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Des lieux - Page 21

  • Catégories : Des lieux, L'actualité, La cuisine

    Fête de l'escargot à Digoin: le record de 100.000 escargots dégustés battu

    aa70c35d26cf001d1dc2ca2888c254e7.jpgMÂCON (AFP) - Le record de l'an dernier a été battu ce week-end à Digoin (Saône-et-Loire), où 8.400 douzaines, soit 100.800 escargots de Bourgogne, ont été engloutis au cours de la 18e fête de l'escargot qui se terminait lundi soir, a-t-on appris auprès des organisateurs.

    Selon Jacky Pommier, président du comité d'organisation, "tous les records ont été battus, malgré la pluie", qui s'est abattue lundi après-midi.

    "Nous avons eu plus de monde que l'année dernière avec de nombreux vacanciers originaires de toute la France, et des étrangers également", a-t-il ajouté.

    Selon lui, 500 kg de beurre, 55 kg de persil et 33 kg d'ail ont été nécessaires pour la préparation, selon la recette "traditionnelle", de cette variété d'escargots.

    Les animaux servis pendant ces trois jours de fête, portant le label Escargots de Bourgogne, avaient été fournis par la société SA Grandjean, basée à Replonges (Ain), qui les fait venir de Pologne, où ils sont élevés.

    "De nombreux amateurs dégustent entre cinq et sept douzaines d'escargots au cours du même repas", a souligné M. Pommier.

    Cette manifestation, l'une des plus importantes du genre en France, attire chaque année des milliers de visiteurs. L'an dernier, plus de 8.000 douzaines d'escargots - 96.000 gastéropodes - avaient été dégustés par plus de 10.000 visiteurs.

    http://fr.news.yahoo.com/afp/20070806/tod-gastronomie-escargots-insolite-7f81b96_2.html

  • Catégories : Des lieux, La littérature, Le paysage

    Le guide du proustard. Un week-end en Marcel

    Dans «A la recherche du temps perdu», l'écrivain a immortalisé le Grand Hôtel de Cabourg et son personnel. Notre reporter a occupé sa chambre et profité du room service.

     

    Vous voici dans la chambre de Marcel Proust, au Grand Hôtel de Cabourg. Ici, le romancier séjourna tous les étés, après la mort de sa mère, de 1907 à 1914, et composa les chapitres balnéaires de «A la recherche du temps perdu». Le liftier-bagagiste, un bachelier de Bénéville qui se destine à des études de marketing sportif («Il paraît que ça rapporte»), pose votre valise puis vous regarde à travers ses lunettes avec un air d'abattement et d'inquiétude extraordinaire, comme s'il allait se jeter du haut des quatre étages. Vous avez lu «la Recherche», donc vous déchiffrez sans peine sa détresse et le pourquoi de sa mine atterrée. Comme le liftier de «Sodome et Gomorrhe», ce jeune Normand «tremble» pour son pourboire, il s'imagine que vous ne lui donnerez rien, que vous êtes «dans la dèche» et «sa supposition ne lui inspire aucune pitié pour vous, mais une terrible déception égoïste».

    Comment s'approprier la chambre de papier de Marcel Proust? Sous votre fenêtre passe, comme dans les pages de «A l'ombre des jeunes filles en fleurs», «le vol inlassable et doux des hirondelles» - sinon celui des «martinets». Devant vous s'étale la mer - cette mer que Proust peint sans cesse comme si c'était une montagne avec ses «contreforts» et ses «cimes bleues», et comme s'il avait trouvé dans la «surface retentissante et chaotique de ces crêtes et de ces avalanches» sa Sainte-Victoire. Sous vos yeux, un club de plage, le Canard club, et la digue où se matérialise pour la première fois Albertine, avec sa bicyclette. Cette digue s'appelle désormais la promenade Marcel-Proust.



    Quelle liturgie observer entre ces quatre murs pénétrés de littérature, dans ce belvédère du génie? Faut-il se masturber avec fureur en torturant des rats dans une cage, par déférence pour les manies sexuelles que lui prête un de ses pieux biographes? Faire l'artiste contemporain et, en guise d'installation vidéo, allumer la télé et répéter à voix haute: «Je regarde «Questions pour un champion» dans la chambre de Proust»? Consulter l'édition japonaise de «la Recherche» qui garnit, avec les «Mémoires» de Saint-Simon ou «la Comédie humaine », les bibliothèques en acajou. Vous coucher de bonne heure, et, en dormant, devenir vous-même, comme par métempsycose, ce dont parlait l'ouvrage ou le journal que vous lisiez: «Une église, un quatuor, la rivalité de François Ieret de Charles Quint», la fin du couple Royal-Hollande, la molaire d'Hatchepsout, la cocaïne d'Ophélie Winter? Se livrer aux mille tourments de l'insomnie, tel le narrateur anxieux, tragique et patraque qui, lors de sa première nuit à Cabourg, pardon, à Balbec, compare le palace à une «boîte de Pandore», et sa chambre à une «cage» plus «appropriée à l'assassinat du duc de Guise» qu'à son sommeil. Un coup de Trafalgar pour le groupe Accor, actuel propriétaire du Grand Hôtel, et une expertise à vous faire perdre une étoile dans le «Guide Michelin».

    Asthmatique, Proust découvre les bienfaits de l'établissement en juillet 1907, après avoir lu dans «le Figaro»un article vantant la «féerie» du Grand Hôtel de Cabourg, son «bar américain», ses chambres pourvues d'«un vaste cabinet de toilette avec toutes les commodités de l'hydrothérapie, chaude ou froide», etc. Son ancien camarade du cours Pape-Carpentier et du lycée Condorcet, Jacques Bizet, le fils du compositeur, dirige une compagnie de location de voitures, les Taximètres Unie de Monaco. Cette entreprise a une succursale à Cabourg. Proust loue un taxi avec trois chauffeurs. Parmi eux, il y a Alfred Agostinelli. Ce «mécanicien» devient l'objet de son «adoration» et l'une des clefs du personnage d'Albertine.


    PAS DE «SERVICE FEMMES»
    Votre «Guide du proustard» en poche, vous errez dans le hall mais vous êtes bien vite déçu. Où est le «peuple florissant de jeunes chasseurs», pareils aux «jeunes Israélites des choeurs de Racine», dont parle le narrateur dans «Sodome et Gomorrhe»? Soit récession économique, soit épidémie de gastro-entérite, «la troupe jeune et fidèle des Lévites» est dépeuplée. Dans le hall presque désert, tout ce que vous trouvez à vous mettre sous la dent, c'est Kooki. Ce charmant bagagiste d'origine tunisienne n'a rien d'israélite, mais sa figure ronde rappelle celle du chauffeur Agostinelli, la calvitie en plus. «J'ai pas fini les trois mille», dit-il, d'un air vaguement coupable, pour signifier qu'il n'a pas lu «la Recherche» dans son intégralité. Ce qui ne l'empêche pas de dire de jolies choses sur l'ouvrage. «Marcel Proust, c'est très large, comme la mer.» Mais dans son «orgueil démocratique» (selon la formule sardonique et grande-bourgeoise que Proust applique au liftier de Balbec), Kooki ne peut s'empêcher de vous préciser qu'il a deux frères avocats, un BTS réception, qu'il parle français, allemand, arabe, un peu italien, et que, outre ses fonctions de porteur («C'est nous qu'on s'occupe des bagages»), il fait aussi le night audit, c'est-à-dire le réceptionniste de nuit. Le souvenir de Nissim Bernard, personnage de Proust, vous traverse l'esprit. Amoureux des beautés ancillaires masculines, ce client du Grand Hôtel de Balbec entretient, «comme d'autres un rat d'opéra», un jeune chasseur qui a quarante ans de moins que lui. «Nissim Bernard aimait tout le labyrinthe de couloirs, de cabinets secrets, de vestiaires, de garde-manger, de galeries qu'était l'hôtel de Balbec. Par atavisme d'Oriental il aimait les sérails, et, quand il sortait le soir, on le voyait en explorer furtivement les détours.» Vous demandez à Kooki si le groupe Accor fournit toujours ce genre de prestations raciniennes. Il se récrie d'un air prude: «Ici, on a l'air, la mer et la lecture. On n'a pas un service femmes.» Moins giboyeux que Nissim Bernard, vous continuez votre expédition solitaire dans ce «Temple-Palace».

    «LA RECHERCHE» EN BD
    «J'ai pas mal de points communs avec Proust. Mon prénom, c'est Marcel. Et je suis asthmatique», vous confie le chef réceptionniste, le fils d'une femme de chambre de Lourdes. Il faudrait être atrocement snob pour tenir rigueur à Marcel de ne point compter la duchesse de Guermantes parmi ses clients: il a reçu Masako Ohya, la milliardaire japonaise qui s'habille en rosé. «Elle transportait les cendres de son mari dans son sac à main.» Avec le directeur du Grand Hôtel, vous faites chou blanc encore une fois - ou, pour le dire en termes proustiens, vous détruisez une nouvelle illusion: monsieur Sagnes s'exprime dans un français impeccable, contrairement au directeur du Grand Hôtel de Balbec, un athlète du barbarisme et du pataquès, qui se dit «d'originalité roumaine». Courtois et affairé, monsieur Sagnes, qui règne sur une soixantaine d'employés et soixante-dix chambres, vous recommande la version abrégée en cinq cents pages de «la Recherche» et son adaptation en BD. «Au risque, bien sûr, qu'elles n'intègrent pas toutes les finesses de l'oeuvre originale», dit-il. De toute évidence, monsieur Sagnes est un moins bon critique littéraire que Kooki. Le soir, vous dînez dans une brasserie de Cabourg. Sur le menu et sur le mur, un hideux portrait de Marcel Proust vous regarde. Avec sa moustache et ses yeux sombres, il ressemble à Frida Kahlo. Vous liez conversation avec votre voisine, une vieille dame aux souliers rouges. Cette proustienne est en train de désarticuler un crabe. «Vous aimez Proust? dit-elle. Il aime Proust! Il aime Proust!» Sauf le respect que vous devez à son âge, elle vous rappelle une créature de l'écrivain: «Chaque fois qu'elle parlait esthétique, ses glandes salivaires, comme celles de certains animaux au moment du rut, entraient dans une phase d'hypersécrétion telle que la bouche édentée de la vieille dame laissait passer, au coin des lèvres légèrement moustachues, quelques gouttes dont ce n'était pas la place.»

    Lorsque vous rentrez à l'hôtel, on a dressé une tente berbère dans le salon Marcel-Proust et une blonde, un boa constrictor autour du cou, se livre à la danse du ventre devant la baie vitrée qui donne sur la mer. Vous apprenez qu'il s'agit d'une soirée privée Nespresso. La firme fête le lancement d'une machine à faire du capuccino, avec cent cinquante revendeurs de Normandie, dont messieurs Cherron & Fils, de Caen. Quand on sait que c'est l'abus du café au lait qui a tué Marcel Proust, on se dit que ce tralala tient de la messe noire. Vous quittez ce sabbat, son troupeau de satanistes Darty ou Conforama, ses brochettes de dorade en chaud et froid, et vous remontez à votre chambre. Adieu, Cherron & Fils.

    Au moment où je vous parle, le « questionnaire de Proust» se trouve dans le coffre-fort de votre hôtel.

    Le lendemain après-midi, le maire divers droite de la ville, le docteur Jean-Paul Henriet, haute silhouette aux cheveux blancs, vous donne audience dans un salon de l'hôtel. Vous lui demandez qui a choisi les aimables passages de «la Recherche» qui ornent sur la digue les écriteaux en forme de pupitres. «Là, j'ai les chevilles qui vont enfler», vous dit cet angiologue du CHU de Caen. C'est lui-même. Henriet est le fondateur du cercle littéraire proustien de Cabourg-Balbec, dont le siège social est au Grand Hôtel. Ce week-end de juin, outre un jumping au profit de la lutte contre la sclérose en plaques, il organise un deuxième colloque international sur l'homme de sa vie, avec le spécialiste japonais Kazuyoshi Yoshikawa. A cette occasion, le facétieux Henriet fait modifier les panneaux indicateurs: Cabourg devient momentanément Balbec. «Vous imaginez, mon vieux, les mecs avec leur GPS, la tête qu'ils vont faire», dit-il avec une gouaille très duc de Guermantes. «Ah! les journalistes, je vais vous faire votre boulot, moi!» Et il vous apprend que le frère de Proust fut le premier à opérer une prostate en France. «Mais, ça, vous vous en en tapez le coquillard, hein? Bon, allez, je vais vous dire un truc. Au moment où je vous parle, le fameux «questionnaire de Proust»se trouve dans le coffre-fort de votre hôtel. Darel, qui doit avoir plein de pognon, vous savez, Darel, le mec qui vend des fringues, l'a acheté à Drouot en 2003 pour 120 000 euros.» Et il vous montre le facsimilé du questionnaire, dans un album britannique de 48 pages, intitulé «Album Confessions Records, Thoughts, Feelings». Enfin, il confirme vos pressentiments les plus noirs. Cette nuit, vous aviez noté que l'écrivain insistait à plusieurs reprises sur la «hauteur» du plafond de sa chambre. Or, la vôtre a le plafond bas. L'immeuble du Grand Hôtel fut scindé en 1956 et trois cents chambres furent privatisées pour former la résidence Le Grand Hôtel. La chambre - les chambres - de Proust se trouvaient sans doute dans cette aile. La voix de Marcel, le chef réceptionniste, résonne dans votre cervelle. «OEil-de-boeuf, oeil-de-boeuf, Proust parle d'un oeil-de-boeuf, on m'a dit, mais y en pas dans la chambre.» La chambre de Proust n'existe pas. Vous habitez un sépulcre vide. Kooki, s'il vous plaît, une double vodka pour la 414...

     

    Fabrice Pliskin
    Le Nouvel Observateur

    http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350713-un_weekend_en_marcel.html

  • Catégories : Des évènements, Des lieux, L'érotisme, La littérature

    L'abbaye de Lagrasse troublée par sa "nuit sexuelle"

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    SOPHIE DE RAVINEL.
     Publié le 04 août 2007
    Actualisé le 04 août 2007 : 21h05

    La polémique fait rage dans ce joyau du pays cathare, propriété du conseil général de l'Aude et de chanoines traditionalistes, à l'occasion d'une manifestation littéraire organisée par le département, qui veut récupérer les lieux.

    L'abbaye médiévale de Lagrasse, dans l'Aude, va résonner des sulfureuses rumeurs de Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pasolini. Demain, c'est L'Empire des sens, d'Oshima, qui sera projeté dans l'ancienne cuisine des moines, à destination des participants au Banquet du livre.
    Pavani/AFP.
    CE SOIR, l'abbaye médiévale de Lagrasse, dans l'Aude, va résonner des sulfureuses rumeurs de Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pasolini. Demain, c'est L'Empire des sens, d'Oshima, qui sera projeté dans l'ancienne cuisine des moines, à destination des participants au Banquet du livre. Cette manifestation culturelle annuelle se tient cet été sur le thème de « La nuit sexuelle », en hommage à l'écrivain Pascal Quignard. Problème : si les activités se déroulent dans la partie de l'abbaye qui est propriété du conseil général, une communauté de religieux, les chanoines réguliers de la Mère de Dieu - traditionalistes -, est installée depuis 2004 dans la partie principale située à quelques mètres.
    « Je souhaite de tout mon coeur qu'il ne s'agit pas d'une provocation », affirme le jeune père abbé Emmanuel-Marie, qui ajoute : « Ce sont des gens sérieux et intelligents. » Mais le responsable des religieux, qui déplore une vision du sexe « qui ne porte pas vers le haut », est au moins mal à l'aise. « Ce sont des habitants du village qui sont venus nous prévenir du thème de la manifestation, dit-il. Pour eux, il s'agit d'une profanation de ce lieu à vocation spirituelle. »
    Organisateur et président de l'association organisatrice Marque page, Jean-Michel Mariou tient à préciser que la rencontre qui s'est ouverte hier « n'a rien à voir avec un concours de tee-shirt mouillé ». « Nous proposons, sur la base du programme établi par Pascal Quignard, des réflexions littéraires et philosophiques sur le rapport des hommes avec la sexualité, avec leur propre origine. » Jean-Michel Mariou tient surtout à préciser qu'il n'est pas chargé par le conseil général - qui finance la manifestation - de « venir embêter les moines ».
    Procédure d'expropriation
    Car, au-delà de cette « nuit sexuelle », c'est bien avec le conseil général que les relations sont les plus tendues. Furieux que les religieux aient acheté la partie d'abbaye qu'il convoitait pour « dynamiser le circuit touristique », le président PS, Marcel Rainaud, a lancé une procédure d'expropriation après l'arrivée des chanoines, sans résultat jusqu'ici. « Les relations ont été tendues, c'est vrai. Mais tout va mieux aujourd'hui », tente de temporiser le père abbé. Ce n'est pas l'avis de Marcel Rainaud. « Il y a une certaine colère qui gronde », dit-il avec l'accent rocailleux du pays cathare. Il doute d'abord « fortement de la capacité financière des chanoines pour entretenir ce patrimoine ». Il est aussi énervé du fait que « les visiteurs doivent cracher deux fois au bassinet ». Un billet est en effet requis pour entrer dans la partie publique de la splendide abbaye, dont les fondations remontent au VIIIe siècle, un autre pour entrer dans celle des religieux qui entretiennent un jardin de « simples » dans la plus pure tradition médiévale, et qui font résonner leur chant grégorien sous les voûtes. « Il n'y a rien d'anticlérical dans ma rancoeur, assure Marcel Rainaud. Nous souhaitons simplement permettre et développer l'usage touristique des bâtiments. »
  • Charles Baudelaire."Le voyage".

    A Maxime Du Camp

     

    Au printemps 1859, le poète Charles Baudelaire séjourne à Honfleur, chez sa mère, dans la «maison joujou». Deux ans après la mort de son beau-père abhorré, le général Aupick, il se réconcilie avec sa génitrice. Il écrit à Sainte-Beuve: «Nouvelles fleurs faites, et passablement singulières. Ici, dans le repos, la faconde m'est revenue.» Baudelaire vient de composer le plus long poème des Fleurs du Mal, «Le voyage», qui clôturera l'édition de 1861.


    I
    Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
    L'univers est égal à son vaste appétit.
    Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes!
    Aux yeux du souvenir que le monde est petit!

    Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
    Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
    Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
    Berçant notre infini sur le fini des mers:

    Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme;
    D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
    Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
    La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

    Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
    D'espace et de lumière et de cieux embrasés;
    La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
    Effacent lentement la marque des baisers.

    Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
    Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons,


    De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
    Et sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!

    Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
    Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
    De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
    Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!

    II
    Nous imitons, horreur! la toupie et la boule
    Dans leur valse et leurs bonds; même dans nos sommeils
    La Curiosité nous tourmente et nous roule,
    Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

    Singulière fortune où le but se déplace,
    Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où!
    Où l'Homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
    Pour trouver le repos court toujours comme un fou!

    Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie;
    Une voix retentit sur le pont: «Ouvre l'oeil!»
    Une voix de la hune, ardente et folle, crie:
    «Amour... gloire... bonheur!» Enfer! c'est un écueil!

    Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
    Est un Eldorado promis par le Destin;
    L'Imagination qui dresse son orgie
    Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

    O le pauvre amoureux des pays chimériques!
    Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
    Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
    Dont le mirage rend le gouffre plus amer?

    Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
    Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis;

    Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
    Partout où la chandelle illumine un taudis.

    III
    Etonnants voyageurs! quelles nobles histoires
    Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers!
    Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
    Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

    Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile!
    Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
    Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
    Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

    Dites, qu'avez-vous vu?

    IV
    «Nous avons vu des astres

    Et des flots; nous avons vu des sables aussi;
    Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
    Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

    La gloire du soleil sur la mer violette,
    La gloire des cités dans le soleil couchant,
    Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
    De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

    Les plus riches cités, les plus beaux paysages,
    Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
    De ceux que le hasard fait avec les nuages.
    Et toujours le désir nous rendait soucieux!

    La jouissance ajoute au désir de la force.
    Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
    Cependant que grossit et durcit ton écorce,
    Tes branches veulent voir le soleil de plus près!

    Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
    Que le cyprès? - Pourtant nous avons, avec soin,
    Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
    Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin!

    Nous avons salué des idoles à trompe;
    Des trônes constellés de joyaux lumineux;
    Des palais ouvragés dont la féerique pompe
    Serait pour vos banquiers un rêve ruineux;

    Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse;
    Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
    Et des jongleurs savants que le serpent caresse.»

    V
    Et puis, et puis encore?

    VI
    «O cerveaux enfantins!

    Pour ne pas oublier la chose capitale,
    Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
    Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
    Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché:

    La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
    Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût;
    L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
    Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout;

    Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote;
    La fête qu'assaisonne et parfume le sang;
    Le poison du pouvoir énervant le despote,
    Et le peuple amoureux du fouet abrutissant;

    Plusieurs religions semblables à la nôtre,
    Toutes escaladant le ciel; la Sainteté,
    Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
    Dans les clous et le crin cherchant la volupté;

    L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
    Et, folle maintenant comme elle était jadis,
    Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie:
    «O mon semblable, ô mon maître, je le maudis!»

    Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
    Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
    Et se réfugiant dans l'opium immense!
    Tel est du globe entier l'éternel bulletin.»

    VII
    Amer savoir, celui qu'on tire du voyage!
    Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
    Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
    Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui!

    Faut-il partir? rester?
    Si tu peux rester, reste;
    Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
    Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
    Le Temps! Il est, hélas! des coureurs sans répit,

    Comme le Juif errant et comme les apôtres,
    A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
    Pour fuir ce rétiaire infâme: il en est d'autres
    Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

    Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
    Nous pourrons espérer et crier: En avant!
    De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
    Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

    Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
    Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
    Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
    Qui chantent: «Par ici! vous qui voulez manger

    Le Lotus parfumé! c'est ici qu'on vendange
    Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim;
    Venez vous enivrer de la douceur étrange
    De cette après-midi qui n'a jamais de fin!»

    A l'accent familier nous devinons le spectre;
    Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
    «Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre!»
    Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

    VIII
    O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
    Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons!
    Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
    Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!

    Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
    Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
    Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
    Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!

     


    Le Nouvel Observateur

    Source:http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350715-le_voyage.html

    Parmi l'abondante littérature consultée pour établir ce texte, voici les livres disponibles facilement que nous conseillons vivement: «Balade en Calvados, sur les pas des écrivains» aux éditions Alexandrines (21,60 euros); «Voyage en Normandie», une anthologie des récits de tous les écrivains ayant fait le voyage dans cette région au XIXe siècle (deux tomes, 17 euros chacun, éditions Pimientos); et l'excellent «Au vrai chic balnéaire» de Ginette Poulet (éditions Charles Corlet, 19,50 euros). L'auteur, responsable au château-musée de Dieppe, est une spécialiste de l'invention des bains de mer et de l'histoire des plages normandes, qu'elle raconte avec autant d'esprit que d'érudition. Un bonheur!

     


    Le Nouvel Observateur

    Source:http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350739-ne_bronzons_plus_idiot.html



     

  • De Cabourg à Honfleur. Les écrivains les pieds dans l'eau

    La Côte fleurie et les bains de mer ont quelque chose à voir avec la littérature. Les plus grands écrivains y ont pris du bon temps et trouvé l'inspiration. Des natifs - Flaubert, Alphonse Allais - aux hôtes de marque - Dumas, Proust, Zola, Duras -, voici pourquoi et comment ils ont aimé ces cieux et ce rivage.

     

    Vous êtes en vacances sur les plages de la Côte fleurie, vous voulez épater vos amis avec le souvenir du passage de people vraiment haut de gamme? Nous avons une recette très simple. Vous les emmenez sur la plage de Trouville; vous poussez une marche sur un petit kilomètre en direction de Villerville et vous désignez le premier espace herbeux que vous apercevez, sur la falaise, en disant: «Arrêtons-nous un instant, c'est ici que venait Flaubert.»«Flaubert?» s'esbaudissent vos amis (qui sont bon public), « et comment le sais-tu?» Et vous, d'une voix sobre et élégante: «L'après-midi, on s'en allait avec l'âne, au-delà des Roches Noires, du côté d'Hennequeville (...). Presque toujours on se reposait dans un pré, ayant Deauville à gauche, Le Havre à droite et en face la pleine mer. Elle était brillante de soleil, lisse comme un miroir, tellement douée qu'on entendait à peine son murmure, des moineaux cachés pépiaient, et la mute immense du ciel recouvrait tout cela.»Le texte est tiré d'«Un coeur simple», le plus émouvant des «Trois contes», la belle histoire de Félicité, la pauvre servante de Pont-L'Evêque. Il fut écrit il y a près d'un siècle et demi, et vos amis le constateront avec vous: sinon les ânes, qui se font rares, rien n'a changé ici. Vous avez compris l'idée. Tous les ans à pareille époque, les magazines se ruent sur les bords de mer pour y traquer les starlettes du moment. Nous avons décidé, à l'«Observateur», de relever d'un cran cette habitude paresseuse. Les célébrités dont nous allons vous parler n'ont gagné aucun télécrochet sur M6, elles n'ont pas épousé de footballeurs et ne peuplent que rarement les pages de «Voici» ou de «Gala». Celles du Lagarde et Michard leur suffisent: ce sont nos grands écrivains. Y songe-t-on assez? On les imagine toujours trempant leur plume d'oie dans le sombre encrier de leur génie. On oublie trop qu'eux aussi, comme vous et moi (les jours de courage), ont trempé leurs pieds émus dans les eaux vivifiantes de la Manche.

     

    Soyons fair-play. Nous parlons ici d'écrivains en villégiature au pays d'Auge. Nombre d'entre eux n'ont pas eu à y venir, puisqu'ils y sont nés ou qu'ils y avaient de solides attaches familiales. Il serait indélicat de ne pas les mentionner au passage. Pont-l'Evêque a donné au monde Robert de Fiers dont le nom ne vous dit peut-être rien, et c'est bien dommage: avec son compère Gaston de Caillavet, ce boulevardier a donné vers le début du XXe siècle quelques comédies à hurler de rire. Gide, avant d'acheter son cher Cuverville, sa propriété sise non loin de Fécamp, venait au domaine de famille de La Roque-Baignard, petit village près de Cambremer, dont il fut même le maire, peu avant 1900. Et comment oublier Honfleur, qui mériterait le label d'«Athènes de l'estuaire» tant les gloires des arts et des lettres y pullulent? Boudin le peintre, Satie le musicien, bien sûr, mais tant d'autres. Dans quelques pages, Patrice Delbourg nous dit tout d'un fils de pharmacien nommé Allais. N'oublions pas le délicat Henri de Régnier (1864-1936), poète symboliste, ou Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) dont on ne lit plus guère les poèmes et les romans, mais dont on honorera au moins un vers, qui n'est pas si mal: «L'odeur de mon pays était dans une pomme...» Et que dire des Honfleurais d'adoption - même brève? Baudelaire passe plusieurs mois, en 1859, à la «maison joujou», la propriété achetée par le général Aupick, beau-père détesté, heureusement mort depuis deux ans. Il cherche à s'éloigner des démons qui le tourmentent, l'alcool, les mauvais plaisirs, pour se concentrer sur ce qui deviendra l'édition définitive des «Fleurs du mal».

     

    Stendhal, lui, y passe à peine, dans les années 1830, et sans le vouloir vraiment. Il espérait attraper le bateau du Havre, qui vient d'appareiller. Il trouve la petite ville très laide - il faut dire que le port, si brillant un ou deux siècles avant, n'en finit plus de décliner -, mais, charmé par sa longue promenade dans les environs, il lance un pari sur l'avenir: avec les progrès des chemins de fer, Paris n'est plus qu'à dix heures! Bientôt les riches se presseront ici. Son intuition n'est vraie qu'à moitié. Contrairement à ce qu'il pressentait, le beau monde ne fera pas construire dans les coteaux ombreux qui bordent l'estuaire mais sur la côte. Il viendra y chercher un agrément incroyable, une nouveauté décoiffante, un plaisir auquel nul n'avait encore pensé: la mer.

    LA FOLIE DES BAINS DE MER
    Le point nous paraît incroyable. C'est ainsi: jusqu'au XXe siècle, l'Océan, c'est le danger, les vents mauvais, les pirates, la menace d'invasion: n'oublions pas que l'Anglais est en face. Il existe des ports, bien sûr, mais on y construit le plus souvent dos au rivage. Et sur ces vastes étendues sableuses battues par les vagues que l'on nomme toujours «la grève», aucun Parisien ne s'aventure jamais, sinon quelques intrépides, comme Charles Mozin, un joli petit peintre de 19 ans. Nous sommes en 1825, il est lui aussi en voyage à Honneur, il cherche des points de vue originaux, il aime marcher. Il longe la côte, passe Villerville et ses pêcheuses de moules et, ébloui, pose un beau jour son chevalet devant quelques pauvres masures groupées à l'embouchure de la Touques. Le lieu lui semble d'un pittoresque accompli.

    Trouville est, écrit Alexandre Dumas, «à peu près aussi ignoré que l'île de Robinson Crusoé».

    Vous l'avez compris, nous voilà à Trouville. Son goût est sûr, le lieu va plaire. D'abord, il convoque ses amis rapins, Corot, Huet. Rapidement la réputation s'étend. Un beau jour de l'été 1832 débarque un autre Parisien d'envergure, Alexandre Dumas. «Débarque» est à prendre au sens littéral. Depuis Honneur, les chemins sont si boueux qu'en carriole, il faut cinq heures. Sa compagne et lui ont donc opté pour le seul autre moyen possible, un canot conduit par «quatre vigoureux rameurs» qui ont donné loisir aux passagers d'être ébloui par le paysage: à droite «océan infini», à gauche des falaises «gigantesques». Ce sont celles de Villerville; ceux qui les connaissent goûteront le sens de l'exagération du père des «Trois Mousquetaires». L'endroit, écrira-t-il, est «à peu près aussi ignoré que l'île de Robinson Crnsoé», et les indigènes qui y demeurent parlent un patois si étrange qu'il faut communiquer par signes. Le séjour est néanmoins enchanteur. Chez la Mère Ozeraie, on sert à chaque repas les délices du cru, crevettes, côtelettes de pré-salé, sole, et l'homme profite du séjour pour faire une folie: aller se baigner. Voilà bien l'invention nouvelle qui va révolutionner ce que l'on n'appelle pas encore les vacances. Le bain de mer! Celui de Dumas est un mauvais exemple. Il y est allé à l'antique, nu comme une statue de Praxitèle. Les temps sont puritains, ce plaisir qui nous semble si naturel n'entre dans les moeurs que par des voies plus détournées. Ce sont les médecins anglais qui, à la fin du XVIIIe siècle, ont réussi à convaincre la haute société que cette pratique était souveraine pour soigner les «maladies des glandes», terme commode, il recouvrait n'importe quoi. De retour d'émigration, les aristocrates français vont rapporter cette curieuse coutume sur cette rive de la Manche. La mode en sera définitivement lancée à Dieppe en 1824, quand la duchesse de Berry elle-même, belle-fille de Charles X, mère de l'héritier du trône, coiffée d'une toque, vêtue d'une robe, chaussée de bottines, accompagnée de son médecin, soutenue par deux «maîtres baigneurs» et lorgnée par la foule massée sur le rivage, fait quelques mouvements dans l'eau, «à la lame», c'est-à-dire à marée montante, la seule qui, dit-on, soit vraiment curative. Une nouvelle folie est née. Elle n'est pas simple à pratiquer, on l'a compris, mais c'est à elle que la côte normande devra sa fortune, et la littérature quelques-uns de ses grands chocs.

    N'est-ce pas pour une baigneuse que le petit Flaubert, âgé de 15 ans, en 1836, en vacances avec ses parents dans un Trouville presque sauvage encore (on n'y trouve que deux auberges), ressentira son premier grand frisson? Elle se nomme Elsa Schlesinger, elle est mariée mais distraite: de retour du bain, elle oublie sa cape sur la rive. Le jeune Gustave la rend au mari et ne se remettra jamais de son amour fou pour la femme. Trouville si, qui d'année en année se métamorphose. On construit des bains, un casino, des hôtels, les planches. L'île de Robinson devient la station en vogue. Toute la capitale s'y presse bientôt. On y chantera: «Sur la plage, allons prendre l'air / Contemplons l'océan tranquille / Ah! si Paris avait la mer / Ce serait, un petit Trouville.» Evidemment, les anciens dépriment: «Comme je vous remercie de détester le Tronville moderne. Pauvre Tronville!» Bien des gens pensent cela aujourd'hui. Ils en ont bien le droit, on leur rappellera simplement que c'est ce qu'écrivait Flaubert en 1875. Mais les autres adorent. Michelet trouve que l'air est plus doux et meilleur pour la poitrine qu'à Dieppe ou au Havre. Les Goncourt, en 1867, y trouvent matière à leur mauvaise humeur: les enfants sont trop bruyants, les cloches de l'église font trop de bruit («elles sont pires qu'à Rome»), ils doivent faire table d'hôte avec des «femmes à barbe» et il faut changer le matelas, parce que l'un des frères s'est transformé «en saint Sébastien des puces». Mais quoi de meilleur, pour ces mauvais coucheurs de légende, que de pouvoir râler? Du coup, ils reviennent l'année suivante. Un peu plus tard, dans les années 1890, Proust y vient, une fois au Frémont - cette vieille maison hélas! presque en ruine aujourd'hui, sur les hauteurs de la ville -, ensuite aux Roches noires. Mais, finalement, il met le cap au sud, comme le fait pour nous Fabrice Pliskin, parti sur ses traces à Cabourg.

    L'INVENTION DU BRONZAGE
    Il est vrai que, sur la côte, le vieux peut paradis de Mozin et Dumas a des rivales. Zola, en 1875, a cherché des bains de mer pour tenter de redonner un peu de santé à sa pauvre épouse. Il va à Saint-Aubin et est médusé, si l'on ose écrire, par la mer: «C'est tout autre chose que la Méditerranée, c'est à la fois très laid et très grand.» En revanche, sa femme va vite mieux, et la pêche aux crevettes les enchante, surtout les crevettes rouges, incroyables, que l'on prend aux grandes marées. Et Deauville n'en finit pas de monter. Morny, le demi-frère de Napoléon III, l'a lancée. Son grand galop de chic, de courses, de roulette, de vrais princes et de fausses gloires, de Bottin mondain et de demi-mondaines n'en finit plus.

    Lancé par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, Deauville n'en finit pas de monter.

    Dans les années 1910, une styliste encore peu connue, Gabrielle Chanel, a installé une boutique à côté du casino. Bientôt elle lancera une coutume qui paraît aussi incongrue que la baignade cent ans plus tôt: le bronzage. La saison compte tellement, maintenant, à l'ombre du Normandy, que «Comoedia», le journal culturel du moment, envoie pour la couvrir quelques talents prometteurs de la littérature. Par un bel été, accompagné du peintre André Rouveyre, chargé des croquis d'illustration, voici un pigiste nommé Apollinaire. Il est ravi. Leur hôtel pullule de jolies filles. Il va déjeuner à Villerville chez Alfred Savoir, un auteur dramatique «judéo polono français» qu'il trouve «sot pour un Juif, superficiel comme beaucoup de Polonais, mais gentil», mais il sent qu'il ne déplaît pas à sa «petite femme», polonaise également, tout comme il l'est lui-même, ne l'oublions pas. Ensuite, un verre chez Tristan Bernard, «laid et exquis». Tout est au mieux cette année-là, sinon le millésime: nous sommes en 1914. Le devoir les appelle, il faut rentrer fissa à Paris pour voir ce qui s'y passe. D'autres, ce même mois d'août, préfèrent le chemin inverse. Prudent, Guitry arrive au Normandy mais - juré, craché - c'est uniquement pour des raisons médicales: son médecin lui a conseillé le calme. L'hôtel bruit d'une faune pittoresque: une femme porte un jour de la zibeline, un autre du chinchilla, mais elle a tous les jours «une gueule de putois». Et le richissime comte Greffulhe arrive avec trois Rolls Royce, une pour lui, une pour ses malles et son valet de chambre, et une pour son «entremettier et son cuisinier» - cet homme n'aime pas voyager sans son confort. Le reste de la guerre sera moins drôle, tous les hôtels sont transformés en hôpitaux. Mais les années 1920 y seront aussi folles qu'ailleurs. Le peintre Foujita peint des robes à même la peau des femmes, et se fait tatouer une montre-bracelet sur le poignet, qui, à n'en pas douter, est juste deux fois par jour. Mistinguett débarque en auto de Villerville où elle a sa villa. La sublime Suzy Solidor traîne son chic altier sur les planches. Il faut attendre 1958, toutefois, pour croiser un nouvel événement littéraire essentiel et très simplement codé: par un fameux peut matin du 8 août, à huit heures, avec les 80 000 francs gagnés dans la nuit grâce au même chiffre magique évidemment, Sagan achète son fameux «manoir du Breuil», sa belle maison d'Equemauville. Il avait abrité d'autres plumes avant elle, c'est là que Guitry épousa une de ses femmes, mais la magie du huit ne devait pas fonctionner encore, comme chacun sait, il ne se maria que cinq fois. En 1963, encore un placement immobilier appelé à la postérité: Marguerite Duras achète son appartement dans un hôtel vendu en petit morceau, les Roches noires, et bientôt Didier Jacob nous en dira tout (p. X).

