le coma lors d'un voyage officiel du Président en Colombie, elle est rapatriée d'urgence. Les médias évoquent une overdose, Jack Lang parle de mal d'altitude.

    En 1991, André Guelfi, l'un des protagonistes de l'affaire Elf (sous le nom de Dédé la Sardine), demande à l'écrivain d'intervenir auprès de François Mitterrand pour favoriser l'activité de la compagnie pétrolière en Ouzbékistan. Endettée jusqu'au cou, Sagan accepte, contre la promesse d'une commission de 5,5 millions de francs. Selon Marc Francelet2, qui servit d'intermédiaire, seule une partie de la somme aurait été versée, sous forme de travaux dans son manoir normand, qu'elle omet de déclarer aux services fiscaux. «Elle avait un petit côté coquin et aimait les filouteries. D'ailleurs, Mitterrand l'a un jour comparée à Mata Hari. Mais, dans cette histoire, on s'est servi d'elle pour blanchir de l'argent. Les travaux ont été facturés quatre millions de francs, il y en avait à peine pour le tiers...» plaide son ayant droit Denis Westhoff. En février 2002, Françoise Sagan est condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale et doit rembourser, aggravés des pénalités, les revenus dissimulés. «Elle a dû vendre ses bijoux et les plus beaux cadeaux qu'elle avait reçus dans sa vie. Les droits sur ses derniers livres partaient directement aux impôts», témoigne Massimo Gargia. Amie des grands de ce monde, elle se croyait au-dessus des lois, la voici officiellement insolvable.

    Jean Grouet, à la fois agent et éditeur, tente d'endiguer les problèmes financiers: «Françoise écrivait quand elle était acculée par les dettes. Elle m'a fait vendre trois fois la même nouvelle. Elle avait toujours besoin d'argent. Quand elle m'en empruntait, elle disait: "Je ne vous le rendrai jamais mais je ne vous en voudrai pas." CBS a accepté de payer 20 000 dollars une interview d'elle avec Brigitte Bardot. Le problème, c'est qu'elles n'avaient rien à se dire...» Massimo Gargia garde le souvenir d'amusants trafics: «Françoise revendait les cadeaux en or, en argent ou en cristal de sa grande amie Marie-Hélène de Rothschild, qui avait financé sa pièce Château en Suède. Le jour où Marie-Hélène s'en est rendu compte, elle s'est mise à lui offrir de fausses fourrures. Et lorsque Françoise a préfacé le livre d'une amie très riche, elle a demandé à être payée au noir...»

    Pourtant, l'oeuvre de Sagan généra longtemps des sommes colossales, aux quatre coins du monde. Bonjour tristesse fut un best-seller en Italie, dans sa version... française. Et se vendit à deux millions d'exemplaires aux Etats-Unis, où la Fox déboursa 100 000 dollars pour les droits du roman Le garde du coeur. Traduite en Corée du Sud et en Chine, Sagan fut aussi l'un des seuls écrivains français autorisés en Russie pendant la guerre froide. Le journaliste Guillaume Durand est l'un de ses ardents défenseurs: «Ce n'était pas une tricheuse. Elle ne s'est pas installée en Suisse, comme d'autres. Elle distribuait son argent à ses copains. Elle ne possédait rien à part ses voitures et une maison bizarre. Tellement de gens ont profité d'elle, chacun se prétendait son meilleur ami.» Tous les proches de l'écrivain conservent le souvenir de sa grande générosité. «Sa table était toujours ouverte, avec les meilleurs vins et du caviar», précise Gargia. Elle offrait bijoux, vêtements... jusqu'à ses propres manuscrits. Son fils n'en a récupéré qu'un seul, un inédit illisible. Bonne joueuse, elle se contentait de proclamer, à propos des biens matériels: «J'aime perdre.»