    Et pour nous, cette promenade écrite sur la Côte des lettres s'achève. Est-ce à dire que les écrivains d'aujourd'hui n'y viennent plus? Allons! De Jérôme Garcin à Patrick Rambaud, de François Bott à Christine Orban, pour ne citer qu'eux, il faudrait plutôt dire qu'ils y viennent tous. Mais pourquoi, lecteurs, devrions-nous faire le travail à votre place? Vous voilà ici, comme eux, pour l'été. Vous aussi, vous les croiserez un jour ou l'autre devant la lieutenance de Honneur, sur le marché de Trouville, les planches de Deauville, les chemins du pays d'Auge ou dans les salons de thé de Cabourg. Demandez-leur de vous raconter leur Normandie. Ils le feront de bon coeur. Même les écrivains, parfois, prennent des congés, et quoi de plus agréable, quand on est en vacances, que de bavarder entre vacanciers?

     

     

    François Reynaert
    Le Nouvel Observateur

    Source:http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/supplement/p2228_2/articles/a350711.html

  • Catégories : Des lieux, La littérature

    Maisons d'écrivains

    La Fédération des maisons d'écrivain & des patrimoines littéraires
    vient de publier, grâce au soutien du Secrétariat d'Etat à la Consommation
    et au Tourisme, une carte recensant 203 lieux, maisons d'écrivain et
    musées littéraires, à visiter dans toute la France.

    Cette carte à vocation touristique (bilingue anglais) recense, en
    essayant d'être la plus complète possible, l'ensemble des maisons d'écrivain
    et lieux liés à la littérature ouverts au public dans notre pays. Au
    verso, elle donne la localisation exacte de chaque lieu et ses
    coordonnées téléphoniques et renvoie à la consultation d'Internet, plus
    particulièrement à la base de données du site de la Fédération.

    Vous pouvez la commander auprès de la Fédération (la carte est
    gratuite, seuls les frais de port vous seront facturés) ou l'obtenir dans
    l'Office de Tourisme le plus proche de chez vous.

    Rendez-vous sur notre site Internet : www.litterature-lieux.com !

  • "Journées romaines" à Arles

    1334ed75f0e20a25de251ca5ac80af8e.jpgArènes d'Arles - AFP/ANNE-CHRISTINE POUJOULAT

    Du 19 au 27 août, Arles accueillera un nouveau festival autour des jeux du cirque et de l'Antiquité romaine

    Combats de gladiateurs, courses de chars et autres jeux du cirque vont revivre à Arles, le temps d'un nouveau festival qui va se dérouler dans les sites antiques de la cité, classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO.

    C'est l'association Péplum qui est à l'origine de ce festival intitulé "Arelate, journées romaines d'Arles".

    Ce festival est chaperonné par des historiens et archéologues "afin de coller au mieux à l'Histoire tout en restant ludique" souligne sa coordinatrice Emmanuelle Carrié.

    Pas de folklore donc mais une programmation variée pour un public familial : reconstitution de la vie des Romains dans l'amphithéâtre ou autour du Musée de l'Arles et la Provence antiques (Mapa), projection de péplums dont "Gladiator" de Ridley Scott au théâtre antique et de documentaires à la médiathèque, exposition de BD à l'église Saint-Blaise, conférences, visites de monuments...

    Les visiteurs pourront également s'initier à l'artisanat antique (poterie, tissage, fabrication de vaisselle...) ou ripailler dans une Taberna Romana qui servira une cuisine traditionnelle romaine : plats sucrés-salés, vin rouge, coktails à base de gingembre etc.

    Organisatrice de l'évènement : l'association Péplum, à l'origine depuis deux ans déjà, en collaboration avec le Mapa, de deux journées avec défilé romain, combats de gladiateurs et visites thématiques qui attiraient près de 6.000 visiteurs.

    Cette année la ville d'Arles s'est associée au projet pour créer un évènement d'une plus grande ampleur, destiné à durer et à devenir "incontournable dans la région" affirme Emmanuelle Carrié.

    Entre les "Rencontres de la photographie" (du 3 juillet au 16 septembre), les festival de musiques du monde "Les Suds à Arles" (9 au 15 juillet), "il n'y aura plus de temps mort au cours de l'été à Arles" souligne la chargée des relations avec la presse de la mairie d'Arles, mélanie Christianini.

    Pour plus d'informations : www.arles-antique.cg13.fr

    Publié le 25/07 à 16:04

     

    Source:http://cultureetloisirs.france2.fr/culture/32957979-fr.php

  • Catégories : Des lieux, La littérature

    C'est le premier parc à thème littéraire

    Entrez dans le monde de Dickens !

     

    L'écrivain y a vécu : c'est donc à Chatham que vient de s'ouvrir un grand parc consacré à l'auteur d' « Oliver Twist ». Tout y est du Londres misérable du XIX e siècle, catins et pickpockets compris. Visite guidée

     

    Il pleut sur Chatham, ville peu riante du Kent à quarante minutes de train de Londres, où l'écrivain anglais le plus connu après Shakespeare a passé les premières et les dernières années de sa vie. La navette pour les docks n'est pas bien signalée. Mais enfin voici Dickens World, annoncé en lettres blanches sur fond bleu étoilé, un parc d'attractions consacré à l'univers de l'auteur d' « Oliver Twist ».

    On vous promet une plongée dans le ventre fangeux de l'Angleterre du début du XIX e, ses égouts, ses odeurs et ses rats. Dans le train, pendant que défilait un paysage de cataclysme postindustriel fait d'usines désaffectées, on s'était pris à rêver d'un Zola World, avec descente aux enfers sponsorisée par Gervais ( e ) ou d'un Hugo Land avec sa parade de misérables et son train fantôme où les Thénardier feraient peur aux enfants. « A partir de ce point, plus que trois heures d'attente » : la première semaine, victime de son succès, Dickens World, inauguré en mai dernier, a refusé du monde et à la Pentecôte, particulièrement humide, 15 000 personnes y ont trouvé refuge.

    A priori, rien de franchement de mauvais goût ne nous attend : Dickens World a reçu l'approbation de la vénérable Dickens Fellowship ( fondée en 1902, 6 000 membres dans le monde ). Thelma Grove, ancienne secrétaire générale, a suivi le projet comme consultante. « Des descendants de Dickens m'ont appelée un jour, effrayés par ce qui se tramait ; j'ai participé aux réunions et j'ai été agréablement surprise » , raconte cette orthophoniste à la retraite. L'idée de ressusciter le Londres miséreux de l'ère victorienne est née dans les années 1970 dans la tête de Gerry O'Sullivan Beare, un concepteur de parcs à thèmes qui s'est battu pendant trente ans pour lever des fonds. Il est mort l'année dernière, avant l'inauguration. En 2005, grâce à Kevin Christie, un homme d'affaires spécialisé dans le cinéma, ont été enfin réunis les 500 financiers privés et les quelque 91 millions d'euros nécessaires à la création de ce complexe de loisirs de 12 000 m 2, qui englobe un parking, des restaurants et un multiplexe.

    Dans la pénombre, on distingue d'abord des maisons décrépies et, sous les réverbères, une place de quartier sordide, avec son usurier et son épicerie. On guette les rongeurs, mais de mauvaises odeurs, point. Une affiche jaunie détaille la ration quotidienne des cachots de Marshalsea, la prison londonienne où John Dickens, le père de Charles, qui travaillait au bureau de la paie sur les docks, fut emprisonné pour dettes. A 12 ans, Charles Dickens trimait déjà à la Warren's Blacking Factory, dont la façade glauque est reconstituée à l'entrée. Des journées à coller des étiquettes sur des pots de cirage pour 6 shillings par semaine : l'expérience changera définitivement sa vision du monde.

    Faquins, prostituées, chasseurs de rats, tous les personnages dickensiens sont là. A peine a-t-on posé le pied dans ces ruelles sombres qu'un certain Bill, pickpocket en haillons, vous subtilise votre carnet de notes. C'est l'un des 60 employés qui paradent en costume pour 6 livres de l'heure. Mike, le maître de la sévère pension Dotheboys, coiffe d'un bonnet d'âne les élèves-visiteurs qui ne gagnent pas assez de « Dickens points » au quiz. Derrière leurs pupitres en bois à écrans tactiles, les cancres rigolent... Tony, un autre employé portant beau avec son haut de forme, un amoureux de Dickens, a trouvé là un moyen agréable d'arrondir sa retraite. « Mettez-vous bien à l'avant , sinon vous ressortirez trempés ! » , prévient Tony. C'est par les soupiraux reconstitués de Marshalsea que commence l'attraction phare de Dickens World, « la Croisière des Grandes Espérances. », une quinzaine de minutes en bateau, des égouts douteux - un colorant marron, nous assure-t-on - jusqu'aux toits de la ville, traversée du cimetière comprise. « Aujourd'hui , tout est loisirs ! », s'enthousiasme Kevin Christie, le patron de Dickens World. Il espère atteindre les 300 000 visiteurs par an et attend d'ailleurs un coup de pouce décisif du passage dans quelques jours du Tour de France à deux pas d'ici.

    « Cela mettra notre région
    , qui en a besoin, sur la carte du monde » , se réjouit aussi Louise Dale, une infirmière. D'autres se montrent plus circonspects et craignent la saturation de ce coin du sud-est de l'Angleterre où l'on ne compte plus les références à l'auteur. « On a déjà un Dickens World : c'est Rochester ! » Chaque année, en juin, un festival y voit parader les dickensophiles, venus parfois d'Australie, du Japon ou d'Amérique un pays fou de l'écrivain : 60 % des visiteurs du Musée Dickens ( 1 ) de Londres sont américains.

    A l'étage, un film retrace l'épopée américaine de Charles, à qui l'acteur Gerald Dickens, l'arrière-arrièrearrière-petit-fils, prête sa voix. C'est le moment pédagogique de Dickens World, l'occasion d'apprendre, mais toujours en s'amusant ( la tête d'un condamné à mort vous arrive en pleine figure ...).« On a une idée fausse de Dickens ; on en fait quelqu'un de plus sérieux et intellectuel qu'il n'était . Il écrivait pour tous, était lu par tous, y compris les enfants . C'était une personnalité flamboyante, un showman plein d'humour » , explique l'écrivain Lucinda Hawksley, la cousine de Gerald.

    Dans le « Monde de Dickens », tout n'est pas parfait. Des techniciens vont et viennent, le bruit des perceuses couvre parfois la voix des apparitions dans la maison hantée où, devant un hologramme de chaise vide, les Mitchell attendent en vain que le fantôme veuille bien se montrer. Et le Britannia Theatre, un show de personnages mécaniques, n'est toujours pas opérationnel. « Les actionnaires ont mis la pression pour que l'on ouvre le 25 mai » , souffle une employée. « C'est un work in progress , concède Kevin Christie. On n'a jamais dit qu'on serait aussi spectaculaire qu'un Disneyland ; on n'a jamais promis qu'on serait aussi instructif qu'un musée . » L'ambition ici ? « S'amuser en acquérant quelques connaissances. » Le risque ? Décevoir l'amateur de sensations fortes et énerver le puriste.

    Dans son bureau à Londres, Andrew Xavier, le jeune directeur du Musée Dickens, se montre conciliant : « Tout ce qui peut contribuer à diffuser la vie et l'oeuvre de Dickens auprès des jeunes générations , qui, en juillet, vont se précipiter sur le dernier “ Harry Potter” , est le bienvenu. »
    « Dickens ? Bien sûr , j'ai vu tous ses films » , assure Billy, élève d'Ashford. On lui dédie ce mini-scoop : Robert Zemeckis, le réalisateur de « Roger Rabbit », prépare une adaptation du « Conte de Noël ». Que Hollywood vole au secours de Dickens, ça tombe bien : on annonce l'ouverture en 2009 d'un parc Harry Potter à Orlando, en Floride.

    ( 1 ) 48, Doughty Street, dans le quartier de Bloomsbury.

    Dickens World :
    Leviathan Way, Chatham Maritime,
    dans le Kent. Renseignements : www.dickensworld.co.uk.
    Pour y aller :
    Trains pour Chatham à partir de Victoria Station, Charing Cross et London Bridge. Entrée : 12,50 livres pour les adultes ; 7,50 livres pour les enfants.

     



    Marie-Hélène Martin

    Le Nouvel Observateur - 2226 - 05/07/2007

    Source:http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2226/a349248.html

  • Catégories : Des lieux, La littérature, Voyage

    Les écrivains-voyageurs (1)Monfreid, L'esclave de Dieu

    Le bout du monde a une capitale. Et la capitale règne sur la fin de tout. L'ultime est son fonds de commerce. On y vend de l'apocalypse au détail, et l'éternité s'y couche tous les soirs. Elle s'y lèverait tous les matins s'il y avait des matins. Mais le matin est un commencement, et ce n'est pas la spécialité du pays. De toute façon, quand cette brûlante ébauche est tombée de sa poche, Dieu n'avait encore rien décidé. Des lacs sans eau, ça vous a un petit côté pas fini. D'étincelantes plaines de chlorure qui ont l'air d'attendre le Déluge, à moins qu'il vienne juste de se retirer. Des chutes de soleil si brutales que les crépuscules passent à la trappe. Pour rosir le tableau il faut dépêcher de dispendieuses escadrilles de flamants, des nuages de flamants pilleurs de sel qui vous empourprent le ciel comme une joue de Botticelli. Tout ça sent la démesure inutile, l'abstraction pure, le rêve, l'imagination. Le fantasme. Dieu aurait-il un inconscient?

    Les écrivains ont accouru, fouillé sa corbeille. Du plus loin qu'on se souvienne, Djibouti a toujours fasciné les raconteurs. On pourrait même les réunir, toutes époques confondues, dans une sorte d'académie chamelière, les braves qu'a touchés un jour la violente poésie de cet enfer: vagabonds salariés, coloniaux mélancoliques, officiers de marine en rupture de dunette, aventuriers en mal de romans, coureurs de butins. Les uns viennent y chercher la poignante beauté d'un brouillon démiurgique, les autres, l'odeur de crime et de trafic qui paraît sourdre par toutes les failles d'un désert si absolu qu'il semble se fuir lui-même, et se fabriquer un alibi du néant auquel il aspire, depuis les temps canoniques, à retourner. D'ailleurs, il fut longtemps impossible de postuler à l'immortalité et d'espérer conquérir un fauteuil à l'Académie française si l'on n'avait pas fait au moins une escale dans le port de la mer Rouge. Les plus chanceux parvenaient même à faire coïncider leur séjour avec le traditionnel attentat anti-Français. On en revenait couvert de gloire (et de piqûres d'insectes, si l'on avait négligé de tirer le cordon de la moustiquaire, dans le modèle dit «en cloche»).

    Hélas, là-bas comme partout, les traditions se perdent. Depuis que Djibouti a cessé d'être français, la tradition de l'attentat anti-Français a pour ainsi dire perdu sa raison d'être. Mais du temps que la république de Djibouti s'appelait encore le Territoire français des Afars et des Issas, on venait y traquer l'inspiration. La plupart n'y trouvaient que la transpiration, mais savaient parfois la passer au lecteur. C'était l'époque où Romain Gary respirait la mort en ce désert et le trouvait plus fatal encore que le Tibesti, qu'il avait pourtant parcouru à la recherche de ses camarades de combat morts de soif auprès de leur avion. «Les affres du monde, confiait-il à un proche, paraissent plus lointaines ici que les Mille et Une Nuits...»

    La place du 23-Juin s'appelait encore place Ménélik, et plutôt qu'à la terrasse du Café de Paris, c'est à celle du légendaire Palmier en Zinc qu'on allait siroter la fraîcheur apéritive, sinon le frissonnement louche qu'avaient éprouvé sous ces mêmes arcades les grands faiseurs d'intrigues, Segalen et Joseph Kessel, Paul Nizan, Michel Leiris et Albert Londres, Pierre Loti et tant d'autres, les frères Tharaud, tenez, ceux-là mêmes qui avaient inspiré à Antoine Blondin un mot fameux quand le cadet eut rejoint l'aîné sous la Coupole: «Encore un Tharaud de casé», avait ricané l'Antoine. Il faut le savoir: jamais on n'aurait pu caser tant de Tharaud sans le concours du «81», comme on nommait entre connaisseurs le territoire. Djibouti, c'était la «Star Academy» des rebelles, l'agrégation des durs à cuire.

    Faut-il y voir un phénomène de hantise dont des doctorants méticuleux tentent encore de recueillir les indices sous les semelles de vent du sieur Arthur Rimbaud, négociant pour le compte de la maison Bardey et Cie en 1887? On a perdu la trace de la caravane qu'il est chargé d'accompagner (quelques milliers de fusils à capsules pour le roi Ménélik), arraisonnée par les Danakils, de farouches guerriers qui émasculent leurs ennemis mais que la poésie française, semble-t-il, amuse définitivement. La fable était lancée. Depuis lors, la règle est simple: nul n'entre ici que par la littérature. Il n'est jusqu'à un gouverneur des âges gaulliens, haut-commissaire du «Caillou», Dominique Ponchardier, consigné dans son palais entre deux alertes, qui sous un pseudonyme censé préserver son honorabilité n'écrivit pour se désennuyer des polars que Lino Ventura a popularisés à l'écran. «Le gorille vous salue bien», «Le gorille a mordu l'archevêque», «Le gorille se mange froid», c'était de la prose d'ambassadeur. Nos lettres doivent beaucoup à ce maître oublié: c'est à lui qu'on doit l'invention du mot «barbouze». Un tel concept, en pareil endroit, ne saurait rien devoir au hasard.