    A la fin de sa vie, la star déchue loge avenue Foch, chez son amie Ingrid Mechoulam, épouse d'un millionnaire. Ruinée, privée de chéquier, elle peut à peine s'acheter ses cigarettes. «Cette amie l'a soignée, emmenée à l'hôpital et sauvée financièrement - mais elle l'a coupée du monde, juge Denis Westhoff. Massimo Gargia défend l'amie qu'il présenta à Sagan: «On est possessif, quand on est amoureux. Ingrid l'a quand même soutenue pendant douze ans, jusqu'à la fin... "Il n'y a que des preuves d'amour", disait Cocteau!» Guillaume Durand fréquente l'écrivain déchu à cette époque, pour un projet de livre: «Sa principale blessure venait de cette histoire avec le fisc. Elle se sentait coincée. Elle s'est enfermée dans un désenchantement élégant. Démunie, au bout de sa vie, dans un écrin de luxe. Et personne n'a rien fait, soi-disant à cause de ses problèmes de cocaïne. Elle avait une ébriété à l'égard de l'argent. Ce n'est pas toléré par la société. Charasse (NDLR: alors ministre du Budget) s'est vanté de ne pas l'avoir aidée!» Selon Laure Adler, la Présidence aurait eu les moyens d'annuler une dette, mais l'ancienne conseillère n'en dit pas plus. Gargia est plus explicite: «Quand Mitterrand est tombé, c'est devenu très dur pour Françoise.» Durand poursuit: «Seuls des amis un peu voyous lui ont tendu la main. Francelet lui a fait vendre une chanson à Johnny.» Ce sera son dernier texte... «Elle déclinait physiquement et devenait très difficile d'accès. La porte ne s'ouvrait plus, même pour François Mitterrand.» Pour Durand non plus: son livre d'entretiens ne sortira jamais. «Elle restait en pyjama, lisait les grandes romancières anglaises et écrivait au lit, sa célèbre Kool à la main. Elle demeurait pourtant pudique et coquette, se remaquillait un peu avant de me recevoir.» Laure Adler se rend avenue Foch au même moment: «Elle était affaiblie et bouleversante. Elle marchait à petits pas, mettait un temps fou à ouvrir la porte. Je venais pour écrire une biographie mais je n'osais pas prendre de notes... Je me souviens de conversations sur des sujets profonds, comme la religion. A la fin de la journée, elle continuait à parler dans l'obscurité, elle n'allumait même pas la lumière.»

    Françoise Sagan s'éteint le 24 septembre 2004, à Equemauville, d'une embolie pulmonaire. Elle repose désormais auprès de Peggy Roche. Juliette Gréco, présente aux obsèques avec les derniers fidèles, en a donné l'explication au Monde: «Elle a demandé à être enterrée à Cajarc (Lot), dans le pays où elle est née, qu'elle aimait, avec une femme qu'elle a aimée et qui l'a aimée jusqu'au bout.» Pourtant, le nom de ce grand amour n'est pas inscrit sur la tombe. Pudique jusqu'au bout. A propos de Sarah Bernhardt, dont elle se fit la biographe, Sagan écrivait: «Ce que j'aime en elle, c'est cet humour qu'elle a gardé jusqu'au bout. Elle a eu une vie gaie et heureuse et elle n'a pas été punie parce qu'elle avait plein d'amants.» Souhaitait-elle, secrètement, qu'on en dise autant d'elle?

    1) Cité par J.-C. Lamy dans Sagan. 2) Cité par M.-D. Lelièvre dans Sagan à toute allure.

    Sans vous aimer par Michaël Delmar, 192 p., Scali, 16 euros 5, rue des Italiens par Bernard Frank, 714 p., Grasset, 24,50 euros Les femmes qui écrivent vivent dangereusement par Laure Adler et Stefan Bollmann, 150 p., Flammarion, 29 euros Sagan par Jean-Claude Lamy, 340 p., Mercure de France, 22 euros

    Les oeuvres complètes de Françoise Sagan sont publiées par Robert Laffont, dans la collection Bouquins créée par son premier mari, Guy Schoeller.

    http://www.lire.fr/enquete.asp?idc=52055&idR=200&idG=

  • Jeanne Moreau dans le tourbillon de la vie

    Propos recueillis par Dominique Borde et Marie-Noëlle Tranchant
    31/01/2008 | Mise à jour : 18:39 |

    Crédits photo : ASSOCIATED PRESS

    À l'occasion de ses soixante ans de carrière la comédienne fait l'objet d'une grande rétrospective à la Cinémathèque française.» VIDÉO INA - L'interview de Jeanne Moreau par Marguerite Duras (Marguerite Duras, un rôle magistralement interprété par Jeanne Moreau en 1981 dans «Cet Amour-là», de Josée Dayan)

    Quelle actrice! Quelle femme! Avec Jeanne Moreau tout se confond en soixante années d'une carrière de plus de cent films, de dizaines de pièces, de téléfilms, d'écrits et d'interventions. D'Ascenseur pour l'échafaud au Procès, de La Reine Margot au Journal d'une femme de chambre, des Liaisons dangereuses aux Valseuses, elle n'a pas arrêté de tourner, de parler. Non pas d'elle mais des autres, de ses rencontres, Malle, Truffaut, Losey, Welles, de son métier, de ses découvertes, du futur. Car elle est toujours tournée vers l'avenir. Aujourd'hui, alors que le festival Premiers Plans d'Angers vient de la fêter, la Cinémathèque française lui rend hommage du 6 février au 3 mars en programmant plus d'une cinquantaine de films (le 9 à 17 heures une rencontre sera organisée salle Henri-Langlois avec Serge Toubiana). Elle qui n'aime pas se retourner sur le passé a toutefois accepté de réagir à certains mots, certains noms qui ont jalonné sa vie et ses rôles.

    Enfance «J'écris beaucoup de discours sur les autres souvent à l'occasion de remises de décorations, et ce qui m'intéresse, c'est de chercher l'enfant qui est en eux. Ma nature s'est dessinée dès que j'ai commencé à écrire… à quatre ans. Mon oncle m'envoyait des lettres et j'ai vite compris que la lecture, c'est la liberté. J'avais un petit copain que je terrorisais, son père était médecin et avait une grande bibliothèque. C'est là que j'ai découvert La Faute de l'abbé Mouret de Zola à 7 ans. Et je puisais aussi dans la «Bibliothèque verte » et la collection des «Contes et légendes.»

    Temps «Je le vis comme un trésor. Cela permet d'avancer, de faire des progrès, de découvrir des tas de choses. La vie a une fin inéluctable, on a juste le temps qu'il faut pour aller à la découverte. Dans la rétrospective de la Cinémathèque, j'ai tenu à faire figurer des films de mes débuts, pour qu'on voie l'évolution.»

    Vocation «Le choc s'est produit en voyant l'Antigone d'Anouilh pendant l'Occupation. Elle incarnait l'insoumission de celle qui acceptait de mourir pour rétablir le droit divin contre Créon, la force de l'État. La vocation a une dimension presque sacrée. C'est un engagement et c'est vrai pour beaucoup de comédiens. Une vocation ce n'est pas une envie. C'est quand on sait qu'on doit faire cela et pas autre chose. C'est intraduisible avec des mots, comme la musique. C'est ce que me disait encore hier Barenboïm. Sur scène, c'est comme un orchestre, on s'écoute les uns les autres et on écoute la résonance en soi. On est traversé, on n'y est pour rien. Je me compare à un tuyau d'arrosage !»

    Star «Je ne me vis absolument pas comme une star. Je n'y ai jamais pensé et je n'ai aucun souci de mon image. J'ai débuté au cinéma avec les grandes stars de l'époque, comme Fernandel dans Meurtre, ou Gabin dans Gas Oil, et cela s'est passé très naturellement. Ils se sont montrés simples et gentils. Je me souviens de Gabin : on l'entendait venir de loin. Mon enthousiasme l'amusait. Il disait: “Il y en a une qui chante ! Elle est contente de faire du cinéma ! Ça te plaît, hein ?” Oui, ça me plaisait…»

    Louis Malle «Il y avait en lui une insatisfaction profonde, une quête désespérée, comme une cassure. Il venait d'une famille bourgeoise et essayait d'en sortir. Comme Truffaut, il avait cet amour des femmes. Tous les grands cinéastes quand ils choisissent une héroïne et aussi un héros sont dans une relation amoureuse, parce qu'ils emprisonnent une personne, la mette à leur service. Un tournage, c'est une intimité incroyable, une accélération du temps et des émotions.»