    On arrive donc ici avec un métier: diplomate, agent secret, pêcheur de perles, grenadier voltigeur de l'infanterie de marine, trafiquant d'armes ou de haschisch. Et on repart écrivain, c'est l'usage. Trente ans après Rimbaud, et premier d'une interminable lignée, c'est la métamorphose qu'a vécue le long de la côte Somalie l'incontesté caïd de la corporation, celui qui a fait sur les tribus nomades et dans la mémoire locale la plus forte impression: Henry de Monfreid, l'auteur des «Secrets de la mer Rouge», issu d'une famille d'originaux et échoué là par désoeuvrement, parce que les grandes crues de la Seine, en 1910, avaient inondé sa ferme, près de Melun, et noyé ses vaches laitières. Dégoûté, il voulait fuir «le troupeau», et ce n'était pas son cheptel perdu qu'il désignait ainsi.

    Débarqué dans le golfe d'Aden par un bateau des Messageries maritimes, une vague recommandation en poche auprès d'un affairiste d'Abyssinie, il s'était bientôt lassé d'écrire à son père de trop longues lettres où il s'épuisait à lui expliquer les mystères dont il était à la fois le témoin et l'acteur. Henri Michaux, de passage lui aussi bien des années plus tard dans cet étrange royaume abandonné à sa solitude, mais décidément très fréquenté, en avait rapporté cette simple phrase: «Il n'y a rien à voir, et tout est à interpréter...» Interpréter, c'est du travail de sphinx, d'oracle, de pythie, de sorcier de l'ombre. De la lettre au «cher papa», Henry de Monfreid est passé au récit avec un naturel déconcertant. L'ombre? Ce qui en tient lieu par ici, c'est l'inquiétante énigme des regards, des vies et des rumeurs que l'on traverse. Monfreid, oeil de caméléon sur cette terre en ruine, sans lois ni horizon, n'a pas son pareil pour interpréter. Un jeune journaliste enquêtant sur les trafics d'esclaves, et qui cherche un guide, demande à le rencontrer en 1930. Monfreid n'a encore rien publié, mais il est déjà une légende. Le journaliste est subjugué, au point de renoncer à recueillir son témoignage: «C'est à vous de raconter votre vie.» Joseph Kessel vient de convaincre Monfreid et de faire de lui un écrivain. L'envoyé spécial de «Paris-Soir» s'en souviendra dans «Fortune carrée», où Monfreid apparaît sous les traits de Mordhom. Dans le genre où il va bientôt s'illustrer et faire fortune, celui du roman d'aventures, très en vogue entre les deux guerres, il se révèle vite indépassable et sans exemple: il est le seul auteur qui soit lui-même son propre héros, sans mythomanie ni paranoïa d'aucune sorte. La contrebande des armes, du haschisch, qu'il va acheter en Inde et revendre en Egypte, c'est son ordinaire. Qu'un indélicat veuille lui piquer son magot, et l'affaire tourne à la flibuste. Alors il construit lui-même des boutres de plus en plus rapides à la mer.
    Evidemment, il sait tout faire, cultiver les huîtres perlières, jouer du piano, peindre (il a appris jeune, son père était le meilleur ami de Gauguin), reprendre tout seul des îles aux Turcs en pleine guerre mondiale (la première), ce qui va beaucoup fâcher le ministre des Colonies, Gaston Doumergue, au motif qu'on ne lui a rien demandé. Monfreid, que les fièvres ont laissé quelque peu «braque», comme il le dit parfois, c'est un sauvage qui adore la politique. Tellement, même, que l'empereur d'Ethiopie, Hailé Sélassié, dont il dénonce les visées sur Djibouti et le Yémen, tentera de l'empoisonner personnellement. Pendant une audience, avec une tasse de café. Le négus avait eu la main trop lourde, Monfreid a vomi le breuvage. Sauvé. C'est un indestructible. Il s'accommode de toutes les situations. En pleine guerre encore (la seconde), assigné à résidence au Kenya par les Anglais, privé de ses commerces coutumiers, il va inonder la bonne société britannique de ses aquarelles et, bientôt, se souvenant de ses débuts dans la laiterie, de ses camemberts. On se les arrache, jusque sur les bonnes tables londoniennes. L'histoire ne dit pas s'ils sont moulés à la louche ou fourrés à la cocaïne.
    «Où ce diable d'homme tivuve-t-il l'indispensable répit pour écouter, pour revenir à lui-même, pour écrire?» s'interroge le poète libanais Salah Stétié. La vérité est que Monfreid n'a besoin ni de répit ni de recul parce qu'il ne triche pas. Il porte son mal de vivre avec une élégance si radicale que Teilhard de Chardin tombera en amitié profonde pour le futur auteur de «Pilleurs d'épaves» et des «Derniers Jours de l'Arabie heureuse». Ils se sont rencontrés en avril 1926 sur l'«Angkor», un navire qui rallie l'Extrême-Orient par Djibouti. Qui aurait pu imaginer pareil casting, le théologien et le contrebandier accoudés au bastingage d'un paquebot revenu de tout (il avait été torpillé en 1918) et refaisant le monde après Dieu? Qui, sinon Dieu lui-même? A peine arrivé à Shanghai, le philosophe câble à Monfreid, que les Somalis, depuis sa conversion à l'islam, n'appellent plus que «Abd el-Haï» («Esclave de Dieu»): «La fin de traversée a été bonne mais -vous m'avez manqué. Je demande à Dieu de vous rendre heureux et de faire que nous nous retrouvions.» Ils se retrouveront, conduiront ensemble un chantier de fouilles en Ethiopie et le père jésuite s'occupera beaucoup d'un fils d'Henry. Entre eux, aucune ambiguïté: ce ne sont pas les relations du confesseur et de l'infidèle. On parle métaphysique et paléontologie, on discute de la structure de la monade, on cite Pascal et l'Evangile, et Monfreid écrit à Teilhard: «Une seule chose importe: aimer puissamment l'Univers, par-delà tout ce qui est individuel dans les individus. Je me fie éperdument à l'Univers.» Il se revendique vagabond, comme les peuples auxquels il se mêle et qui le reconnaissent pour un des leurs. Ces échanges en grande part inédits, Guillaume de Monfreid les révèle aujourd'hui dans un album où son fieffé pirate de grand-père apparaît plus vivant que dans bien des biographies.

    Il serait temps de retoucher le sombre portrait du «négrier» qui achetait des femmes pour une poignée de thalers et qui avouera le meurtre d'un homme qui l'avait trahi. Monfreid ne mangeait pas de ce pain-là. On l'a aussi blâmé parce que, se laissant manipuler par les Italiens contre son ennemi le négus, il a donné le sentiment de se rallier aux fascistes mussoliniens. En réalité, ce Don Quichotte orgueilleux et rude a toujours laissé dire. Il se moquait de l'opinion, du qu'en-dira-t-on, du jugement social. C'est le plus impardonnable des mépris. A-t-on le droit d'être libre à ce point?

    On hésite à remuer ce lyrisme des sables et des fortins, par crainte de réveiller on ne sait quelle rancune dans la profondeur des cafés de Tadjourah où luit toujours au mur, en guise de miroir de courtoisie, la courbe d'un long poignard. Il n'y a pourtant pas que de l'action dans les romans de Monfreid, des guerres tribales, du complot de comptoir, du libre-échange et du narcotrafic, comme on ne disait pas encore, toute cette pacotille qui entretient le charme clandestin de son oeuvre. Il a offert un purgatoire à l'utopie, au moment où elle se faisait massacrer dans les tranchées, et une oasis aux illusions perdues. Paul Morand a remarqué un jour que la mer Rouge avait la forme d'une bouteille qui se viderait dans l'océan Indien par le goulot, le détroit de Bab el-Mandeb, qui signifie justement «la passe des Affligés i>. On vient toujours ici vider quelque mélancolie. Djibouti, Asmara ou Cheik-Saïd, Djeddah ou Aden, où deux coups de canon annonçaient autrefois la Malle des Indes, ont toujours eu les faveurs du passager dépressif. Monfreid, en rupture de chimères (un chagrin d'amour s'était ajouté à ses déboires agricoles), a échoué là avec son lit de camp, son piano, ses gouaches et un dictionnaire arabe, car le spleen orientaliste n'exclut pas de s'organiser. Il en a fait un mythe.

    A chacun de ses retours à Paris, visité comme un monument (de 10 ans l'aîné de la tour Eiffel), le rituel est immuable. Une pipe d'opium à 10 heures, une autre à midi, une troisième à 15 heures. S'il y a une interview, double consommation. L'appartement de la rue Erlanger ne désemplit pas. Cocteau ou Gainsbourg, Montherlant ou Zitrone, France Gall ou Marcel Pagnol, l'auteur de «la Croisière du haschisch» ne fait pas de différence dans la clientèle, qu'elle vienne respirer là les poussières du vieil empire ou acheter à prix d'ami une dose de paradis. Kessel vient moins souvent qu'autrefois. «Monfreid a le plus mauvais opium de Paris», prétend-il. Le général de Gaulle lui écrit son admiration, on le presse de se présenter à l'Académie. Las, il ne prend pas l'habit, mais une belle veste. Trahi par de pâles épigones de la bourlingue, que son élection, par contraste, aurait sans doute ravalés à la classe touriste. Les ingrats, «Il n'y avait que des vieux», se console-t-il: il va lui-même alors sur les 90 ans. L'intenable gamin préfère sauter sur la moto de Guillaume, en charentaises parfois, pour aller donner une conférence à un auditoire ensorcelé ou signer des livres à tour de bras à la Fête de l'Humanité.

    Sa vraie gloire repose plutôt dans «Coke en stock», l'album de Tintin qu'il a inspiré à Hergé, et dans «les Cigares du Pharaon», où il apparaît tel qu'en lui-même, avec sa moustache de forban distingué, sur son boutre et dans son emploi, marchand d'armes. A la page 13, case 2, Henry de Monfreid lâche sa cargaison de fusils et sauve Tintin de la noyade. Un tel prodige lui mérite une place à part dans le gotha: il est celui qui a traversé le miroir. Une légende prétend qu'Hergé et lui sont les descendants du roi des Belges Léopold II. Que ne dirait-on pas pour admettre l'impossible et retenir encore un peu le mirage? A Djibouti, on a rasé le Palmier en Zinc et accroché à la place l'enseigne d'un Planet Hollywood. Peut-être bien qu'on a rêvé.

    «Mon pauvre Henry, MonfreidlDii soir an matin, y a des jets qui se posent/Au milieu des massifs de fleurs qu'on arrose...»
    , chante Gérard Manset dans un blues indémodable qui survit à l'âge du vinyle. Au Yémen, un centre culturel perpétue la mémoire du prince des baroudeurs. Djibouti, en face, a préféré effacer. Pourtant, on pourrait jurer que rien n'a changé. Nulle part ailleurs le passé évanoui n'a une présence plus envoûtante. Comme si le temps ne passait pas, brassé dans le refrain moite des ventilateurs, absorbé dans l'éternité incendiaire d'un soleil sans pitié. «Demain nous arrivons à Port-Saïd où nous faisons escale», dit Tintin, accoudé au bastingage d'un bateau qui ressemble à l'«Angkor». «Wbuah!», répond Milou. Le ciel est bleu, l'horizon est clair. «Ensuite, Aden.» Oui, demain.

    A lire

    Henry de Monfreid (1879-1974) a publié près de 70 ouvrages, principalement chez Grasset, parmi lesquels «les Secrets de la mer Rouge» (1932), «la Croisière du haschisch» (1937), «Pilleurs d'épaves» (1955). Viennent de paraître un album illustré de croquis de voyage par son petit-fils, Guillaume de Monfreid («Sur les pas d'Henry de Monfreid». Presses de la Renaissance, 108 p., 28 euros) et un volume de lettres d'Henry de Monfreid («Aventures extraordinaires», Arthaud, 890 p., 32 euros).

     



    Jean-Louis Ezine

    Le Nouvel Observateur - 2227 - 12/07/2007

     

    Source:http://artsetspectacles.nouvelobs.com/p2227/a349757.html

  • Catégories : Des lieux, La littérature, Paris(75,Ile de France):vécu,études

    L'esprit des lieux: Saint-Sulpice

    Les secrets de Saint-Sulpice

    par Tristan Savin
    Lire, juillet 2007


     Située à Saint-Germain-des-Prés, l'église de ce quartier de Paris est devenue un lieu hautement touristique depuis le Da Vinci Code. Bien avant cela, les Trois Mousquetaires ou Victor Hugo avaient laissé leurs traces sur des pavés aujourd'hui foulés par Umberto Eco ou Mario Vargas Llosa.

    Il y a des engouements populaires plutôt sympathiques. Par exemple, celui des adorateurs du petit sorcier Potter se rendant sur ses traces à Oxford. Ou quand des pèlerins aux allures de païens, en quête des secrets du Da Vinci Code, découvrent notre patrimoine. L'église Saint- Sulpice, à Paris, n'a pourtant pas attendu Dan Brown: elle attire les hommes de lettres depuis des lustres. Viennent-ils s'abreuver à la fontaine des orateurs sacrés (Bossuet, Fénelon, Fléchier et Massillon)? Ou remercier les pères qui sauvèrent la Corporation des maîtres-écrivains au XVIIIe siècle?

    C'est ici, au coe; ur de SaintGermain-des-Prés, et non à Notre-Dame-de-Paris, que Victor Hugo épousa Adèle Foucher en 1822. Il y situera plus tard une scène des Misérables. Le marquis de Sade et Charles Baudelaire y furent baptisés. Ernest Renan fréquenta le séminaire de Saint- Sulpice. Et les Trois Mousquetaires patrouillèrent dans le quartier: «L'on rencontrait toujours les inséparables se cherchant du Luxembourg à la place Saint-Sulpice» (chapitre VII). Ce n'est pas un hasard si Michel Déon vécut vingt ans rue Férou: «C'était la rue d'Athos, dans un ancien hôtel particulier accoté à l'hôtel de Mme de La Fayette.»

    De nos jours, on y croise Umberto Eco ou Mario Vargas Llosa. Celui-ci réside derrière l'église et lui rend des hommages déguisés: «Flora Tristan, le personnage principal de mon dernier roman, voyait de ses fenêtres les tours de Saint-Sulpice.» Ces tours, Henry Miller les prit pour des beffrois: «Les gros clochers, les affiches gueulardes sur la porte, les cierges flambant à l'intérieur. La place si aimée par Anatole France, avec ce ronron bourdonnant de l'autel, le clapotis de la fontaine, le roucoulement des pigeons, les miettes qui disparaissent comme par enchantement [...] Saint-Sulpice n'avait pas alors grand sens pour moi» (Tropique du Cancer, p. 42.).

    Joris-Karl Huysmans, adepte de l'occultisme, y planta le décor d'un roman: «Il fréquentait volontiers cette église [...] parce qu'il pouvait, loin des foules, s'y trier en paix. L'horreur de cette nef, voûtée de pesants berceaux, disparaissait avec la nuit; les bas-côtés étaient souvent déserts, les lampes peu nombreuses éclairaient mal; l'on pouvait se pouiller l'âme sans être vu, l'on était chez soi...» (En route).

    Le sanctuaire de saint Sulpicius le Pieux servit de siège social à de nombreuses sociétés secrètes. Rendez-vous des alchimistes, rosicruciens et francs-maçons, le lieu fut surnommé «Nouveau temple de Salomon». Et ses fresques restent une énigme. Jean-Paul Kauffmann leur consacra un ouvrage: «L'intérieur de l'église, sa couleur grise de vieux papier journal. Immédiatement, à main droite, la chapelle des Saints-Anges. Le vitrail est nu. Seules les murailles peintes par Delacroix resplendissent.» (La lutte avec l'ange, p.13.) Le tableau avait déjà inspiré un roman à Anatole France: «J'ai pénétré les antiquités orientales, la Grèce et Rome, j'ai dévoré les théologiens, les philosophes, les physiciens, les géologues, les naturalistes. J'ai su, j'ai pensé, j'ai perdu la foi» (La révolte des anges). Longtemps suspecté d'être l'un des Grands Maîtres du Prieuré de Sion, lié à Saint-Sulpice, Victor Hugo déclarait: «C'est par la souffrance que les êtres humains deviennent les anges...» Comment percer autant d'obscurité? Anatole France dut s'en convaincre: «Une certaine connaissance des sciences occultes devient nécessaire à l'intelligence d'un grand nombre d'oe; uvres littéraires de notre temps.»

    Carnet d'adresses à Paris
    Le café de la Mairie
    8, place Saint-Sulpice
    Fréquenté par les surréalistes, Beckett, Perec, Hemingway, Fitzgerald... Djuna Barnes en fit un théâtre dans Le bois de la nuit.

    Hôtel Louis II
    2, rue Saint-Sulpice
    Pour son atmosphère XVIIIe siècle.

    Henry Miller
    Tropique du Cancer (Folio)

    Huysmans
    En route (Folio)

    Jean-Paul Kauffmann
    La lutte avec l'ange (Folio)

    Source:http://www.lire.fr/chronique.asp?idc=51486&idR=142&idG=

  • Catégories : Des évènements, Des lieux, La littérature

    Festival de Grignan de la correspondance du 4 au 8 juillet 2007

    par Alain Rubens
    Lire, juillet 2007

    Une fois de plus, le Festival de la correspondance de Grignan va se parer de ses plus belles plumes. Inauguré en 1996, pour la célébration du tricentenaire de la mort de la marquise de Sévigné (1626-1696) qui s'y était installée en y déployant son génie épistolaire, le village de Grignan, dans la Drôme, est aujourd'hui associé à la correspondance de plaisir. Sur le parvis du château et dans les jardins ombragés, dans les ruelles et sur les places, on déambule parmi les conteurs, les calligraphes et les lecteurs de lettres: ils disent le charme d'un genre - la correspondance - qui résiste aux coups de boutoir des fulgurants SMS et de l'écriture phonétique, et refuse d'envoyer aux antiquailles tout soupçon de syntaxe et d'orthographe. Près du château, des «chambres d'écriture» seront mises à la disposition du passant. A un coin de rue, au détour d'une humeur, rien ne manquera pour inciter à écrire: bureau, plumes et beau papier. Chaque année, un thème est retenu. Du 4 au 8 juillet 2007, c'est le «cinéma» qui titillera l'imagination épistolière. L'année dernière, Claude Allègre avait donné le coup d'envoi à un festival consacré à la «science», sujet austère qui n'a nullement désarmé les «mains à plume».