    Scandale «Les Amants, Eva, Jules et Jim ont fait scandale à l'époque et quand dans la rue, on me traitait de putain après Eva, je comprends ce qu'on voulait dire. Mais ce n'est pas mon métier de me cacher…»

    François Truffaut «Il me l'a dit après, avec Jules et Jim il voulait laisser son empreinte. J'avais une image assez dramatique, j'étais la pensive, la fatale. Là il m'a voulu joyeuse. Mais nous nous sommes brouillés quand j'ai réalisé mon premier film, Lumière. Je lui ai envoyé mon scénario et il me l'a renvoyé, complètement annoté.

    Ce n'était plus mon film mais le sien et je le lui ai renvoyé. Bien plus tard, nous nous sommes revus et il m'a dit: “Les plus grandes rivalités ne sont pas entre actrices comme je le croyais mais entre réalisateurs”.»

    Luis Bunuel «Nous avions deux projets qui n'ont pas abouti : Au-dessous du volcan et Le Moine. C'était un homme adorable… Bien après sa mort quelqu'un m'a envoyé des photos de sa maison à Mexico, entièrement vide. C'était déchirant. Là-bas il avait un bar bien rempli avec un plan du métro de Paris affiché au mur.»

    Écriture «J'aime écrire mais je n'ai pas toujours le temps nécessaire au milieu de toutes mes activités. Là je vais partir pour Berlin présenter le film d'Amos Gitaï One Day you'll Understand, et avant j'enregistre en français, en anglais, en italien, les textes qui accompagnent le musée itinérant commandé par Karl Lagerfeld. Un parcours initiatique vocal pour suivre sept cents pièces conçues par une architecte iranienne.»

    La politique «On ne peut pas la regarder de loin parce qu'elle a des conséquences directes sur notre vie quotidienne. Aujourd'hui, il y a une accumulation de décisions quelquefois contradictoires qui accroissent un sentiment d'instabilité. Les gens sont très anxieux pour leur avenir, pour la pérennité du travail. Celui-ci n'est pas seulement un moyen de gagner sa vie, c'est aussi l'accomplissement d'un individu, une façon d'exister. En province où je me rends souvent, l'inquiétude est palpable.

    Bien sûr que les choses doivent changer. Mais la familiarité ne veut pas dire la compréhension, et la compassion fugitive ne veut pas dire que l'on s'intéresse vraiment aux autres!»

    Politique spectacle «Il ne faut pas mélanger les deux. Dire que les politiciens font du cinéma, c'est dire du mal du cinéma.»

    Hommages «C'est agréable mais encombrant ! L'abondance embarrasse et arrête.»

    Jeunesse «J'ai tourné jeune avec de jeunes réalisateurs : Orson Welles qui était un roi en exil, Losey qui fuyait le maccarthysme, Tony Richardson qui incarnait la nouvelle vague anglaise. J'ai souvent fait des premiers films et j'en vois aussi beaucoup. D'où mon intérêt pour le festival Premiers Plans d'Angers consacré aux réalisateurs débutants. J'ai lancé il y a quatre ans les Ateliers d'Angers où on sélectionne des réalisateurs pour leur permettre de faire leur premier long-métrage. Cette année, il y en aura sept que nous prenons en charge pendant dix jours en les mettant en rapports avec toutes les techniques (son, décors, images, régie). J'aime éveiller leurs possibilités. Certains trouveront leur voie soit dans l'écriture, soit dans la photographie. Angers, c'est la pouponnière de Cannes.»

    Les films préférés «Je n'en ai pas. Je suis faite de tout ce que j'ai fait. Je ne porte pas de jugement. C'est au public de décider. Pour moi, toutes les expériences ont été enrichissantes. On apprend autant en tournant avec des metteurs en scène insuffisants, car même quand on est déçu on doit donner le maximum. Je suis un petit soldat!»