    Renseignements au 04 75 46 55 83 et sur Internet: www.festivalcorrespondance-grignan.com

    Source:http://www.lire.fr/enquete.asp/idC=51466/idR=200
  • Catégories : Des lieux

    Bienvenue au Livre-Hôtel !

    C'est le palace qui fait fureur à Manhattan : au Library Hotel, chaque étage et chaque chambre sont consacrés à des oeuvres littéraires. L'écrivain Gaspard Koenig y a dormi. Il raconte

     

    De notre envoyé spécial à New York
    Ce pourrait être la bibliothèque de Babel telle que Borges la rêvait, d'interminables galeries de livres suspendues à des hauteurs vertigineuses. Situé au coeur de Manhattan, à l'angle de Madison Avenue et de la 41 e Rue, le Library Hotel offre l'unique exemple au monde d'un hôtel intégralement conçu sur le modèle d'une bibliothèque. Chacun des douze étages correspond à un domaine de connaissances particulier ( langues, sciences, arts, littérature, histoire, etc. ), qui se décline ensuite, selon les chambres, en différents thèmes : ainsi, le 9 e étage, « Histoire », comprend les chambres « Biographies », « Géographie », « Histoire d'Asie », « Océanographie », « Histoire ancienne » et « Histoire contemporaine ». Une bibliothèque située à côté du lit est garnie d'un échantillon de 50 à 100 livres relatifs au sujet choisi. L'heureux occupant de la chambre « Biographies » aura tout le loisir de méditer les vies de George III, de Margaret Thatcher ou de Joe Di Maggio. La numérotation des 60 chambres de l'hôtel s'inspire comme de juste des principes de la classification décimale Dewey, ce système bien connu des habitués des bibliothèques qui consiste à répartir les ouvrages en 10 classes générales notées de 000 à 900, puis à opérer autant de divisions et de subdivisions que nécessaire en rajoutant des indices : notre chambre « Biographies », numéro 900. 004, sera donc un sous-ensemble de la section 900, « Histoire ». Dans l'hôtel, tout le monde trouve son compte à ce petit jeu arithmétique : les romanciers vont réviser leurs classiques en 800. 002, les avocats préparent leurs procès en 300. 006, les matheux bûchent en 500. 001. Les érudits consultent des encyclopédies en 1000. 003, tandis que les superstitieux, leurs voisins, déchiffrent leurs almanachs en 1000. 004. Les hypocondriaques se plongent dans des livres de médecine en 600. 004, et les insomniaques cherchent le remède à leur mal en 1100. 001 devant les traités de logique formelle. Les jeunes couples peuvent s'instuire en 800. 001, l'équivalent de la salle que les habitués de la bibliothèque Richelieu surnomment « l'Enfer ». N'oublions pas les enfants, envoyés en 500. 005 pour tout savoir sur les dinosaures, ou en 800. 005 pour lire le dernier conte à la mode. L'hôtel se trouve sur le Library Way, cette rue qui mène à la New York Public Library, la célèbre bibliothèque de la ville. On peut l'apercevoir depuis certaines chambres, en même temps que Madison Avenue, qui s'étire à perte de vue vers les deux extrémités de Manhattan. Tout autour, les gratte-ciel surplombent l'hôtel d'une bonne trentaine d'étages, créant cette sensation d'apesanteur si typique de Midtown. L'esprit se perd dans les livres, et les livres se perdent dans les perspectives démesurées de la Nouvelle Babylone. Si la bibliothèque est infinie, demandait Borges, possède-t-elle un catalogue ? Réponse dans la « Chambre des Chambres », la 1000. 001, consacrée précisément aux bibliothèques. « Mise en abyme » : à ces altitudes new-yorkaises, l'expression prend tout son sens. Sous ses grands airs métaphysiques, le Library Hotel reste cependant un lieu intime et confortable, répondant idéalement à la définition du boutique hotel : un établissement de luxe aux dimensions modestes, aménagé sans tape-à-l'oeil. La décoration intérieure, conçue par Andi Pepper, lui donne des allures de club anglais : tons crème, portes en bois, cuir matelassé au mur et sur les fauteuils, poignées de cuivre imitant celles des tiroirs de bibliothèque. Le choix du bois de mahogany, précieux, lourd et sombre, renforce cette atmosphère feutrée, presque confinée, si propice à la lecture ; seuls des bouquets de bambous et d'orchidées brisent par touches délicates l'austérité de l'ensemble. L'immense bibliothèque du hall, garnie de vieux livres aux reliures travaillées, donne d'emblée le ton : c'est un hôtel à découvrir par temps de pluie. Les différents salons de lecture invitent à la déambulation. Au 2 e étage, une longue pièce au bout de laquelle trône un piano quart-de-queue abrite une dizaine de bibliothèques murales, où les livres sont entassés dans un riant désordre. Le matin, une mère de famille assez pincée y lit « le Misanthrope » en prenant son petit déjeuner ; plus tard, dans la soirée, un avocat venu pour un congrès feuillette le dernier polar de John Grisham lors de la traditionnelle collation « vin et fromage ». Au 13 e étage, on trouve dans le « Cabinet des Ecrivains » quelques irréductibles solitaires enfoncés dans des fauteuils en cuir, et à demi assoupis, un livre sur les genoux, devant un feu de cheminée artificiel. Si l'on résiste à cette aimable torpeur, ce sera pour prendre la direction du « Jardin de la Poésie », situé juste en face ; une élégante véranda tout en verre et osier où l'on peut voir des professionnels de la pub plongés dans les oeuvres de Keats, de Coleridge ou de Thomas Hardy. En ratissant les chambres, les couloirs et les bibliothèques communes du Library Hotel, on réunirait au bas mot 6 000 livres, soit tout de même six fois plus que la célèbre librairie de Montaigne. Et l'on aurait devant soi le contenu d'un formidable grenier de grand-mère new-yorkaise, où l'on pourrait trouver aussi bien de vieux classiques dépareillés ( enfin l'occasion de relire Plutarque et Grotius !), des contemporains à succès ( Tom Wolfe le disputant à John le Carré ), des livres d'art ( de la sculpture rococo à l'inévitable Claude Monet ) que des ouvrages nettement plus improbables et souvent fascinants : les archives de la cour d'appel de New York de 1926, le catalogue de Sotheby's pour l'année 1987, les douze volumes de l' « Encyclopédie Britannica », « l'Interprétation des rêves » de Freud, un recueil des plus belles histoires de marins, le dictionnaire des termes géographiques, la recension des ventes aux enchères internationales en 1990, « Art et miracles dans la Byzance médiévale », un album animalier en japonais, et même le glossaire chinois-anglais des termes de la mécanique et de la métallurgie. C'est cet aspect fourre-tout qui confère au Library Hotel son charme le plus authentique. Achetés au petit bonheur chez Strand, l'immense librairie de New York, et régulièrement renouvelés, les livres circulent dans l'hôtel sans aucun contrôle, au point que quelque 200 sont volés chaque année. L'hôtel-bibliothèque ne possède pas de catalogue : aucun livre n'est indispensable. Il leur suffit de faire nombre. Quant au lecteur, il peut enfin en toute bonne conscience lire des navets, feuilleter des inventaires, ou se contenter de regarder les couvertures. Malgré ce thème omniprésent de la bibliothèque, qui va jusqu'à substituer au classique « Do not disturb » le signe « Let me read », le Library Hotel n'est pas un hôtel littéraire tel que Paris peut en offrir ( que l'on pense par exemple à l'H ôtel Pont-Royal ). On n'y trouvera guère de jeune auteur, la mèche au vent, d'éditeur en campagne ou de cocktails de remise de prix. Sa clientèle est essentiellement constituée d'hommes d'affaires, de publicitaires, d'avocats, de designers, et aussi de couples en voyage de noces, très intéressés par la chambre « Amour ». A l'image de tous les palaces internationaux, le Library Hotel fonctionne en partie comme un lieu de conférence pour cadres dirigeants. Ceux-ci disposent, au niveau du Penthouse, d'une salle de réunion qui, malgré son nom évocateur d' « Inspiration Room », ressemble à tous les bureaux d'entreprise. Le concept de l'hôtel reste avant tout marketing, et son milieu naturel celui du business. Son fondateur, Henry Kallan, n'a rien d'un bibliophile passionné ; il nous a d'ailleurs confessé ne jamais lire pour son plaisir. En revanche, il représente une des figures les plus achevées de l'American dream : débarqué en 1967 de Tchécoslovaquie, il fut d'abord employé comme simple groom, puis gravit peu à peu tous les échelons de la hiérarchie hôtelière jusqu'à créer son propre groupe, qui comporte à présent quelques-uns des hôtels les plus réputés de New York ( Giraffe, Casablanca, Elysée, Gansevoort ). Décidé à ouvrir un nouvel hôtel, Kallan remarqua un vieil immeuble de bureaux délabré en face de la New York Public Library, puis décida avec son architecte Stephen B. Jacobs de tenter l'aventure d'un Library Hotel. Celui-ci ouvrit ses portes en août 2000, et connut rapidement un immense succès, au point de figurer aujourd'hui en 5 e position dans le célèbre classement du site tripadvisor. com. Comme le dit Kallan : « Je savais que je tenais quelque chose de spécial , mais je n'aurais jamais imaginé que l'hôtel allait conquérir les coeurs de tant de voyageurs venus du monde entier. » Dans la bibliothèque de Babel, tout le monde finit par devenir lecteur. Ainsi, dans l'hôtel, les livres bougent, vivent, s'échangent. On les retrouve dans toutes les mains, délivrés de ce respect excessif dont les Français les entourent trop souvent. Ils découvrent, eux aussi, l'American way of life.

    Library Hotel, 299 Madison Avenue at 41 e Street, New York City, www. libraryhotel . com. Réservations : ( 001 ) ( 1 ) 212-983-4500 . Tarifs : de 289 à 589 dollars.

    Né en 1982, normalien, Gaspard Kœnig a publié en 2004 un premier roman très remarqué, « Octave avait vingt ans » (Grasset), qui lui a valu le prix Jean-Freustié, et, en 2006, « Un baiser à la russe ».



    Gaspard Koenig

    Le Nouvel Observateur - 2221 - 31/05/2007


    Source:http://livres.nouvelobs.com/p2221/a345941.html
  • Catégories : Des lieux, La culture

    Visiter Sibiu, capitale européenne de la culture 2007

    medium_sibiu1.jpgPetite bourgade paisible dans les monts de Transylvanie, Sibiu s'est vu proclamée Capitale Européenne de la Culture. L'occasion d'aller voir un peu ce qui se passe en Roumanie, nouvel entrant dans l'Union Européenne.

    Cette année 2007, la ville de Sibiu est à l'honneur : érigée au rang de capitale européenne de la culture, elle est ainsi la première ville de l'ancienne Europe de l'Est à porter ce titre.

    Sibiu : un village de Transylvanie classé au Patrimoine mondial de l'Unesco

    Avec plus de 800 ans d'âge, la vieille ville historique de Sibiu est classée au Patrimoine Mondial de l'Unesco, au titre des "sites villageois avec églises fortifiées de Transylvanie". Au total, 7 villages sont classés, dont la commune de Sibiu, donnant ainsi une image vivante du paysage culturel du sud de la Transylvanie. Fondés par les Saxons de Transylvanie, ils se caractérisent par un système particulier d'aménagement du territoire, où les églises fortifiées dominent les habitations.

    Une ville d'art et de culture

    Entouré des montagnes de Transylvanie, Sibiu est perçue comme une ville d'art et de culture. La ville possède en effet un ensemble architectural unique en Roumanie et dans l’Est de l’Europe, de nombreux musées, un théâtre et organise de nombreux festivals.

    Fondée sur des ruines romaines au XIIIe siècle par des colons allemands, Sibiu devient une ville de passage entre les routes de l’Orient et de l’Occident et accède au titre de capitale de la Transylvanie austro-hongroise au XVIIe siècle.

    Véritable cœur de Sibiu, la "ville supérieure" englobe les trois principales places : la place Huet, qui abrite l’église évangélique de style gothique ; la Petite Place, dominée par le musée d’ethnographie universelle et la Maison du Luxembourg ; la Grande Place, devenue centre de la ville depuis le XVIe siècle, de style baroque, qui abrite le palais Brukental, un des monuments baroques les plus importants de Roumanie. L’architecture de la "ville inférieure" comprend essentiellement des maisons de style saxon, à deux étages, grand toit, et portes ouvrant sur des belles cours intérieures.

    En 2007, la capitale européenne de la culture

    Pour cette année 2007 qui fera d’elle la ’’capitale européenne de la culture’’, Sibiu a mis en place un programme culturel très riche, couvrant des domaines différents : la littérature, les arts du spectacle, la musique, le patrimoine et l’architecture seront à l'honneur. Conférences, débats, expositions thématiques ainsi que spectacles de son et lumière mettront en valeur ces différentes facettes culturelles.

    Sibiu a aussi mis en place un programme commun avec la ville de Luxembourg (elle aussi nommé capitale européenne de la culture 2007) dans le but de créer un véritable axe culturel "Est-Ouest". Un ’’marathon européen de poésie’’ sera organisé sur trois jours dans des endroits insolites tant à Sibiu qu’à Luxembourg. Des concerts des orchestres philharmoniques de deux villes, ainsi que des films sur l’histoire de deux ’’capitales européennes de la culture’’ sont également envisagés dans le cadre de ce partenariat.

    » Consulter le programme : www.sibiu2007.ro

    Y aller :

    En bus ou en voiture : Sibiu est connectée au réseau routier européen. On peut donc y accéder depuis Budapest, Vienne, Sofia ou Bucarest.
    En train : deux trains par jours depuis Bucarest (6 heures)
    En avion : l'avion est une très bonne option, car l'aéroport international de Sibiu est directement relié à plusieurs villes d'Europe, notamment en Allemagne et en Italie. La compagnie Carpatair offre des connexions quotidiennes vers Paris.

    http://www.linternaute.com/voyager/saison/mai-04.shtml

  • Catégories : Des expositions, Des lieux

    Une expo et une ville (ma ville natale) à (re)découvrir:"A fleur de peau"

    medium_troyes.jpgTroyes enlève le bas

    PHILIPPE VIGUIE DESPLACES (mercredi 18 avril 2007)


    Doté d’un magnifique Musée d’art moderne installé dans l’ancien évêché, Troyes propose depuis quelques jours une exposition intitulée « A fleur de peau ». Si l’on y ajoute un coeur de ville médiéval admirablement restauré et en périphérie plus d’une centaine de boutiques de marques à prix réduits… un week-end à Troyes s’impose.

    Premières impressions Le vieux Troyes a la forme d’un bouchon de champagne avec des maisons à pans de bois, pour certaines, ventrues comme des outres trop pleines. La partie la plus étroite du bouchon est la plus commerçante et la plus animée. La rue Emile-Zola, dont les façades médiévales ont repris des couleurs d’autrefois – vert pomme ou rouge sang de boeuf –, les voies adjacentes étroites comme la ruelle des Chats qui découvrent de petites placettes conviviales, sont les entrailles de la ville. Au premier coup d’oeil, on comprend vite que Troyes est un petit bijou aux charmes moyenâgeux, renaissance ou dix-huitièmiste avec quelques splendeurs : la grille de l’Hôtel Dieu, ferronnerie d’or coiffée des pleines armes de Champagne ou la cathédrale. Sa verrerie d’origine est une splendeur et le souvenir de Bernard de Clairvaux, dictant sous la nef magistrale les règles de la chevalerie, ajoute à l’émotion engendrée par la majesté des lieux. Troyes, à l’ombre de ce clocher millénaire, y cultive son propre art de vivre. Dans le palais épiscopal, le Musée d’art moderne présente une grande exposition consacrée au bas, un élément de bonneterie qui fut la grande affaire industrielle de la ville.

    « À fleur de peau » À travers du bas, c’est le thème de la nudité et du désir dans l’art qui est traité par cette exposition peu banale qui présente plus de 350 peintures. Pour réussir une telle entreprise, qui avait toutes les chances de tomber soit dans l’anecdotique et le cliché, soit dans le plus complet prosaïsme, il fallait deux ingrédients : un vrai contenu et une scénographie parfaitement adaptée. Conduit de mains de – jeunes – maîtres, sans aucune espèce de timidité, deux étudiants d’une vingtaine d’années de l’École nationale supérieure de création industrielle, Élodée Cardineaud et Julien Legras, ont été sélectionnés au terme d’un atelier de projets dirigé par le designer Jean-François Dingjian. Le résultat très prometteur décoiffe : les oeuvreJs sont accueillies dans des modules, ellipses de voilage aux formes lascives. Des dizaines de bas reposent dans des vitrines au design inventif qui rappellent celles que l’on voyait autrefois dans les magasins de bonneterie. Les étudiants de l’école ont poussé le détail jusqu’à filtrer la lumière des vitres extérieures par des motifs de bas grossis… ajoutant une touche d’humour à une mise en scène très réussie qui sert avec justesse l’autre trésor de l’exposition : les oeuvres. Elles sont signées des plus grands, un tour de force. Bien sûr, il y a Toulouse-Lautrec, celui auquel on pense immédiatement, mais encore Capiello pour de superbes affiches, Picasso pour un Nu aux jambes croisées, ou encore Matisse pour cette superbe Lorette à la terrasse d’un café. Des oeuvres de Van Dongen, Courbet, Degas, Gromaire, Chagall… défilent devant nous dans un luxe d’érotisme contenu, jamais vulgaire. « Le bas, objet de toutes les ambiguïtés, révèle la forme du corps nu sans montrer la peau », commente le commissaire de l’exposition, Emmanuel Coquery.

    Le Musée d’art moderne. Il contient la collection de Pierre et Denise Lévy, amateurs d’art troyens éclairés et riches dont le goût très sûr s’est porté sur la peinture des XIXe et XXe siècle. Le Paysage de neige dans le Jura de Gustave Courbet ou Les deux hommes en pieds de Degas ou encore Les Coureurs de Delaunay, oeuvre célébrissime, valent à eux seuls le déplacement à Troyes. Mais il y a aussi de magnifiques Dufy, Derain, Matisse, cerise sur le gâteau on s’assoit sur un mobilier superbe de Paulin.

    COMMENT Y ALLER
    En train, c’est à 1 h 30 à partir de la gare de l’Est, en voiture par l’A5. Troyes est à 160 km de Paris.

    OÙ DORMIR ?
    À la Maison de Rhodes dans le centre historique de Troyes, un magnifique petit hôtel de charme d’une dizaine de chambres aménagé dans une jolie maison à pans de bois. 18, rue Linard-Gonthier. www.maisonderhodes.com

    SHOPPING
    Troyes est le paradis des magasins d’usine de marques avec Mcarthurglen et Marques City et sur un second site Marque Avenue. Au total, plus de 300 boutiques.

    SE RENSEIGNER ?
    Office de tourisme de Troyes, tél. : 03 25 82 62 70 et www.tourisme-troyes.com

    EXPOSITION
    « A fleur de peau » au Musée d’art moderne de Troyes, 14, place Saint-Pierre. Tél. : 03 25 76 26 80. Tlj de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures Tarif : 5 € TR : 2,50 €. Gratuit pour les moins de 18 ans.

     http://www.figaroscope.fr/week_end/2007041700023920.html

  • Catégories : Des expositions, Des lieux, La peinture

    Giverny impressionniste : une colonie d'artistes, 1885 -1915(Pour Monette)

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    John Leslie Breck
    Étude d'un jour d'automne, n°7,, 1891
    Huile sur toile 33,7 x 41,3 cm
    Chicago, Terra Foundation for American Art
    ©TFAA

    Du 1er avril au 1er juillet 2007

    Giverny, où Claude Monet a élu résidence en 1883, a attiré une centaine d’artistes entre les années 1880 et la première guerre mondiale. Bien que le peintre ne les ait pas encouragés à le suivre, de nombreux étudiants et artistes étrangers passent de longs séjours à Giverny, peignant le village et ses alentours. Ils font de l’Hôtel Baudy leur quartier général, et vont jusqu’à investir plusieurs maisons, transformant progressivement le petit village normand en une florissante colonie d’artistes.

    « Giverny impressionniste : une colonie d’artistes, 1885-1915 » étudie pour la première fois le phénomène de cette communauté internationale d’artistes sur une période de trente ans, le réintroduisant dans le contexte plus large des colonies rurales d’artistes. L’exposition comprend plus de 80 tableaux issus de collections européennes et américaines, dont une trentaine de la Terra Foundation for American Art, qui possède une collection exceptionnelle d’œuvres réalisées par des artistes américains à Giverny.

    Divisée en quatre sections, l’exposition retrace l’évolution chronologique, stylistique et thématique des œuvres des artistes de la colonie. Aux côtés de Claude Monet, des figures majeures de l’impressionnisme nord-américian comme John Leslie Breck, Frederick MacMonnies, ou Theodore Robinson sont exposées, ainsi que des artistes moins célèbres, tels que William Blair Bruce ou Alson Clark. De nombreux documents et photographies d’archives viennent enrichir l’apport historique de l’exposition.

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    Claude Monet
    Champ de coquelicots (w1253), 1890
    Huile sur toile 61,2 x 93,1 cm
    The Art Institute of Chicago.
    Collection de Mr et Mme W. W. Kimball (22.4465)
    ©Reproduction, The Art Institute of Chicago

    Plus d'informations:http://giverny.org/museums/american/guide/indexfr.htm

  • Catégories : Balades, Des lieux

    Les Gorges de la Loire plein les yeux

    medium_33701-1-0357-1-baladedouce.jpg

    De belles balades en pleine nature, avec de multiples belvédères en surplomb, du fantastique spectacle des Gorges de la Loire, c'est idéal au printemps. Et c'est entre Lyon et Saint Etienne. A pied...

    Pour admirer les Gorges du plus long fleuve de France (1 012 kilomètres) et aussi le moins aménagé - ce qui signifie que sa nature sauvage est très respectée - , rien ne vaut le village médiéval de Saint Victor sur Loire, comme point de départ.

     

    Le bourg, qui vivait autrefois du commerce du saumon, puisque le poisson rose revenait frayer dans la rivière, avant de repartir en mer, vaut pour son ancien presbytère, ses maisons de passementiers et son église romane à colonnes du XIème siècle, avec une vierge en bois doré et surtout un autel Louis XIII, lui aussi en bois doré et rehaussé de cuir de Cordoue.

    medium_33701-5-0357-1-baladedouce.jpg

    On peut prendre du temps pour la visite, car les promenades en belvédère au-dessus des Gorges dépassent rarement les cinq à six kilomètres.

     

    Après un parcours en forêt dans une végétation semi- méditerranéenne, qui annonce déjà l'Ardèche avec ses pins courts, on suit les murets de pierres, parmi les genêts qui fleurissent en mai. Un spectacle flamboyant à ne pas manquer. On est sur le plateau de la Danse, ainsi baptisé en raison d'une légende qui prétend que les filles légères de Saint Victor exécutaient une danse, avant d'être punies de mort par les elfes. Souvenir d'une époque où l'on ne rigolait pas avec la vertu des demoiselles !

    De là, on admire l'île de Grangent et son château, le barrage construit en 1957, avant de profiter de la pêche et de toutes les activités nautiques que l'on y pratique à la belle saison et le château d'Essalois.

     

    Il se visite librement et offre un très beau panorama sur les Gorges depuis la tour. Bâti au XVIème siècle autour de fortifications qui datent du XIIIème siècle, on peut admirer aussi son jardin à la française et son théâtre de verdure.

    Pratique

    Syndicat des Gorges de la Loire,
    à St Etienne (Loire)

    13, rue d'Arcole

    Tél. : 04 77 43 24 46

    smagl.com

    Pour trouver des idées de balades le long des Gorges de la Loire, on peut consulter le site du Syndicat des Gorges de la Loire et commander « Le topoguide de randonnées pédestres » qui s'adresse à un public essentiellement familial. Il invite à la découverte du patrimoine des Gorges de la Loire, grâce au grand circuit de 57,5 kilomètres et aux 13 parcours (1,7 à 13 kilomètres).

    Un livret comprenant des informations sur le patrimoine architectural et sur le milieu naturel est joint. Prix : 10,50 euros.

    Pour séjourner dans la Loire et en découvrir les charmes

    loire.fr

  • "Le tombeau de Virgile" par Alexandre Dumas père

    Texte
    Pour faire diversion à nos promenades dans Naples, nous résolûmes, Jadin et moi, de tenter quelques excursions dans ses environs. Des fenêtres de notre hôtel nous apercevions le tombeau de Virgile et la grotte de Pouzzoles. Au delà de cette grotte, que Sénèque appelle une longue prison, était le monde inconnu des féeries antiques; l'Averne, l'Achéron, le Styx; puis, s'il faut en croire Properce, Baïa, la cité de perdition, la ville luxurieuse, qui, plus sûrement et plus vite que toute autre ville, conduisait aux sombres et infernaux royaumes.

    Nous prîmes en main notre Virgile, notre Suétone et notre Tacite; nous montâmes dans notre corricolo, et comme notre cocher nous demandait où il devait nous conduire, nous lui répondîmes tranquillement: – Aux enfers. Notre cocher partit au galop.

    C'est à l'entrée de la grotte de Pouzzoles qu'est situé le tombeau présumé de Virgile.

    On monte au tombeau du poète par un sentier tout couvert de ronces et d'épines: c'est une ruine pittoresque que surmonte un chêne vert, dont les racines l'enveloppent comme les serres d'un aigle. Autrefois, disait-on, à la place de ce chêne était un laurier gigantesque qui y avait poussé tout seul. A la mort du Dante, le laurier mourut. Pétrarque en planta un second qui vécut jusqu'à Sannazar. Puis enfin Casimir Delavigne en planta un troisième qui ne reprit même pas de bouture. Ce n'était pas la faute de l'auteur des Messéniennes, la terre était épuisée.

    On descend au tombeau par un escalier à demi ruiné, entre les marches duquel poussent de grosses touffes de myrtes; puis on arrive à la porte columbarium, on en franchit le seuil et l'on se trouve dans le sanctuaire.

    L'urne qui contenait les cendres de Virgile y resta, assure-t-on, jusqu'au quatorzième siècle. Un jour on l'enleva sous prétexte de la mettre en sûreté: depuis ce jour elle n'a plus reparu.

    Après un instant d'exploration intérieure, Jadin sortit pour faire un croquis du monument et me laissa seul dans le tombeau. Alors mes regards se reportèrent naturellement en arrière, et j'essayai de me faire une idée bien précise de Virgile et de ce monde antique au milieu duquel il vivait.

    Virgile était né à Andes, près de Mantoue, le 15 octobre de l'an 70 avant Jésus-Christ, c'est-à-dire lorsque César avait trente ans; et il était mort à Brindes, en Calabre, le 22 septembre de l'an 19, c'est-à-dire lorsque Auguste en avait quarante-trois.

    Il avait connu Cicéron, Caton d'Utique, Pompée, Brutus, Cassius, Antoine et Lépide; il était l'ami de Mécène, de Salluste, de Cornélius Nepos, de Catulle et d'Horace. Il fut le maître de Properce d'Ovide et de Tibulle, qui naquirent tous trois comme il finissait ses Géorgiques.

    Il avait vu tout ce qui s'était passé dans cette période, c'est-à-dire les plus grands événements du monde antique: la chute de Pompée, la mort de César, l'avènement d'Octave, la rupture du triumvirat; il avait vu Caton déchirant ses entrailles, il avait vu Brutus se jetant sur son épée, il avait vu Pharsale, il avait vu Philippes, il devait voir Actium.

    Beaucoup ont comparé ce siècle à notre dix-septième siècle; rien n'y ressemblait moins cependant: Auguste avait bien plus de Louis-Philippe que de Louis XIV. Louis XIV était un grand roi, Auguste fut un grand politique.


    […]


    Voilà l'homme [i. e. Auguste] qui protégea vingt ans Virgile; voilà le prince à la table duquel il s'assit une fois par semaine avec Horace, Mécène, Salluste, Pollion et Agrippa; voilà le dieu qui lui fit ce doux repos vanté par Tityre, et en reconnaissance duquel l'amant d'Amaryllis promet de faire couler incessamment le sang de ses agneaux.

    En effet, le talent doux, gracieux et mélancolique du cygne de Mantoue devait plaire essentiellement au collègue d'Antoine et de Lépide. Robespierre, cet autre Octave d'un autre temps, ce proscripteur en perruque poudrée à la maréchale, en gilet de basin et en habit bleu-barbeau, à qui heureusement ou malheureusement (la question n'est pas encore jugée) on n'a point laissé le temps de se montrer sous sa double face, adorait les Lettres à Émilie sur la mythologie, les Poésies du cardinal de Bernis et les Gaillardises du chevalier de Boufflers; les Iambes de Barbier lui eussent donné des syncopes, et les drames d'Hugo des attaques de nerfs.

    C'est que, quoi qu'on en ait dit, la littérature n'est jamais l'expression de l'époque, mais tout au contraire, et si l'on peut se servir de ce mot, sa palinodie. Au milieu des grandes débauches de la régence et de Louis XV, qu'applaudit-on au théâtre? Les petits drames musqués de Marivaux. Au milieu des sanglantes orgies de la révolution, quels sont les poètes à la mode? Colin-d'Harleville, Demoustier, Fabre-d'Églantine, Legouvé et le chevalier de Bertin. Pendant cette grande ère napoléonienne, quelles sont les étoiles qui scintillent au ciel impérial? M. de Fontanes, Picard, Andrieux, Baour-Lormian, Luce de Lancival, Parny. Chateaubriand passe pour un rêveur, et Lemercier pour un fou; on raille le Génie du christianisme, on siffle Pinto.

    C'est que l'homme est fait pour deux existences simultanées, l'une positive et matérielle, l'autre intellectuelle et idéale. Quand sa vie matérielle est calme, sa vie idéale a besoin d'agitation; quand sa vie positive est agitée, sa vie intellectuelle a besoin de repos. Si toute la journée on a vu passer les charrettes des proscripteurs, que ces proscripteurs s'appellent Sylla ou Cromwell, Octave ou Robespierre, on a besoin le soir de sensations douces qui fassent oublier les émotions terribles de la matinée. C'est le flacon parfumé que les femmes romaines respiraient en sortant du cirque; c'est la couronne de roses que Néron se faisait apporter après avoir vu brûler Rome. Si, au contraire, la journée s'est passée dans une longue paix, il faut à notre cœur, qui craint de s'engourdir dans une languissante tranquillité, des émotions factices pour remplacer les émotions réelles, des douleurs imaginaires pour tenir lieu des souffrances positives. Ainsi, après cette suprême bataille de Philippes, où le génie républicain vient de succomber sous le géant impérial; après cette lutte d'Hercule et d'Antée qui a ébranlé le monde, que fait Virgile? Il polit sa première églogue. Quelle grande pensée le poursuit dans ce grand bouleversement? Celle de pauvres bergers qui, ne pouvant payer les contributions successivement imposées par Brutus et par César, sont obligés de quitter leurs doux champs et leur belle patrie:

    Nos patriae fines et dulcia linquimus arva;
    Nos patriam fugimus.

    De pauvres colons qui émigrent, les uns chez l'Africain brûlé, les autres dans la froide Scythie.

    At nos hinc alii sitientes ibimus Afros;
    Pars Scythiam...

    Celle de pauvres pasteurs enfin, pleurant, non pas la liberté perdue, non pas les lares d'argile faisant place aux pénates d'or, non pas la sainte pudeur républicaine se voilant le front à la vue des futures débauches impériales dont César a donné le prospectus; mais qui regrettent de ne plus chanter, couchés dans un antre vert, en regardant leurs chèvres vagabondes brouter le cytise fleuri et l'amer feuillage du saule.

    ... Viridi projectus in antro.
    ...............................
    Carmina nulla canam; non, me pascente, capellae,
    Florentem cytisum et salices carpetis amaras.

    Mais peut-être est-ce une préoccupation du poète, peut-être cette imagination qu'on a appelée la Folle du logis, et qu'on devrait bien plutôt nommer la Maîtresse de la maison, était-elle momentanément tournée aux douleurs champêtres et aux plaintes bucoliques; peut-être les grands événemens qui vont se succéder vont-ils arracher le poète à ses préoccupations bocagères. Voici venir Actium; voici l'Orient qui se soulève une fois encore contre l'Occident; voici le naturalisme et le spiritualisme aux prises; voici le jour enfin qui décidera entre le polythéisme et le christianisme. Que fait Virgile, que fait l'ami du vainqueur, que fait le prince des poètes latins? Il chante le pasteur Aristée, il chante des abeilles perdues, il chante une mère consolant son fils de ce que ses ruches sont désertes, et n'ayant rien de plus à demander à Apollon, comment avec le sang d'un taureau on peut faire de nouveaux essaims.

    Et que l'on ne croie pas que nous cotons au hasard et que nous prenons une époque pour une autre, car Virgile, comme s'il craignait qu'on ne l'accusât de se mêler des choses publiques autrement que pour louer César, prend lui-même le soin de nous dire à quelle époque il chante. C'est lorsque César pousse la gloire de ses armes jusqu'à l'Euphrate.

    .... Caesar dùm magnus ad altum
    Fulminat Euphraten bello, victorque volentes
    Per populos dat jura, viamque affectat Olympo.

    Mais aussi que César ferme le temple de Janus, qu'Auguste pour la seconde fois rende la paix au monde, alors Virgile devient belliqueux; alors le poète bucolique embouche la trompette guerrière, alors le chantre de Palémon et d'Aristée va dire les combats du héros qui, parti des bords de Troie, toucha le premier les rives de l'Italie; il racontera Hector traîné neuf fois par Achille autour des murs de Pergame, qu'il enveloppe neuf fois d'un sillon de sang; il montrera le vieux Priam égorgé à la vue de ses filles, et tombant au pied de l'autel domestique en maudissant ses divinités impuissantes qui n'ont su protéger ni le royaume ni le roi.

    Et autant Auguste l'a aimé pour ses chants pacifiques pendant la guerre, autant il l'aimera pour ses chants belliqueux pendant la paix.

    Ainsi, quand Virgile mourra à Brindes, Auguste ordonnera-t-il en pleurant que ses cendres soient transportées à Naples, dont il savait que son poète favori avait affectionné le séjour.

    Peut-être même Auguste était-il venu dans ce tombeau, où je venais à mon tour, et s'était-il adossé à ce même endroit où, adossé moi-même, je venais de voir passer devant mes yeux toute cette gigantesque histoire.

    Et voilà cependant l'illusion qu'un malheureux savant voulait m'enlever en me disant que ce n'était peut-être pas là le tombeau de Virgile!

    Source

    Alexandre Dumas (père), Le corricolo, "Deuxième partie", "III. Le Tombeau de Virgile"

    Portrait, entre 1860 et 1870
    Source: Prints and Photographs Division, Library of Congress

    Biographie en résumé

    Alexandre Davy de La Pailleterie Dumas, dit Dumas. Illustre auteur dramatique et romancier français, fils du général Alexandre Dumas, né à Villiers-Cotterets (Aisne) le 5 thermidor an X (24 juillet 1802), mort à Puys, près de Dieppe, le 5 décembre 1870.

    "Héros des guerres de la Révolution et de l'expédition d'Egypte, son père, fils d'un marquis normand et d'une esclave de Saint-Domingue, meurt, alors que le jeune Alexandre n'a que quatre ans. Des centaines de livres, des milliers de personnages et des millions de mots ne viendront jamais combler la cruelle absence de celui dont la figure héroïque hantera toute son oeuvre. De son propre aveu, Alexandre Dumas ne guérira jamais de "cette vieille et éternelle douleur de la mort de son père."

    Fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir, Alexandre Dumas doit alors affronter les regards d'une société française qui, pour ne plus être une société d'Ancien Régime, demeure encore une société de castes. Elle lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l'époque voudront le réduire, sa folle prodigalité aussi. Certains de ses contemporains iront même jusqu'à lui contester la paternité d'une oeuvre étourdissante et son inépuisable fécondité littéraire qui tient du prodige.