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  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Prix Simone de Beauvoir

    Créé à l'occasion des cent ans de la naissance de Simone de Beauvoir, le Prix "Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes" aurait pu récompenser la peintre finlandaise ci-dessus louée. Il vient d'être décerné à deux admirables figures de courage et d'intelligence : Ayaan Hirsi Ali, femme politique neerlandaise, qui se définit souvent comme une "Voltaire noire", dont on relira L'insoumise, sur les relations homme-femme dans la religion. Le Prix a aussi été attribué à Taslima Nasreen, poursuivie par les fondamentalistes depuis son premier roman, La Honte, sur l'oppression de la communauté hindoue au Bengladesh. ◆ M.Ln.

    Source: Télérama.fr

  • Catégories : Des femmes comme je les aime

    Sylvie Testud.

    LEXPRESS.fr du 13/11/2007

    Sylvie Testud
    Les choix de Sylvie
    Propos recueillis par Géraldine Catalano
    Elle ne ressemble à personne et c'est tant mieux. Cinéma, théâtre, télévision et littérature, Sylvie Testud est partout. Confidences d'une passionnée qui ne conçoit sa vie et son métier qu'à toute allure.
    Même moi, je m'embrouille», avoue-t-elle en faisant le récapitulatif de son actualité automnale: dans l'ordre La France, de Serge Bozon (sortie le 21 novembre), Ce que mes yeux ont vu, de Laurent de Bartillat (28 novembre), Biographie sans Antoinette, qu'elle interprète en ce moment sur les planches de la Madeleine. Il y a aussi l'écriture du scénario de Gamines, son troisième livre, la préparation du quatrième. Et bien sûr ce Sagan de Diane Kurys, qui fera l'événement l'an prochain sur France 2. Bref, il faudra bien plus d'une Marlboro light pour parler du métier, de la vie, mais aussi d'autres sujets d'importance. Comme ces bottes rouge vermillon qui redonnent des couleurs à une autrement bien grise après-midi de novembre.
    Combien de paires de chaussures dans votre garde-robe?
    Oh! la la!... Une centaine environ. Je suis une dingue de chaussures. J'en ai des dorées, des argentées, des rouges, des bleu électrique...

    Vous vous définissez comme une angoissée. Mais il ne faut pas être peureuse pour affronter Jean-Pierre Marielle au cinéma, Thierry Lhermitte au théâtre, et ressusciter Sagan à la télévision, tout cela en quelques mois...
    Je dis souvent, pour rigoler, que je suis la plus courageuse des flippées. Dompter mes peurs, c'est ce qui me fait avancer. Je sais que Sagan, par exemple, est mon plus gros risque de ratage. Je stresse à mort. De toute façon, je stresse dès le premier jour d'un tournage. C'est comme pour un premier rendez-vous, on ne sait jamais si la magie va opérer ou pas. Au théâtre, c'est plus pesant encore: l'édifice est très fragile. On dépend tous les uns des autres.

    Et dans la vie, vous gérez comment?
    Comme je peux... Cette nuit, par exemple, je vais dormir seule, parce que mon copain et mon fils sont partis en vacances. Je sais que ça va être pénible...

    Dans Ce que mes yeux ont vu, Jean-Pierre Marielle, votre partenaire, prétend qu'il ne faut jamais, dans le travail, se laisser déborder par ses sentiments. C'est valable aussi pour le métier d'acteur?
    La plupart des acteurs répondront oui. Moi, je me laisse toujours dépasser par mes sentiments, dans mon métier comme dans la vie. Parfois, je me brûle un peu... Ce n'est pas un hasard si j'ai attrapé une pneumonie juste après le Sagan: j'en suis sortie lessivée. Je me souviens aussi des Blessures assassines. J'étais dure, renfermée sur moi-même. A la fin, je n'avais qu'une envie: me maquiller, rire avec mes copines. En fait, c'est une question de volonté. Chez moi, il arrive toujours un moment où la vie reprend le dessus. Où je me dis: «ça suffit!»

    Pour lire la suite et voir des vidéos:http://www.lexpress.fr/mag/cinema/dossier/entretiencine/dossier.asp?ida=461488&xtor=RSS-96

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    Quand tu chantes

    a807174a8be6bdcebeaa042579779a2e.jpgLa Fille de la chauve-souris, de Nana Mouskouri - Éditions XO, 431 p., 21,90 €.