    De tout cela, Dumas n'aura que faire. Force de la littérature, force de la nature, comme son héros Porthos qu'il aimait tant, il choisit de vivre sa vie. Cette vie foisonnante, luxuriante, parfois criarde, jamais mesquine, tout entière habitée par une généreuse lumière." (Jacques Chirac, Discours prononcé à l'occasion du transfert des cendres d'Alexandre Dumas au Panthéon, 30 novembre 2002)

    Voir aussi cette brève biographie

    Vie et œuvre
    Les divers épisodes de la vie de Dumas ont été tant de fois contés par lui-même ou par d’autres jusque dans leurs moindres détails qu’il suffirait de résumer brièvement les principales circonstances de cette existence si prodigieusement active, ainsi que les grandes œuvres qui en marquent les étapes, puis de grouper, dans l’ordre chronologique, et par leur nature même, les autres écrits de Dumas, dont la paternité lui a été contestée, ou ceux-là même qu’on pourrait, de son propre aveu, retrancher de son avoir. (...)

    Restée veuve en 1806 et réduite aux modiques ressources que lui concédait le titre de son mari, Mme Dumas ne put faire donner au fils issu de cette union qu’une éducation extrêmement sommaire et incomplète. L’enfant tenait, par contre, de son père, une constitution athlétique, une aptitude naturelle à tous les exercices du corps et une santé robuste. Les premiers chapitres de ses Mémoires renferment de nombreuses preuves de ce triple privilège, dont Dumas se montre presque aussi fier que de ses dons intellectuels et qui favorisèrent singulièrement les frasques de son adolescence, longuement contées aux mêmes pages. D’abord clerc d’avoué à Villers-Cotterets, puis à Crépy-sur-Oise, il vint en 1823 à Paris solliciter l’appui des anciens compagnons d’armes de son père, ralliés, pour la plupart, à la Restauration. Éconduit de divers côtés, il ne fut accueilli avec bienveillance que par un membre de l’opposition, le général Foy qui, aussi frappé de ses talents de calligraphe qu’affligé de son ignorance, lui procura une place d’expéditionnaire dans les bureaux de la chancellerie du duc d’Orléans. Le jeune homme, qui se proposait bien un jour de vivre de sa plume, se trouva néanmoins fort heureux de devoir à son écriture un traitement de 1200 fr. qui lui permettait de ne plus être à la charge de sa mère et lui laissait assez de loisirs pour apprendre tout ce qu’il ne savait pas et nommément l’histoire de France. Bientôt il osa faire imprimer ses premiers essais : une Élégie sur la mort du général Foy (1825, in-8); un dithyrambe en l’honneur de Canaris (1826, in-12) et un petit volume de Nouvelles contemporaines (1826, in-12). En même temps, il collaborait à deux vaudevilles, La Chasse et l’Amour (Ambigu-Comique, 22 septembre 1825) et La Noce et l’Enterrement (Porte Saint-Martin, 21 novembre 1826), tous deux signés Davy et dont il partagea les minces profits avec son camarade de jeunesse, Adolphe de Ribbing (de Leuven), James Rousseau, Lassagne et Gustave Vulpian. D’autres tentatives dramatiques plus sérieuses, tirées de la conjuration de Fiesque ou de l’épisode des Gracques, demeurèrent alors inédites, tandis qu’un passage d’Anquetil lui inspirait le drame d’où datent ses véritables débuts : Henri III et sa cour (cinq actes, en prose), représenté sur le Théâtre-Français le 11 février 1829, et demeuré depuis au répertoire (*), lui valut de véritables ovations; le duc d’Orléans, bien que fort peu sympathique à son subordonné, ne dédaigna pas de donner lui-même le signal des applaudissements et le nomma bibliothécaire adjoint aux appointements annuels de 1500 fr. Alexandre Dumas avait écrit avant Henri III un autre drame reçu dès le 30 avril 1828 par le comité du même théâtre et dont diverses circonstances avaient fait ajourner la représentation : ce drame, c’était Christine ou plutôt, pour lui donner le titre sous lequel il fut définitivement joué à l’Odéon le 30 mars 1830, Stockholm, Fontainebleau et Rome, trilogie en cinq actes et en vers, avec prologue et épilogue. Son succès ne fut pas moins vif que celui de Henri III, et Dumas se vit dès lors considéré comme l’émule de Victor Hugo; mais cette rivalité n’avait pas encore altéré leurs bons rapports personnels. Convié par Hugo à une lecture de Marion Delorme, alors arrêtée par la censure, il avoua hautement son admiration; de son côté, dit-on, Victor Hugo aurait, aidé d’Alfred de Vigny, retouché une centaine de vers de Christine, mal accueillis le soir de la première représentation.
    Dumas avait depuis quelques mois dit pour toujours adieu à la vie administrative et travaillait à plusieurs drames lorsque éclata la révolution de 1830. Il fit le coup de feu parmi les insurgés et, sur l’ordre de La Fayette, se rendit en hâte à Soissons où, avec le concours de quelques habitants, il protégea une importante poudrière et en assura la possession au parti vainqueur. Puis il partit pour la Vendée avec mission d’y provoquer la formation d’une garde nationale chargée de défendre le pays contre une nouvelle chouannerie que tout pouvait faire craindre. Admis au retour à faire connaître au roi lui-même son impression sur l’état des esprits, Dumas ne lui dissimula pas combien le remède lui semblait dangereux et insista sur la nécessité d’ouvrir à travers le Bocage et le Marais des voies de communication qui rendraient plus difficile la guerre civile qu’on redoutait. Bien que le second de ses conseils ait été suivi plus tard, le résultat de l’enquête ne raffermit point le crédit de Dumas auprès de Louis-Philippe; son élection de capitaine dans l’artillerie de la garde nationale parisienne, devenue l’un des foyers de l’opposition à la monarchie du 9 août, une visite intempestive aux Tuileries avec l’uniforme de ce corps supprimé par décret la veille même, le refus de prestation de serment exigé pour la remise du brevet et des insignes de la croix de Juillet, la présence de Dumas aux obsèques du général Lamarque, prélude des journées des 5 et 6 juin 1832, tels sont les principaux épisodes de cette période de politique militante à laquelle, par bonheur, Dumas ne tarda pas à renoncer, mais qu’il fallait rappeler sommairement ici.

    Une violente passion conçue pour Mme Mélanie Waldor (fille de Villenave), et à laquelle celle-ci, mariée à un officier, ne pouvait légalement répondre, inspira à Dumas ce drame où, sous le nom d’Antony, il s’est peint lui-même, a-t-il dit, «moins l’assassinat» et où il a peint, sous le nom d’Adèle Hervey, la maîtresse adorée, «moins la fuite», et qui, merveilleusement interprété par Bocage et Mme Dorval (Porte-Saint-Martin, 3 mai 1831), obtint alors une centaine de représentations. En 1834, il fut question de le transporter à la Comédie-Française, mais un article du Constitutionnel le dénonça comme immoral; l’interdiction, alors prononcée par le ministre de l’intérieur, fut levée seulement à la fin du second Empire, et de nos jours (*) Antony a repris sa place dans la série des matinées classiques organisées par l’Odéon. De 1831 à 1843, et sans préjudice des autres œuvres qui seront rappelées plus loin, Dumas occupa les diverses scènes de Paris avec les pièces suivantes: Napoléon Bonaparte ou Trente Ans de l’histoire de France, drame en six actes (Odéon, 10 janvier 1831), écrit en huit jours chez Harel qui retenait l’auteur en chartre privée; Charles VII chez ses grands vassaux, tragédie en cinq actes (Odéon, 20 octobre 1831), mal accueillie du public, malgré des beautés de premier ordre; Richard Darlington, drame en trois actes et en prose avec un prologue (Porte-Saint-Martin, 10 décembre 1831), dû à la collaboration de Beudin et de Goubaux qui en avaient fourni à Dumas l’idée première, empruntée aux Chroniques de la Canongate de Walter Scott, et où Frédérick Lemaître déploya un talent prodigieux; Térésa, drame en cinq actes (Opéra-Comique, Théâtre-Ventadour, 6 février 1832) dont le scénario primitif était d’Anicet-Bourgeois; Le Mari de la Veuve, comédie en un acte et en prose (Théâtre-Français, 4 avril 1832), avec la collaboration d’Anicet-Bourgeois et de Durrieu qui ne furent point nommés sur le titre de la brochure; La Tour de Nesle, drame en cinq actes et neuf tableaux (29 mai 1832), l’un des succès les plus retentissants et les plus prolongés du théâtre contemporain (*), mais qui souleva entre Frédéric Gaillardet, auteur du texte primitif, Jules Janin qui l’avait retouché et Dumas qui avait presque entièrement récrit la pièce, une polémique terminée par un duel avec le premier et par un procès; Catherine Howard, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 2 avril 1834), tiré par Dumas d’un autre drame resté inédit et intitulé Edith aux longs cheveux; Angèle, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 28 décembre 1833), avec la collaboration d’Anicet-Bourgeois; Don Juan de Maraña ou la Chute d’un ange, mystère en cinq actes, musique de Paccini (Porte-Saint-Martin, 30 avril 1836), imité en partie des Ames du Purgatoire de Prosper Mérimée; Kean, comédie en cinq actes et en prose (Variétés, 31 août 1836), autre grand succès de Frédérick Lemaître qui se renouvela plus tard à l’Ambigu et à la Porte-Saint-Martin; Piquillo, opéra-comique en trois actes avec Gérard de Nerval, musique de Monpou (Opéra-Comique, 31 octobre 1837); Caligula, tragédie en cinq actes et en vers avec prologue (Théâtre-Français, 26 décembre 1837), dont la chute rappela celle de Charles VII et n’est pas mieux justifiée; Paul Jones, drame en cinq actes (Panthéon, 8 octobre 1838), représenté contre le gré de l’auteur qui avait laissé le manuscrit à l’agence dramatique Porcher en nantissement d’un prêt; Mademoiselle de Belle-Isle, drame en cinq actes et en prose (Théâtre-Français, 2 avril 1839), resté au répertoire; L’Alchimiste, drame en cinq actes en vers (Renaissance, 10 avril 1839), auquel, s elon Quérard, Gérard de Nerval et Cordellier-Delanoue auraient collaboré; Bathilde, drame en trois actes et en prose (salle Ventadour, 14 janvier 1839), avec Auguste Maquet (seul nommé sur l’affiche et sur la brochure) et Cordellier-Delanoue; Un Mariage sous Louis XV, comédie en cinq actes, avec Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 1er juin 1841), restée aussi au répertoire (*); Lorenzino, drame en cinq actes et en prose, avec les mêmes collaborateurs (Théâtre-Français, 24 février 1842); Halifax, comédie en trois actes en prose avec prologue (Variétés, 2 décembre 1842); Les Demoiselles de Saint-Cyr, comédie en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Théâtre-Français, 25 juillet 1843), qui provoqua entre le principal auteur et Jules Janin une polémique violente et qui, mal accueillie le soir de la première représentation, trouva un peu plus tard et garda le succès dont elle était digne; Louise Bernard, drame en cinq actes et en prose, avec Leuven et Brunswick (Porte-Saint-Martin, 18 novembre 1843); Le Laird de Dumbicky, comédie en cinq actes et en prose, avec les mêmes (Odéon, 30 décembre 1843); Le Garde forestier, comédie en deux actes en prose avec les mêmes (Variétés, 15 mars 1845). En dépit de sa longueur, cette liste ne renferme que les pièces signées par Dumas, avouées par lui ou réimprimées dans les deux éditions collectives de son Théâtre (1834-1836, 6 vol. in-8, ou 1863-1874, 15 vol. in-12), mais non celles qu’il tira de la plupart de ses romans.

    Il nous faut maintenant revenir en arrière et rappeler les titres des principaux récits qui ont tour à tour distrait, ému ou charmé deux ou trois générations et qui se subdivisent en impressions de voyages, en romans et en chroniques historiques.

    Dumas a lui-même raconté comment, après l’insurrection de juin 1832 et une atteinte de choléra, dont il se ressentit d’ailleurs une partie de sa vie, les médecins et ses amis lui conseillèrent de quitter Paris durant quelques mois. De cette première excursion à travers la Bourgogne et la Suisse datent ces fameuses Impressions de voyage qui forment l’une des parties les plus attrayantes de son œuvre et qui ont si légitimement contribué à sa popularité. Ce sont, dans l’ordre chronologique: Impressions de voyage [en Suisse] (1833, 5 vol. in-8); Excursions sur les bords du Rhin (1841, 3 vol. in-8); Une année à Florence (1840, 2 vol. in-8); Nouvelles impressions de voyage [Midi de la France] (1841, 3 vol. in-8); Le Speronare (1842, 4 vol. in-8), voyage en Sicile avec le peintre Jadin et son bouledogue Mylord; Le Corricolo (1843, 4 vol. in-8); et La Villa Palmieri (1843, 2 vol. in-8), relatifs au même séjour dans le sud de l’Italie; De Paris à Cadix (1848, 5 vol. in-8); Le Véloce ou Tanger, Alger et Tunis (1848, 4 vol. in-8) qui forme la suite du précédent; Le Caucase (1859, in-4); De Paris à Astrakan (1860, 3 vol. in-12), réimpr. sous le titre collectif de : En Russie. À cette série se rattachent, sans en faire cependant partie : l’ouvrage intitulé Quinze jours au Sinaï (1839, 2 vol. in-8), rédigé sur les notes du peintre Dauzats, ainsi que L’Arabie heureuse, pèlerinage d’Hadji-Abd-el-Hamid-Bey [Du Couret] (1855, 6 vol. in-8, ou 1860, 3 vol. in-8); Les Baleiniers, journal d’un voyage aux Antipodes par le Dr Félix Maynard (1861, 2 vol. in-12) et le Journal de Mme Giovanni à Taïti, aux îles Marquises et en Californie (1855, 4 vol. in-8), présentés comme revus et mis en ordre par Alex. Dumas, sans que sa collaboration soit parfaitement établie.

    C’est par de courtes nouvelles que débuta le romancier qui devait entreprendre et mener à leur fin les plus longues et les plus captivantes inventions de la littérature moderne. Le Cocher de cabriolet, Blanche de Beaulieu (déjà publiée dans les Nouvelles contemporaines), Cherubino et Celestini, Antonio, Maria, et Le Bal masqué, Jacques Ier et Jacques II ont été réimprimés sous le titre de Souvenirs d’Antony (1835, in-8); Pauline et Pascal Bruno ont reçu le titre collectif de La Salle d’armes (1838, 2 vol. in-8). Viennent ensuite des œuvres de plus longue haleine : Le Capitaine Paul (1838, 2 vol. in-8), dont, si l’on en juge par un ex-dono de Dumas, l’idée première appartiendrait à Dauzats; Acté, suivi de Monseigneur Gaston de Phebus (1839, 2 vol. in-8); Aventures de John Davy (1840, 4 vol. in-8); Le Capitaine Pamphile (1840, 2 vol. in-8); Maître Adam le Calabrais (1840, in-8); Othon l’Archer (1840, in-8); Aventures de Lyderic (1842, in-8); Praxède, suivi de Don Martin de Freytas et de Pierre le Cruel (1841, in-8); Georges (1843, 3 vol. in-8), dont, selon Mirecourt, Félicien Malefille aurait pu revendiquer la paternité; Ascanio (1843, 5 vol. in-8), sur lequel, toujours d’après le même pamphlétaire, M. Paul Meurice aurait pu faire valoir les mêmes droits; Le Chevalier d’Harmental (1843, 4 vol. in-8), d’où date l’alliance intime, féconde et hautement avouée par le premier, de Dumas et de Maquet à laquelle on a dû successivement : Sylvandire (1844, 3 vol. in-8); Les Trois Mousquetaires (1844, 8 vol. in-8), le plus amusant et le plus célèbre des romans de cape et d’épée et ses deux suites dignes de leur aîné : Vingt ans après (1845, 10 vol. in-8) et Dix ans plus tard ou le Vicomte de Bragelonne (1848-1850, 26 vol. in-8); Le Comte de Monte-Cristo (184-1845, 12 vol in-8), dont Fiorentino réclamait une part formellement niée par Dumas et restée inconnue à Maquet; Une Fille du Régent (1845, 4 vol. in-8); La Reine Margot (1845, 6 vol. in-8); La Guerre des femmes (1845-1846, 8 vol. in-8); Le Chevalier de Maison-Rouge (1846, 6 vol. in-8); La Dame de Monsoreau (1846, 8 vol. in-8); Le Bâtard de Mauléon (1846, 9 vol. in-8); Mémoire d’un médecin (1846-1848, 19 vol. in-8) et ses deux suites : Ange Pitou (1853, 8 vol. in-8) et La Comtesse de Charny (1853-1855, 19 vol. in-8); Les Quarante-Cinq, suite et fin de La Dame de Monsoreau (1848, 10 vol. in-8). Alexandre Dumas, qui se flattait « d’avoir des collaborateurs comme Napoléon a eu des généraux », eut recours encore à Hipp. Auger pour Fernande (1844, 3 vol. in-8), à M. Paul Meurice pour Amaury (1844, 4 vol. in-8), à Paul Lacroix pour Les Mille et un fantômes (1849, 2 vol. in-8), La Femme au collier de velours (1851, 2 vol. in-8), et pour Olympe de Clèves (1852, 9 vol. in-8), etc. Parfois même il lui est arrivé de mettre ou de laisser mettre son nom sur la couverture de livres qu’il n’avait pas même lus, ainsi qu’il l’a reconnu plus tard pour Les Deux Diane de M. Paul Meurice (1846-1847, 10 vol. in-8), ou pour Le Chasseur de Sauvagine de M. G. de Cherville (1859, 2 vol. in-8), où sa part effective se réduisit, dit-il, à mettre un point sur l’i du dernier mot du titre. En revanche, on ne lui a jamais disputé plusieurs autres romans moins célèbres, il est vrai, que ceux dont les titres sont rappelés plus haut : Gabriel Lambert (1844, 2 vol. in-8); Le Château d’Eppstein (1844, 3 vol. in-8); Cécile (1844, 2 vol. in-8); Les Frères Corses (1845, 2 vol. in-8), émouvant récit, dédié à Prosper Mérimée.