    LENA LUTAUD.
     Publié le 11 octobre 2007
    Actualisé le 11 octobre 2007 : 10h26
    À 72 ans, la chanteuse fait revivre toute une époque. Celle où Alain Delon lui envoyait des fleurs après une partie de poker endiablée, où elle cultivait une amitié amoureuse avec Serge Lama, partait en tournée aux États-Unis avec le sublime Harry Belafonte et tenait tête en Australie à Frank Sinatra furieux de voir que sa suite préférée avait été louée à une « petite » chanteuse grecque. Les premiers chapitres de ses Mémoires racontent, avec beaucoup d'émotion, son enfance grecque, sa mère qui se battait pour que ses enfants ne meurent pas de faim, ses concerts dans une Europe dévastée et l'émancipation difficile d'une femme soumise à la culture machiste méditerranéenne. Très vite, le succès est là. Et les anecdotes sur ses rencontres avec Marlene Dietrich, Bob Dylan, Audrey Hepburn et sur ses concerts privés en l'honneur des grandes familles royales européennes fusent. Au fil des pages, l'image d'une chanteuse au regard habité façon grande prêtresse s'estompe. Et on découvre une femme extraordinaire à laquelle on s'attache, même si on décèle, entre les lignes, une certaine ambivalence. Notamment en ce qui concerne son silence face au régime des colonels en 1969. Ce qu'elle justifie d'une phrase : « C'est vrai, on ne m'a pas beaucoup entendue, mais je crois que dans la vie, chacun se bat à sa façon, selon ce que lui inspirent son coeur et sa raison. » On referme le livre en ayant l'impression d'avoir beaucoup appris sur une époque révolue et on sourit en s'apercevant qu'à la fin du livre, elle situe Oslo en Suède...
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    Quand les femmes assument leur pouvoir

    SOPHIE FAY.
     Publié le 12 octobre 2007
    Actualisé le 12 octobre 2007 : 07h39

    La troisième édition du Women's Forum se déroule à Deauville.

    Un forum, un livre, des prix, des enquêtes internationales. À Deauville pendant trois jours, les femmes d'influence se mobilisent.
    « Casual chic », c'est le code vestimentaire du Women's Forum for the Economy and Society (le Wefco), qui se tient sur la côte normande jusqu'à samedi. En clair, le tailleur strict n'est pas obligatoire ; entre femmes, on peut opter pour une tenue plus décontractée. En réalité, les 1 200 participantes prennent cette réunion internationale très au sérieux et ne se sont pas départies de leurs tenues plutôt sombres et strictes.
    Ces femmes de pouvoir ne risquent-elles pas de s'offusquer que l'on parle autant de leur look que de la stratégie de leur entreprise, de leur ONG ou de leur ministère ? Pas forcément. Ici, elles s'assument pleinement. Et ne boudent pas les corners de détente chers à l'organisatrice du Forum, Aude de Thuin, où l'on peut changer de look (Le Printemps), consulter au stand Marionnaud une spécialiste des sourcils, Anastasia Soare (of Anastasia Beverly Hill !), ou prendre un thé au café des écrivains avec Titouan Lamazou.
    Car les agréments ne font pas oublier le thème du Forum : mieux valoriser la place des femmes dans l'entreprise, la société et l'État, avec l'espoir d'« améliorer la confiance » dans les institutions. Une délégation de femmes du cimentier Lafarge venues des quatre coins du monde monte ainsi, en marge de cette réunion, des projets concrets pour améliorer l'information et la parité dans l'entreprise. Cela existe déjà chez McKinsey.
    Pour encourager toutes les entreprises à faire de même, Sandrine Devillard, directeur associé de ce cabinet de conseil, a présenté une étude édifiante. « On pourrait penser que puisque 55 % des étudiants sont des filles, elles auront une place équivalente dans l'entreprise de demain. Mais c'est loin d'être le cas », prévient-elle.
    En 1975, il y avait en France 41 % de filles parmi les étudiants. En 2006, on n'en retrouve que 8 % dans les comités de direction de 50 premières entreprises. S'il n'y a pas d'action proactive pour améliorer la place des femmes, en 2035, les 58 % de filles étudiantes en 2005 ne représenteront jamais que 11 % des comités de direction. Or « homme ou femme, nous avons beaucoup à gagner à ce que les femmes soient plus présentes », insiste McKinsey. D'abord, parce qu'en 2040, vieillissement oblige, la population active européenne aura perdu 24 millions de personnes. À moins que les femmes se mettent à travailler autant que les hommes. Le déficit serait alors limité à 3 millions.
    Révolution culturelle
    Entreprise par entreprise, l'intérêt est aussi très fort. L'étude, réalisée sur 100 sociétés, auprès de 58 000 personnes, montre que dans les entreprises où il y a trois femmes ou plus dans les équipes de direction, 57 % des salariés approuvent la « vision stratégique » de la direction contre 51 % dans les groupes qui n'emploient pas de femme et les résultats financiers sont meilleurs.
    Pour faire progresser plus de femmes, il faut toutefois une révolution culturelle dans l'entreprise et la société. « Le modèle de travail»anytime-anywhere* - qui veut que les cadres dirigeants soient disponibles à tout moment pour aller partout - n'est pas toujours compatible avec la vie de femmes qui continuent à faire chaque jour deux heures de tâches domestiques de plus que les hommes », explique la consultante.
    Le retard et les inégalités actuelles ont toutefois parfois du bon. « Aujourd'hui, je n'ai pas à m'excuser de mon salaire, car je suis moins bien payée que les PDG masculins », plaisante Anne Lauvergeon, d'Areva à la tribune.
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    Le prix Nobel de littérature va à Doris Lessing