    Malgré cette production sans exemple et qui dépassait tout ce que la cervelle et même la main humaine avaient pu jusqu’alors concevoir et exécuter, en dépit des procès suscités, et le plus souvent gagnés par les directeurs de journaux dont les traités restaient en souffrances, Dumas trouvait encore le temps de surveiller la construction de la villa de Monte-Cristo, près de Saint-Germain, et qui engloutit une partie des sommes fabuleuses que lui rapportait sa plume, de parcourir d’octobre 1846 à janvier 1847 l’Espagne et l’Algérie, en compagnie de son fils, de Maquet, de Louis Boulanger, de Desbarolles et d’Eugène Giraud, de prendre enfin la direction du Théâtre-Historique dont le duc de Montpensier lui avait fait obtenir la concession et où il se proposait « d’offrir chaque soir au peuple une page de notre histoire ». L’inauguration en eut lieu le 20 février 1847 avec La Reine Margot, drame en cinq actes et treize tableaux, tiré du roman portant le même titre, avec le concours d’Auguste Maquet qui, outre deux adaptations antérieures des Mousquetaires (Ambigu, 27 octobre 1845), et de La Fille du Régent (Théâtre-Français, 14 avril 1846), produisit dans les mêmes conditions : Le Chevalier de Maison-Rouge (Théâtre-Historique, 5 août 1847), dont le souvenir s’est perpétué par le fameux refrain Mourir pour la patrie! devenu peu après le chant patriotique de 1848; Monte-Cristo, drame en quatorze tableaux divisés en deux « soirées », innovation assez malheureuse, suivie plus tard de deux autres « soirées »: Le Comte de Morcerf et Villefort (1851); Catilina, drame en cinq actes (Théâtre-Historique, 14 octobre 1848); La Jeunesse des Mousquetaires, drame en cinq actes et quatorze tableaux, avec prologue et épilogue (Théâtre-Historique, 10 février 1849), l’un des grands succès de Mélingue; La Guerre des femmes, drame en cinq actes et dix tableaux (avril 1849); Le Chevalier d’Harmental, drame en cinq actes et dix tableaux (Théâtre-Historique, 26 juillet 1849); Urbain Grandier, drame en cinq actes, avec prologue (Théâtre-Historique, 30 mars 1850). C’est sur la même scène que furent encore représentés Le Comte Hermann, drame en cinq actes (22 novembre 1849), interprété par Mélingue, Laferrière et Rouvière, et une adaptation d’Hamlet, en cinq actes et en vers, qu’il a signée avec M. Paul Meurice et qui figure au répertoire actuel* de la Comédie-Française (15 décembre 1847).

    La révolution de février 1848 ne fut pour Dumas qu’une suite de déceptions et le signal du déclin de son extraordinaire fortune. Collaborateur d’une feuille quotidienne éphémère, La Liberté (mars-juin 1848), et fondateur d’une revue politique intitulée Le Mois (15 avril), qui n’eut pas une destinée beaucoup plus brillante, candidat malheureux dans Seine-et-Oise et dans l’Yonne, bientôt menacé dans la source principale de ses revenus par l’amendement Riancey qui assujettissait à un droit fiscal le roman-feuilleton, traqué par ses créanciers personnels et par ceux du Théâtre-Historique, dont la crise que l’on traversait avait entraîné la fermeture, il quitta Paris vers la fin de 1851 et vint se fixer à Bruxelles où il demeura jusqu’en 1854. C’est là qu’il écrivit : Un Gil Blas en Californie (1852, 2 vol. in-8); Mes Mémoires (1852-1854, 22 vol. in-8); Isaac Laquedem (1852, 2 vol. in-8), sorte de contre-partie du Juif Errant d’Eugène Suë, annoncée comme devant former trente volumes, mais qui fut arrêtée par la censure impériale; Le Pasteur d’Ashbourn (1853, 8 vol. in-8); El Saltéador (1853, 3 vol. in-8); Conscience l’Innocent (1853, 5 vol. in-8); Catherine Blum (1854, 2 vol. in-8); Ingénue (1854, 7 vol. in-8), dont la publication dans Le Siècle fut interrompue sur la réclamation d’un descendant de Restif de la Bretonne; Les Mohicans de Paris (1854-1858, 19 vol. in-8), dont Paul Bocage fut le collaborateur, ainsi que pour Salvator (1855-1859, 4 vol. in-8), qui en forme la suite. Grâce au dévouement de M. Noël Parfait, ancien représentant du peuple, exilé par le coup d’État et qui avait remis quelque ordre dans les finances de Dumas, celui-ci put, à son retour en France, retrouver une tranquillité relative. De 1854 à 1860, il fonda et dirigea Le Mousquetaire, devenu, en 1857, Le Monte-Cristo, «rédigé par M. Dumas seul», fit représenter Romulus, comédie en un acte et en prose (Théâtre-Français, 15 janvier 1854), dont O. Feuillet et Paul Bocage furent les collaborateurs; La Jeunesse de Louis XIV, comédie en cinq actes et en prose, reçue mais non jouée au Théâtre-Français, représentée au Vaudeville à Bruxelles le 20 janvier 1864 et reprise en 1874 à l’Odéon; La Conscience, drame en cinq actes (Odéon, 7 novembre 1854); L’Orestie, tragédie en trois actes et en vers (Porte-Saint-Martin, 5 janvier 1856); Le Verrou de la reine, comédie en trois actes (Gymnase, 5 décembre 1856), intitulée d’abord La Jeunesse de Louis XV et remaniée après son interdiction par la censure; L’Invitation à la valse, comédie en un acte (ibid., 3 août 1857); L’Honneur est satisfait, comédie en un acte (ibid., 19 juin 1858); Les Gardes forestiers, drame en cinq actes (Grand-Théâtre de Marseille, 23 mars 1858), tiré de Catherine Blum, roman cité plus haut; La Dame de Monsoreau, drame en cinq actes avec prologue (Ambigu, 10 novembre 1860), le dernier et l’un des meilleurs que Maquet ait signés avec lui; enfin, il écrivit deux de ses meilleurs romans, Les Compagnons de Jéhu (1857, 7 vol. in-8), et Les Louves de Machecoul (1859, 10 vol. in-8).

    Le voyage de Dumas en Italie (1860), la part plus ou moins effective qu’il prit à l’expédition de Garibaldi en Sicile, son séjour à Naples de 1860 à 1864 inaugurent le début de la dernière période de sa vie. Les œuvres s’y succèdent encore, de plus en plus hâtives et improvisées, et sans qu’à de rares exceptions près, on y sente percer, comme jadis, l’ongle du lion. Il suffira de citer : Madame de Chamblay (1863, 2 vol. in-12), dont l’auteur tira un drame en 1868 (Porte-Saint-Martin); Les Mohicans de Paris, drame en cinq actes (Gaîté, 20 août 1864), interdit par la censure et autorisé par Napoléon III à qui Dumas avait adressé une curieuse supplique; La San Felice (1864-1865, 9 vol. in-18); Les Blancs et les Bleus (1867-1868, 3 vol. in-12), épisode des guerres de Vendée, qui fournit aussi le sujet d’un drame joué sous le même titre au Châtelet en 1869.

    Si longue que soit l’énumération qui précède, elle resterait notablement incomplète si l’on n’y faisait point figurer trois séries d’écrits où Dumas, tout en donnant carrière à son imagination, a entendu raconter sa propre existence, celle de plusieurs de ses contemporains et de ses amis, enfin quelques-uns des principaux épisodes de l’histoire de France. Outre ses Mémoires déjà cités, on trouvera beaucoup de particularités curieuses, mais le plus souvent sujettes à contestations, dans un fragment placé en tête de la première édition de son Théâtre: Comment je devins auteur dramatique, dans ses Souvenirs de 1830 à 1842 (1854, 2 vol. in-8); dans ses Causeries (1860, 2 vol. in-18); dans Bric-à-Brac (1861, 2 vol. in-18), enfin dans l’Histoire de mes bêtes (1868, in-18). Le second groupe est formé par Un Alchimiste au XIXe siècle (le comte de Ruolz), premier chapitre de La Villa Palmieri, tiré à part; Le Maître d’armes (1844, 3 vol. in-8), mémoires de Grisier; Une Vie d’artiste (1854, 2 vol. in-8), histoire de la jeunesse et des débuts de Mélingue; La Dernière Année de Marie Dorval (1854, in-18), touchant appel à la charité publique pour parvenir à lui ériger un tombeau; les Mémoires de Garibaldi (1860), soi-disant traduits sur le manuscrit original; Les Morts vont vite (1861, 2 vol. in-18), intéressantes réminiscences sur Béranger, Musset, Achille Devéria, Eugène Suë, Chateaubriand, le duc et la duchesse d’Orléans, etc. En 1833, une première étude historique : Gaule et France, était présentée comme devant former la tête d’une série de Chroniques qui ne fut pas continuée après la seconde : Isabelle de Bavière (règne de Charles VI) (1836, 2 vol. in-8), car on ne peut donner ce nom aux compilations que Dumas a signées depuis et qu’il suffit de rappeler pour mémoire: Louis XIV et son siècle (1845-1846); Michel-Ange et Raphaël (1846); Louis XV (1849); La Régence (1849); Louis XIV (1850); Le Drame de Quatre-vingt-treize (1851); Histoire de deux siècles (1852); Histoire de la vie politique et privée de Louis-Philippe (1852); Les Grands Hommes en robe de chambre (César, Richelieu) (1857). Mettons à part La Route de Varennes (1860, in-18), amusant récit d’une excursion en Champagne, d’après l’itinéraire même de la famille royale, mais où une inexactitude lui valut un long procès définitivement jugé en sa faveur. À ces spéculations de librairie, on préférera toujours les deux ou trois contes écrits pour les enfants et restés des modèles du genre : Histoire d’un casse-noisette (1845, 2 vol. in-12, ill. par Bertall); La Bouillie de la comtesse Berthe (1845, in-12, ill. par le même) et Le Père Gigogne (1860, 2 vol. in-12).

    Les toutes dernières et si tristes années de la vieillesse de Dumas furent adoucies par le dévouement de sa fille, Mme Petel, et par la sollicitude de son fils, qui finit par pourvoir à tous les besoins de sa vie matérielle; ce fut dans la ville de Puys, près de Dieppe, qu’il s’éteignit le 5 décembre 1870, sans avoir conscience des désastres infligés à la France, et sa mort passa forcément alors inaperçue. Au mois d’avril 1872, sa dépouille fut exhumée de la tombe provisoire où elle était déposée et transportée, selon un vœu souvent exprimé par lui, au cimetière de Villers-Cotterets, en présence de la plupart de ses amis, collaborateurs ou interprètes encore survivants. Le 4 novembre 1883, fut inauguré sur la place Malesherbes, à Paris, le monument dû à Gustave Doré, qui n’avait pu en voir l’achèvement et où il avait placé au pied de la statue assise du grand romancier le personnage le plus populaire de son œuvre (d’Artagnan), encadré par deux groupes symbolisant les diverses classes de lecteurs que charmeront toujours ses légendaires exploits.

    Les indications bibliographiques des œuvres citées au cours de cet article se réfèrent toutes à leurs éditions originales, mais les divers écrits de Dumas (à l’exception de ses poésies qui n’ont jamais été réunies(*)) ont été l’objet de deux réimpressions générales en quelque sorte permanentes, l’un en livraisons in-4 illustrées, l’autre dans le format in-18 et comprenant beaucoup de romans (authentiques ou apocryphes) parus antérieurement sous d’autres titres; cette partie de la bibliographie de Dumas n’a pas été traitée par MM. Parran et Glinel dont les travaux n’en sont pas moins fort intéressants et fort utiles.

    Les portraits originaux de Dumas ne sont pas aussi nombreux que pourrait le faire supposer sa très réelle célébrité. On ne peut guère citer, parmi les documents les plus importants, que deux lithographies d’Achille Devéria, l’une en pied (sur un canapé), l’autre en buste et toutes deux fort belles; un médaillon en bronze de David d’Angers; une autre lithographie par Lelièvre (1833); un pastel par Eugène Giraud (1845); un portrait en costume de Circassien par Louis Boulanger (Salon de 1859), appartenant au fils du modèle; une statue par Carrier-Belleuse, à Villers-Cotterets; de très nombreuses caricatures et un certain nombre de photographies; l’une d’elles, représentant Dumas en manches de chemise et tenant dans ses bras une célèbre écuyère américaine, miss Adah Menken, fut retirée du commerce sur la plainte de la famille.

    (*) Au moment de la publication de cette notice, c’est-à-dire vers 1885.


    source: Maurice Tourneux, article «Dumas» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?]. Tome quinzième (Duel-Eoetvoes), p. 36-39.

    Œuvres de Alexandre Dumas (père)

    Oeuvres disponibles en ligne sur le site Gallica (Bibliothèque nationale de France)

    Source:agora

  • Catégories : Des évènements, Des lieux, La littérature

    « Lire à Limoges » 2007 du 30 mars au 1 er avril 2007

    Classée parmi les tout premiers salons du livre en France, la prochaine édition de « Lire à Limoges » se déroulera les 30, 31 mars et 1er avril 2007 sur l’esplanade du Champ de Juillet et dans plusieurs lieux culturels de la ville. Sous un chapiteau de 2 500 m², la manifestation accueillera quelque 250 auteurs de littérature générale, jeunesse et bande dessinée pour le grand plaisir des 60 000 visiteurs attendus chaque année.
    L’ensemble des rencontres et des échanges organisés dans le cadre de cette nouvelle édition 2007 aura pour fil conducteur la transmission, celle de la langue, de la parole, du patrimoine, et du savoir…




    Pour la francophonie, le Liban à l’affiche

    Afin de présenter la diversité de la francophonie culturelle, axe privilégié de la politique culturelle de la Ville de Limoges, une des grandes thématiques de « Lire à Limoges » sera consacrée au Liban, à l’affiche du programme national «Les Belles Etrangères». La présence cette année d’auteurs libanais sera l’occasion d’ouvrir une page d’histoire et de partager une mémoire collective.

    Ce thème sera décliné sous plusieurs formes : une soirée spéciale « Littérature Liban » à la Bfm animée par Gérard Meudal, journaliste au Monde, avec une conversation francophone sur la littérature libanaise en présence d’auteurs libanais de renom dont Alexandre Najjar, Vénus Khoury Gata, et un hommage au poète libanais Khalil Gibran ; l’exposition de photos de Roger Moukarzel présentée dans le cadre de l’opération « Un autre Liban » proposée par la Bibliothèque francophone multimédia ; et un stand des éditeurs libanais installé sous le chapiteau pendant toute la durée de la manifestation. Enfin, avec ses Contes des neuf continents, la conteuse libanaise Praline Gay Para viendra faire rêver les plus jeunes.

    Une deuxième conversation francophone, animée par Dany Toubiana, journaliste et productrice indépendante, abordera un des aspects essentiels de la francophonie, le lien entre « Langues et imaginaire ». Elle réunira Daniel Maximin, romancier et essayiste guadeloupéen, Malek Chebel, anthropologue, historien et auteur ayant pris des positions fortes sur un Islam moderne, et Henriette Walter, professeur de linguistique et auteur d’ouvrages spécialisés et grand public sur ce thème.



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    Des moments privilégiés d’échange et de partage

    Plusieurs temps forts, sous la forme de tables rondes ou de conférences, seront organisés pour le public sur des thèmes de société ou d’actualité.

    « Lire à Limoges » aura l’immense privilège d’accueillir le professeur Alain Bentolila, professeur émérite de linguistique à l’université Paris V reconnu pour ses recherches sur la mesure et les causes de l’illettrisme en France, lors d’une conférence grand public intitulée « Le verbe contre la barbarie ».

    Eric Portais, journaliste, animera plusieurs rendez-vous : à la Bfm sur « L’Histoire secrète du Kremlin » avec Vladimir Fédérovski, romancier d’origine russe et diplomate pendant les grands bouleversements à l’Est, et deux tables rondes, à l’Opéra-Théâtre, dont une sur le thème très actuel de l’évolution de l’information avec Catherine Lamour et Danièle Granet qui viennent de co-signer Médiabusiness, une grande enquête sans compromis consacrée au monde des médias.

    A l’attention des seniors, une rencontre organisée autour du professeur Philippe Thomas, psycho-gériatre au CHU de Limoges, évoquera «Le temps de la transmission et du partage».

    Enfin, autre moment de partage et d’émotion avec la remise des prix littéraires sous le chapiteau : le prix de la Ville de Limoges récompensant cette année un œuvre francophone, le prix « Cœur de la France » et le prix « bande dessinée ».






    La calligraphie comme thème fédérateur

    Le thème fédérateur pour le jeune public mais également cette année pour les adultes sera celui de la calligraphie. En amont de la manifestation, grâce à la collaboration active du secteur associatif, des ateliers seront organisés avec trois intervenants représentant la calligraphie chinoise, latine et arable : Enzhi Yang, Sophie Larigaldie et Ismet Dogru.

    Les jeunes seront également les premiers à participer aux prix littéraires en composant les jurys du prix Izzo (jeunes de 16 à 25 ans) en hommage à Jean-Claude Izzo et du prix « Coup cœur jeunesse » où les élèves de trois classes de CM2 éliront l’ouvrage jeunesse de leur choix.

    Enfin, les animations en direction du public scolaire continuent de se développer avec les rencontres écrivains-scolaires qui connaissent toujours le même succès (161 rencontres organisées).



    http://www.ville-limoges.fr/limoges/weblimog.nsf/00000000000000000000000000000000/cf40ea28f84c174fc1257272004f927e?OpenDocument
  • Catégories : Balades, Des librairies, Des lieux

    Montolieu, village du livre (Aude)

    medium_montoilieu.jpgMontolieu vu du pont de l'Alzeau(Source:http://www.manufactureroyale.com/photos_montolieu.htm)

    Montolieu est situé dans l'Aude à 15 km de Carcassonne et à 3/4 environ en voiture de Lavelanet où j'ai vécu entre 1998 et 2001.C'est un village de style médiéval perché sur un éperon rocheux entre les gorges de la Dure et de l'Alzeau.

    Comme c'est un coin de campagne magnifique et un lieu parfait pour une amoureuse des livres, nous y allions assez souvent.Un samedi de novembre 1999, en sortant du village (je venais d'avoir mon permis et adorais les routes tortueuses de cette région), nous fûmes assaillis par des trombes d'eau et les flaques immenses masquaient presque la route mais je continuais presque joyeusement et impertubablement.

    J'étais moins joyeuse en voyant les jours suivants les dégâts et les morts occasionnés par les inondations dans tout le département de l'Aude. Quelques mois après, en plein été, lors d'une autre balade dans ce magnifique département, on voyait encore à hauteur du deuxième étage des maisons, les traces d'humidité.

    Pour en revenir à Montolieu, village du livre, vous trouverez toutes les informations sur:http://www.montolieu.net