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    Doris Lessing aura 88 ans le 22 octobre.
    Cleaver/AP.
    M.S. (lefigaro.fr) avec AFP.
     Publié le 11 octobre 2007
    Actualisé le 11 octobre 2007 : 15h57

    La romancière britannique, 88 ans, a devancé tous les favoris.

    On parlait de l’Américain Philip Roth ou du Japonais Haruki Murakami. C’est finalement à la romancière britannique Doris Lessing que le prix Nobel de littérature a été attribué cette année.

    Le comité Nobel a choisi de récompenser "la conteuse épique de l'expérience féminine, qui avec scepticisme, ardeur et une force visionnaire scrute une civilisation divisée", a indiqué dans un communiqué l'Académie suédoise pour expliquer son choix. Doris Lessing aura 88 ans le 22 octobre. Depuis le début du prix en 1901, elle ng est la 11ème femme à obtenir le Nobel de littérature. 
    La romancière s'est dite "ravie" de cet honneur. "Ca fait 30 ans que ça dure", a-t-elle déclaré. "J'ai remporté tous les prix en Europe, tous ces foutus prix, alors je suis ravie de les avoir remportés. C'est un flush royal", a-t-elle commenté, employant un terme utilisé dans le poker.
    Des incursions dans la science-fiction
    Née en Perse, actuellement l'Iran, en 1919, alors que son père était capitaine dans l'armée britannique, Doris May Taylor a ensuite vécu une partie de son enfance en Afrique, ce qui marquera son oeuvre. Cet ancien membre du parti communiste britannique, qu'elle a quitté en 1956 lors de l'écrasement de la révolte hongroise, a souvent été comparée à la Française Simone de Beauvoir pour ses idées féministes.
    "Le Carnet d'or" ("The Golden Notebook", 1962), son livre le plus connu, raconte ainsi l'histoire d'une femme-écrivain à succès qui tient son journal. L'écrivain a su explorer tous les styles, n'hésitant pas à faire des incursions dans la science-fiction avec les cinq tomes de sa série "Canopus in Argos" écrite entre 1979 et 1983. Doris Lessing vit actuellement dans la banlieue londonienne.
    L'année dernière, le prix avait récompensé le romancier turc Orhan Pamuk. Le Nobel de littérature est doté comme les autres prix Nobel de 10 millions de couronnes suédoises (environ 1,08 million d'euros) et sera remis le 10 décembre à Stockholm.